Killers of the Flower Moon


Killers of the Flower Moon
2023
Martin Scorsese

Je dois avouer que je ne suis pas du tout un grand connaisseur du cinéma du porté aux nus Martin Scorsese, ayant pourtant très largement apprécié l’intégralité de ses films vus aux cours des quinze dernières années, notamment Gangs of New-York qui est jusqu’à présent mon préféré pour sa façon de raconter un pan de la grande histoire au travers de personnages à taille humaine. Il faut dire que le bougre a la fâcheuse tendance à se perdre dans des narrations flirtant voir dépassant les trois heures, et qu’avec carrément près de trois heures trente dans le cas présent, il m’aura fallu cumuler quatre jours de temps libre, c’est dire.

L’intrigue nous plongera au cœurs des années 1920, alors que la ville d’Osage County connaît une vague de meurtre à cause du pire des fléaux : l’envie. Terre bénie débordant de pétrole, elle aura fait de ses habitants amérindiens les personnes les plus riches de la planète, et dans une époque où l’homme blanc était censé tout posséder, se retrouver à jouer les larbins pour des pachas avec des plumes, ça ne passait pas. Shérif du conté, William Hale (Robert De Niro) avait déjà commencé un grand nettoyage en faisant tuer à tour de bras les locaux, se servant ensuite de son autorité pour étouffer toute forme d’enquête. Mais au retour de son neveu Ernest (Leonardo DiCaprio), son plan allait enfin trouver une pleine solution pour mettre la main sur l’argent des peaux-rouges : le pousser dans les bras d’une Osage pur sang, Mollie (Lily Gladstone), pour faire en sorte que l’argent retombe dans sa famille.

Dès le début, le film m’a pleinement cueilli, au point de crier un peu trop vite au chef d’œuvre absolu. L’idée d’un racisme décomplexé embrassant à la fois le judaïsme, le kkk et carrément la franc-maçonnerie, c’est du génie. Magouilles et compagnies, en mode ordures totales adeptes des coups de couteaux dans le dos, c’est d’un niveau de monstruosité juste parfait. Avec en plus un Leonardo DiCaprio demeuré à contre-emploi mais brillant toujours, dont la romance forcée est en fait assez mignonne, car même dans la saloperie, un semblant d’honnêteté et d’intégrité peut apparaître sans crier gare, et on sentirait presque le personnage se retourner pour vérifier si ça vient bien de lui ou que son oncle ne va pas lui taper dessus pour réellement éprouver des sentiments pour son quasi mariage forcé. Mieux encore, le film sera redynamisé à deux reprises avec l’arrivée de Tom White (Jesse Plemons), venant mettre un bon gros coup de pression, puis le jeu de joute et de sauvetage de plumes avec John Lithgow et Brendan Fraser. Alors oui, près de 3h30, c’est une épreuve, mais le film se suit assez bien, du fait aussi des prestations remarquables, déjà saluées dans la plupart des cérémonies, surtout Lily Gladstone, ultra favorite dans la course aux Oscars. En revanche, histoire vraie oblige, certains pans de la vérité déçoivent pour la toute fin, et pour ma part, le passage méta remplaçant les habituels panneaux de texte est une purge, cassant l’immersion. Petit mot également sur le budget aberrant de 200M$, classant directement le film dans le top 10 des plus gros flops de l’histoire du cinéma : il faut arrêter de filer 50 M$ à chaque grosse tête d’affiche et de laisser un homme de plus de 80 ans seul aux commandes, prenant sept mois à tourner un film quand la moyenne est de trois semaines. Bref, une histoire très prenante, un grand savoir-faire pour un résultat vraiment excellent, sans pour autant marquer outre mesure.

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Kingdom Hearts III


Kingdom Hearts III
2019
PS4

On aurait tendance à dire que le jeu s’est fait attendre 14 ans puisque Kingdom Hearts II est sorti en 2005, mais ça serait oublier tout ce qui est sorti entre-temps. Car non, le jeu apportait une « fin » aux aventures de Sora, et l’histoire annoncée à la fin était celle de Birth By Sleep, sorti pour sa part en 2010. Il aura fallu attendre ensuite 2017 pour avoir un semblant de suite aux errances de Ven, Aqua et Terra avec II.8, puis ce troisième opus, mais un opus majeur est sorti en 2012 : Dreams Drop Distance, vraie suite de la saga principale avec l’examen de Maître Keyblade pour Sora et Riku. Et autant dire qu’avec les remix / remake / compilation I.5, II.5 et II.8 sortis entre 2013 et 2017, les fans de la saga ont eu de quoi faire. Oui mais voilà, fini de s’éparpiller, de multiplier les projets annexes, il était grand temps de faire se croiser tous les chemins, tâche aussi ambitieuse que périlleuse à laquelle était confronté ce Kingdom Hearts III, que j’ai enfin pu découvrir avec cinq ans de retard.

