Call Me By Your Name

Call Me By Your Name
2018
Luca Guadagnino

Si se taper toute la liste des nominés aux Césars est assurément une torture pour tout cinéphile tant la sélection est généralement quasi exclusivement composée de films chiants et souvent ratés, le constat des Oscars est habituellement tout autre. Les projets calibrés pour plaire à l’académie n’ont souvent rien de folichon et ce ne sont jamais les meilleurs films qui y sont primés, mais on y trouve parfois des petits films indépendants rebutants sur le papier mais forts sympathiques dans les faits. Cette année le moins populaire (financièrement) de la sélection était celui-ci, peinant à atteindre les 18 M$ à domicile et les 35 M$ dans le monde. Tout comme Moonlight l’an dernier, le film met en avant un jeune homme face à sa sexualité déviante (homo), même si d’un point de vue récompenses le parcours fut ici plus modeste avec « seulement » l’Oscar du meilleur scénario adapté.

Tiré du roman de André Aciman, le film raconte un été dans la vie d’Elio (Timothee Chalamet), jeune garçon de 17 ans se prélassant dans le domaine familial entre siestes, baignades et lectures. Comme chaque été, son professeur de père (Michael Stuhlbarg) va inviter un de ses élèves à faire un stage, et cette année son disciple sera Oliver (Armie Hammer), apollon de deux mètres de haut et aux muscles saillants. Jusqu’alors attiré par les jeunes filles qui passaient, le jeune éphèbe qu’est Elio va vite se fasciner pour le colosse.

Pour le commun des personnes, l’homosexualité est une simple notion purement théorique qui indiffère ou répugne. Pour d’autres, c’est une réelle pulsion involontaire qui effraye de par la peur de l’autre, des réactions et du rejet. L’idée d’un film sur la découverte de soi au passage à l’âge adulte est donc intéressante et pertinente, d’autant que le film apporte un angle d’approche original : la simplicité. L’action se déroule durant l’été, loin de la pression et du stress des études ; le cadre est une imposante demeure dans le sud de l’Italie où l’opulence et la chaleur nous bercent ; et malgré le contexte de l’époque (on pouvait s’en douter vu les voitures, mais dire clairement que l’histoire se déroulait en 1983 aurait été pas mal) il n’y aura aucune forme de pression sociale ou familiale, bien au contraire. En effet, les parents d’Elio vont faire preuve d’une liberté affolante, n’hésitant pas à laisser leur fils vivre sa vie de son côté et l’encourageant allègrement à profiter de son idylle, allant jusqu’à lui accorder une longue escapade de plusieurs jours. D’aucuns diraient que l’absence d’obstacles pour pimenter le récit ou créer des rebondissements nuit gravement au rythme ou à l’intérêt de l’histoire, mais on peut aussi choisir de le voir comme un instant de vie hors du temps. Personnellement, venir à bout des deux heures de film fut une épreuve qui sembla s’éterniser sur des dizaines d’heures, mais malgré tout le film a de solides arguments.

Déjà son ambiance, calme, chaleureuse et nonchalante, qui aura tôt fait de nous mettre dans le bain, d’autant que le cadre est très enrichissant. Les décors regorgent de vie, de joie, de bonheur, transpirant de cette richesse culturelle. En effet, la famille d’Elio est juive, basée à l’année aux Etats-Unis (ou Royaume-Uni ?) et rentrant en vacances dans leur Italie natale, mais ayant aussi passé une grande partie de leur vie en France et y ayant encore bien des amis, dont un couple gay qui explique leur facilité d’acceptation. Avec une passion pour la lecture et la musique, parlant français de base (et étonnamment bien d’ailleurs) et anglais la plupart du temps avec quelques incursions en italien et allemand, on sent toute cette richesse de savoir, d’autant que l’élément déclencheur reste l’arrivée du stagiaire d’un père professeur en histoire de l’art. La réalisation très douce et la photographie chaleureuse donnent de l’ampleur à cette ambiance très réussie, portée à l’occasion par quelques musiques sympathiques, dont celle nominée aux Oscars. Côté acteurs, malgré quelques réserves sur la véritable sexualité des acteurs qui transparaît pour certains, je reste pour ma part bluffé par leurs implications et ai parfaitement cru à cette histoire. On reste sur de la comédie-romantique classique sur le fond et il sera impossible pour beaucoup de passer outre la durée phénoménale ressentie ou encore le thème de la bisexualité, et globalement je ne comprend absolument pas tout le bruit qu’il y a eu autour du projet, mais je suppose que si l’histoire trouve un écho particulier pour vous ou que vous cherchiez du cinéma atypique, l’aventure prendra tout son sens.

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