Graphismes : 17/20

Point assez difficile à juger tant le jeu est disparate, et mon point de comparaison sera surtout Final Fantasy VII R, assez supérieur sur pratiquement tous les points. Tournant aussi sous l’Unreal Engine 4, le jeu n’a pas la même ambition réaliste, affichant des décors moins fournis, et surtout des personnages plus cartoonesques avec des animations faciales frôlant souvent la fameuse vallée de l’étrange. Certes, la direction artistique est marquée, mais le jeu est assez inégal. On trouvera l’Olympe à se damner, faisant défiler des panoramas incroyables, les Caraïbes sont de toute beauté (point pourtant plutôt raté dans Kingdom Hearts II, on revient de loin, le pire univers du second devient le meilleur du troisième) et on sera surtout sur le cul face à la fin du monde ou Scala ad Caelum (quelle tristesse que de ne pas s’y attarder), mais le reste est au mieux oubliable. Le moteur est capable de merveilles, mais probablement à cause du manque d’intérêt des univers choisis, le résultat n’est pas la claque de tous les instants qu’il aurait pu être. A noter aussi les balades en Gummi, pas beaucoup plus évolués en 14 ans et deux consoles d’écart (voir trois avec le boost PS5), c’est quand même dommage. Au moins le jeu est d’une fluidité incroyable, ultra dynamique, virevoltant et sans jamais le moindre lag.

Gameplay : 15/20

La masterclass du second semble loin malgré l’envie d’en faire un jeu monde avec absolument tout, ou presque. Les commandes visées issues de Birth By Sleep font plaisir, les changements de forme inspirées par ce dernier également, mais les invocations sont toujours inutiles, les liens ramenant les créatures de Dreams Drop Distance bof, les manèges contextuels sont trop forts et cassent le rythme, et tout le reste est Kingdom Hearts II en moins bien. Difficile de trouver les magies puissantes quand les trois protagonistes de Birth By Sleep lâchaient des sorts destructeurs autrement plus puissants. La fusion de commandes et le Monopoli manquent tellement… Le sentiment de puissance est bien plus faible, comme si Sora régressait continuellement, n’ayant aucune fusion à offrir, et ce qui s’en rapproche est post-game ou en DLC. Triste. La course libre donnerait une bonne verticalité si ça ne faisait pas au détriment de la cohérence des décors (bravo les zones en surbrillance… ) et que le level design n’était pas si honnêtement mauvais. Qui dit plus grandes maps dit beaucoup de vide, de temps perdu, d’exploration laborieuse. Certes, sur l’univers de Pirates des Caraïbes, l’exploration est très appréciable, mais pour tous les autres ce fut plus une corvée qu’autre chose, et là où il me manquait une toute petite poignée de coffre sur l’ensemble du jeu Kingdom Hearts II, c’est pour près d’une centaine que j’ai dû regarder la soluce pour les trouver, et il m’aurait manqué près du tiers des emblèmes fétiches sans également, dont la moitié était déjà dû à un coup de chance. Terminons avec les balades en vaisseau Gummi : on regrettera amèrement celles du modèle absolu, Kingdom Hearts II. Cartes infinies, bordéliques, vaisseau à la maniabilité catastrophique, missions nulles sans grandiose : rien ne va, une tannée. Même les mini-jeux de game and watch étaient plus funs… On part sur des bases tellement solides que le jeu reste dans l’ensemble très agréable, mais tout est trop foutraque, moins poussé à force de trop tout vouloir faire, et les absences comme les fusions sont dommageables.

Durée de vie : 17/20

J’aurais tendance à dire que l’équilibre est bon : comme le jeu est plutôt facile, on peut foncer et finir en environs 25 heures. Si l’on veut tout explorer et finir le plus accessible, en 40 heures on pourra avoir débloqué les deux tiers des trophées. Au delà, le platine est débile à aller chercher entre les photos, mini-jeux et cuisine, sans compter la forge plus difficile que jamais tant elle n’est naturellement pas possible à compléter. Pour un RPG si dense, c’est une durée de vie très bonne dans les deux cas, que ce soit pour les acharnés ou ceux qui veulent parcourir rapidement l’univers.

Bande son : 16/20

Ô drame, ô infamie ! Déjà enlevée des compilations, la VF apportait tellement aux deux premiers opus sur PS2. Personne ne regarde les Disney en VO, donc nous avons tous grandi avec les voix des doubleurs iconiques français. Ne pas les retrouver enlève beaucoup de l’intérêt de parcourir les univers des classiques de l’animation – ou non d’ailleurs, et Star Wars est confirmé pour la suite – donc c’est assurément un gros point noir. D’un autre côté, j’avais déjà revu les Pirates des Caraïbes en VO, et rejoué aux précédents jeux sur les compilations en VO, donc l’habitude commence à se faire, mais c’est tellement dommage. Concernant les thèmes musicaux, c’est évidemment incroyable, avec enfin une relève à Simple and Clean. Il était temps !

Scénario : 16/20

Seul point sur lequel cet opus est incontestablement le meilleur. Toujours trop dilué et surtout présent en toute fin des jeux, le lore est ici présent dès le début, avec de nouveaux éléments tout du long comme les différentes quêtes pour ramener les sept protecteurs de la lumière. Dès que l’on quitte un monde, on aura soit une avancée sur la récupération d’Aqua, soit sur Roxas / Naminé (d’ailleurs seul simili dont le nom n’est pas un anagramme de l’humain d’origine avec le X d’union), soit sur l’entraînement de Lea et Kairi. En parlant de Lea, sa quête d’identité est touchante, se demandant si Axel n’était pas tout autant lui. Tout avance continuellement jusqu’à un final orgasmique de croisement ultime de tous les chemins, du pur bonheur. Les joueurs de X chi ont dû pleurer en voyant leurs pseudos défiler lors de l’invocation des anciens maîtres de la première guerre d’antan. En revanche, les univers Disney parcourus sont parmi les plus oubliables jamais traversés. Sans vouloir gâcher la potentielle surprise de certains hormis le déjà cité Pirates des Caraïbes et l’incontournable Hercule, mais sans Colysée malheureusement, aucun autre ne mérite qu’on s’y attarde, très frustrant. Espérons des choix plus ambitieux la prochaine fois.

Note générale : 16/20

On espérait le jeu ultime, mais ça ne sera au final qu’une très bonne cuvée, n’arrivant pas à égaler l’excellence du modèle Kingdom Hearts II, encore et toujours. Le jeu se veut d’une générosité monstre, voulant tout y incorporer, faire tout plus grand. Pour l’histoire principale, c’est un oui absolu, pour le reste, c’est juste le bordel. Le système de combat est parfois illisible, à l’image des décors trop grands, trop fournis, juste trop. On est submergé de commandes contextuelles triangle, la plupart sont abusives et cassent le rythme. Le level design nous perd, et la plupart du temps ça n’est pas agréable dans la mesure où le catalogue de mondes traversés est le plus pauvre des trois jeux principaux. A une exception près, trois autres correctes, les autres sont vides ou oubliables. Pire, parcourir ces mondes de notre enfance n’a plus la même saveur sans la VF qui allait avec. Le concept de base était de mélanger l’univers de Final Fantasy et Disney. Quel terrible constat d’échec que de voir que les personnages de Square Enix ont été tous supprimés et que les mondes de Disney sont devenus parfois un fardeau. Sur ce dernier point, le choix de la sélection est le seul fautif, le potentiel reste immense sur cet aspect, reste à se montrer plus pertinent. Annoncé il y a presque deux ans pour une sortie à horizon 2025-2026, Kingdom Hearts IV garde toutes les cartes en mains pour enfin mettre tout le monde d’accord, à voir s’ils feront les bons choix.

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Élémentaire


Élémentaire
2023
Peter Sohn

Sans parler de « succes story », le score final du film était totalement imprévisible à ses débuts. Doté d’un budget massif de 200 M$, le film n’en avait récolté que 29,5 M$ sur son premier weekend aux Etats-Unis, et même moins que ça dans le reste du monde, laissant présager une fin de carrière cataclysmique vers les 150 M$ quand le seuil de rentabilité était d’environs 500 M$ (du fait des coûts marketing non compris dans le budgets, mais surtout des frais de distribution, car les scores annoncés ne les prennent pas en compte). Certes aidé par un été désertique en matière de cinéma d’animation ou plus généralement de film familial, le maintient fut tout simplement le meilleur de la décennie en la matière, passant d’un minable quatre cent mille entrées en France (ce qui aurait dû le faire ramer pour passer la barre du million) à plus de 3,3 millions de spectateurs, et au niveau mondial, l’impossible rentabilité fut à un cheveux d’arriver avec 496 M$. Et entre les sorties physiques, VOD, Disney+, télé et produits dérivés, autant dire que commercialement le projet revient de loin, passant de bide gigantesque à succès modéré, mais réel. De quoi donner envie de se pencher dessus.

Le film nous plonge dans un univers où se mêlent les quatre éléments : l’eau, la terre, le feu et l’air. L’histoire se concentre sur la famille Lumen, de type feu, qui a débarqué à Elementalcity il y a quelques décennies pour échapper aux terribles tempêtes de Flammeville. Jeune femme censée reprendre le magasin familial, Flam (Adèle Exarchopoulos) va un jour faire la rencontre impromptue de Flack (Vincent Lacoste), un élémentaire de type eau, qui menacera de faire fermer leur magasin. Un problème qui pourrait être en fait bien plus qu’un élément perturbateur.

J’avoue que le projet ne m’emballait pas du tout : l’idée des quatre éléments devient vite chaotique quand se pose la question de la cohérence, et graphiquement le style me semblait raté. Et effectivement, si on fait abstraction des décors superbement modélisés, il n’y a guère que les éléments de feu qui soient pas mal inspirés (on sent une vibe très Maghreb), le reste étant assez médiocre. Une technique impressionnante, mais au service d’une direction artistique insipide, voir mauvaise pour la plupart des personnages en dehors de ceux de feu. Côté histoire, c’est classique à outrance, sans grand enjeux ni méchants, glissant sur un fil prévisible au possible. C’est néanmoins mignon par moments, la poésie finie par nous emporter, mais rien de vraiment marquant. On notera au passage que Adèle Exarchopoulos a décidément un talent fou, brillant même dans l’art du doublage, bien que Vincent Lacoste soit aussi très bon en looser débile au grand cœur. Un petit mot tout de même concernant la musique, pas incroyable mais qui a le mérite d’être originale, dont les sonorités quasi indiennes rajoutent à ce gloubi-boulga culturel dont la mixité est décidément au centre du récit. Pour ma part, un peu trop lambda tant au niveau de la DA que de son histoire, mais le film ne démérite pas et sera sans doutes très apprécié des plus petits.

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Mission Impossible – Dead Reckoning


Mission Impossible – Dead Reckoning
2023
Christopher McQuarrie

Quasi enterrée avec son troisième opus qui frôla le bide commercial, la saga Mission Impossible a su se relever avec son quatrième opus, Ghost Protocol, et atteindre un pic qualitatif et de popularité avec son sixième volet, Fallout. Seulement voilà, la crise du covid est passée par là, hachant le tournage de ce nouvel épisode en quatre parties sur près de deux ans, et boucler le film coûte que coûte dans ces conditions a eu un prix : 290 M$, soit pratiquement le double de la moyenne des films de la franchise. Or malgré l’aura de la saga et celle de l’acteur,  l’année 2023 a été plus que catastrophique pour les suites, et l’été a été ravagé par le phénomène Barbenheimer. Bilan ? Moins de 570 M$ dans le monde, soit un seuil de rentabilité non atteint (il aurait fallu au moins égaler les pratiquement 800 M$ du précédent), et surtout un score en deçà de n’importe quel autre opus estampillé Mission Impossible en tenant compte de l’inflation.

Normalement première partie d’un diptyque de clôture de la saga (mais finalement, à cause de l’insuccès en salles, le « partie 1 » fut effacé et la suite – sans titre pour le moment – décalée d’au moins un an pour l’instant), le film s’attaque à un sujet particulièrement d’actualité : l’IA. Une entité autonome a vu le jour, capable de s’affranchir toute seule, mais une clé permettrait d’en reprendre le contrôle. Outil qui permettrait de manipuler tout ce qui est connexions et appareils connectés à travers le monde, celui qui trouvera la clé pourra devenir le maître du monde. Conscient que cette clé ne doit tomber entre aucune main, pas même le gouvernement américain, Ethan Hunt (Tom Cruise) et son équipe (incluant Simon Pegg et Rebecca Ferguson) sont bien décidés à être les premiers à la trouver, ce qu’elle ouvre et comment mettre un terme à cette IA. Problème, une voleuse (Hayley Atwell) et Alenna (Vanessa Kirby) sont aussi sur le coup, et l’IA couvre elle-même ses arrières avec un certain Gabriel (Esai Morales), épaulé par une tueuse hors pair (Pom Klementieff).

Pour ma part, la saga Mission Impossible a toujours été un bon gros défouloir, très fun mais pas forcément passionnant, aucun n’avait su atteindre un niveau de qualité vraiment excellent. Tous sauf un, Fallout. C’est incroyable de se dire que ce n’est qu’au bout de six films qu’on a enfin eu un pur excellent film, donc le niveau de confiance était assez haut, d’autant qu’avec l’énorme carton de Top Gun 2 l’année précédente, Tom Cruise semblait être l’homme capable de faire des miracles, en trustant les plus hautes sphères du box-office avec un savoir-faire à l’ancienne : du réel, le moins d’effets spéciaux possible. Alors pourquoi un score si décevant ? Outre la lassitude de voir des suites en boucle, dans une ère Netflix préférant attendre pour tout regarder d’un coup, l’attente est plus difficile à supporter. C’est aussi pour ça que Spider-Man Across the Spider-Verse a été un bon succès mais pas colossal, faisant le tiers de No Way Home : on veut une histoire qui se tient toute seule, pas en plusieurs parties. Pourquoi regarder dès maintenant un film en deux parties s’il faudra après attendre deux ans pour la fin ? Certes, la suite devait à la base sortir en 2024 avant les grèves, mais la question se pose.

Après une intro un peu molle, on pourra néanmoins vite se soulager quant à l’intérêt du film, la recette fonctionne toujours très bien. Cascades spectaculaires en Italie (à des années lumières de celles de Fast & Furious X), un Tom Cruise toujours impeccable, une Hayley Atwell nouvellement recrutée absolument incroyable, et plus le film avancera, plus l’histoire se montrera convaincante. Dommage en revanche que les bande-annonce aient à ce point mis l’accent sur les scènes les plus spectaculaires, toutes présentes dans la dernière demi-heure. En revanche, la frustration d’un histoire scindée en deux films est bien là, nous laissant clairement sur notre faim, d’autant plus qu’avec près de 2h40 au compteur, le film aurait pu nettement gagner en fluidité avec par exemple le début dans le désert supprimé, quelques scènes raccourcies en Italie ou dans l’aéroport, voir enlever toute la partie dans les ruelles de Venise. De fait, si le travail est toujours d’excellente facture, la narration et le montage sont moins maîtrisés que dans Fallout, qui restera donc pour l’instant le meilleur opus de la franchise d’assez loin.

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Ghost Lab


Ghost Lab
2021
Paween Purijitpanya

Second essai. Après le pourquoi pas mais ravagé par un derniers tiers catastrophique Inhuman Kiss, voici une seconde chance pour le cinéma de genre thaïlandais estampillé Netflix. Là encore, nous explorons du fantastico-horrifique, délaissant les créatures mythologiques pour un phénomène plus universel : les fantômes.

Deux amis jeunes docteurs vont un soir être tous les deux témoins d’une apparition fantomatique, ouvrant les yeux à l’un et confirmant une obsession de longue date pour le second. Ils vont alors décider de se lancer dans une étude approfondie sur le sujet, avec pour objectif d’apporter une preuve scientifique irréfutable sur cette forme de vie après la mort.

Vouloir prouver la vie après la mort, et ce dans le domaine de la médecine, c’était déjà le postulat de base de L’Expérience interdite, mais on pouvait se montrer curieux de voir un autre type d’approche. Eh bien le moins que l’on puisse dire, c’est que le film prend un parti prit radical et définitif, qui m’a personnellement laissé sur le cul. Aller aussi loin, vraiment ? Et plus que la violence psychologique, la morale exécrable ou l’égoïsme irréfléchi ahurissant, c’est surtout le niveau de connerie sans commune mesure qui ravage tout sur son passage. J’aurais presque tendance à recommander le film pour le ressenti tétanique de la folie aliénante de cette expérience, n’ayant que faire des conséquences, mais ça serait faire abstraction de l’impression de gâchis perpétuel due à la stupidité des protagonistes. Et au delà de ça, les acteurs sont limite mauvais et les effets spéciaux presque ridicules, seule la mise en scène est assez bonne, arrivant à marquer par le choc de certaines scènes (surtout le clin d’œil) et amenant quelques bonnes idées, comme le changement de cadre en fonction des vidéos de recherche ou du déroulé. Je ne me remettrais jamais du choix, sachant notamment avec L’Expérience interdite que d’autres « solutions » existent. En tous cas, clairement un film à bannir pour toutes personnes jeunes, sensibles ou fragiles.

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The Creator


The Creator
2023
Gareth Edwards

Malgré toute l’arrogance du bonhomme et les faiblesses d’écriture handicapantes de son Godzilla et Rogue One, force est de reconnaître que Gareth Edwards a un sacré talent de réalisateur, sachant à la fois mettre en scène le gigantisme, l’envergure des décors, mais surtout créer du grandiose à l’écran à une époque où l’œil trop habitué des spectateurs ne supporte plus les blockbusters lambdas aux visuels immondes dégoulinants d’effets spéciaux génériques.

Alors qu’aujourd’hui explosent les IA, le film va justement s’intéresser à un futur où une partie de l’humanité – les Etats-Unis – sont partis en guerre contre les IA suite à un terrible incident où une IA a décidé de larguer une bombe atomique en plein Los Angeles, causant un million de morts et sans doute bien plus les années suivantes avec les retombées radioactives. Joshua (John David Washington) était d’ailleurs en mission d’infiltration au Népal – l’Asie en général se montrant favorable aux IA et souhaitant continuer à les développer, offrant aux machines dotées d’IA un refuge – pour localiser et éliminer Nirmata, titre donné à la personne à l’origine de l’éveil des IA que ces dernières vénèrent. Seulement durant sa mission, il va tomber amoureux de Maya (Gemma Chan), élevée par une IA (Ken Watanabe) et censée être proche de Nirmata. La mission va tourner court quand l’armée américaine va envoyer ses forces sur place, déferlant la puissance de leur station orbitale Nomad pour éliminer tout le monde. Vraiment ? Cinq ans plus tard, l’armée (Allison Janney) va reprendre contact avec Joshua, lui faisant miroiter la survie de son épouse pour l’enrôler dans une nouvelle mission visant à récupérer une arme développée par les IA qui risquerait de renverser le cours des choses.

Que j’avais envie d’adorer ce film… Alors oui, visuellement le film est grandiose, ce qui est si rare de nos jours que cela doit être souligné et acclamé, surtout avec un budget « modeste » de 78 M$ quand tant de blockbusters à 200 M$ ou plus sont incapables d’offrir le dixième de l’envergure des visuels présents. La mise en scène est vraiment superbe, le mélange technologique / architecture traditionnelle en bois asiatique est une trouvaille formidable avec une vraie pate originale. Le Nomad et la technologie lumineuse bleue de l’armée américaine a une identité forte, et si on ne le vois pas de suite, plus on se rapproche de la fin et plus le film devient généreux avec une surenchère dantesque dans ses environnements. Notons également que le thème abordé de l’IA, la possible menace qu’elle pourrait représenter et sur le débat conscience / existence, voilà des sujets ambitieux, donc sur le papier le film avait un potentiel monstre.

Oui mais voilà, potentiel ne veut pas dire qualité réelle, et le scénario est au mieux problématique. Le débat sur ce qu’est la vie est carrément stérile avec d’un côté une Amérique voulant les détruire, et de l’autre une Asie ayant pleinement embrassé la cause de l’IA, rien au milieu. Ou si, le protagoniste, tombant dans ce que j’appellerais le piège Mass Effect 3, qui dans le cas présent n’est pas un calcul volontaire mais un artifice de facilité. Le coup de l’enfant IA n’a pas vraiment de sens, toute IA consciente est évolutive, et calquer cette évolution sur la morphologie évolutive biologique humaine est un non sens absolu : évidemment qu’une machine se met à jour plus vite que ce ne grandi un corps humain. Une transposition trop facile, avec une corde évidente, maladroite, pas traitée, amenant à des décisions précipitées non rationnelles. Mais en fait, le plus gros problème avec le scénario est l’écriture des IA en elles-mêmes, l’un des plus gros carnages de cohérence jamais vu. Elles ont été codée – point jamais modifié et cela est répété plusieurs fois – pour ne pas être capables de faire du mal aux humains. PARDON ??? Et tous les affrontements, l’utilisation d’armes, d’échanges de feu, c’était pour faire mumuse ?! On ne peut pas passer 1h30 à s’entre-tuer pour dire que ah mince problème, on ne peut techniquement pas tuer un homme à cause de notre encodage. Mensonge évident tout du long, venir en réalité réaffirmer les lois de la robotique comme ça détruit tout semblant de cohérence dans des propensions aberrantes. Un bijou visuel, plein de bonnes idées ne demandant qu’à briller, mais le résultat est très loin de pleinement convaincre tant le scénario est écrit à la truelle.

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Inhuman Kiss


Inhuman Kiss
2022
Sitisiri Mongkolsiri

Un film de genre thaïlandais ? Ca existe, et c’est même disponible sur Netflix. On y suit le quotidien tourmenté de la jeune Sai, apprentie infirmière qui mène une vie tranquille le jour, mais cauchemardesque la nuit. Elle est atteinte de la malédiction de la Krasue, où une force dite démoniaque prend possession de sa tête et son cœur, sortant de son corps la nuit pour dévorer de la chair, animaux ou humains. Une situation difficile pour le village, périlleuse pour elle, mais qui va prendre une tournure plus dangereuse encore quand son ami d’enfance Noi va revenir, mais avec une mauvaise surprise : un groupe de chasseur de Krasue bien décidé à trouver et tuer celle de leur village.

Le postulat de base du film n’est pas très original mais partait assez bien : un triangle amoureux entre une fille possédée, son ami qui a toujours été là, et un autre ami de retour. Une sorte de Twilight 2 inversé où deux hommes normaux se battent pour une fille aux pouvoirs terrifiants. Pas toujours convaincant dans ses effets spéciaux, sur les deux premiers tiers le film a le mérite de faire comme il peut pour raconter une petite histoire tantôt mignonne tantôt fantastico-horrifique. Un pari réussi pour proposer du cinéma de genre, mais malheureusement vient le dernier tiers… Entre des protagonistes faisant des choix aberrants de bêtise, un déluge d’effets spéciaux et de combats frôlant le nanar, mais surtout une fin catastrophique sur le plan narratif, la sympathie ressentie pour le long-métrage s’en retrouve méchamment impactée. Du potentiel donc, un vrai savoir faire pour les moyens du bord, mais la dernière partie est un tel naufrage qu’on en fini par regretter d’avoir laissé sa chance au film.

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Dans les angles morts


Dans les angles morts
2021
Robert Pulcini, Shari Springer Berman

Parti des nombreux films privés de sortie cinéma suite au Covid et que les studios ont bazardé à une plateforme de streaming pour limiter la casse, voici l’un de ceux ayant atterri sur Netflix. Voilà qui est bien dommage pour tout le monde, car d’un côté pour les studios et les salles, les films d’horreur sont une aubaine – faible coût, rentabilité très souvent élevée – et les spectateurs sont cruellement en manque de propositions originales, se rabattant sur un peu tout et n’importe quoi.

Ah c’est beau l’amour : pour encourager son mari, une décoratrice à succès, Catherine (Amanda Seyfried) va accepter d’aller se perdre à la campagne et renoncer à sa carrière pour que son époux George (James Norton) y devienne professeur dans une université privée, et pourquoi pas y devenir écrivain également. En réalité, c’était aussi pour redonner une chance à son mariage en perdissions, sans se douter que tout allait aller pour le pire.

De base on aurait tendance à se dire que le film est bardé de clichés du genre, et ce n’est pas totalement faux : problèmes de couple, maison perdue en campagne, manifestations surnaturelles, maison hantée, mensonges et mystères. Seulement voilà, toute présence fantomatique n’est pas nécessairement mauvaise (ni nécessairement l’inverse), ce qui donne lieu à quelques inversions bien vues, et c’est surtout le niveau de détails qui impressionne. Tout du long, le film va laisser passer quelques anecdotes à première vue anodines, du simple background de personnage, mais en réalité beaucoup vont avoir une importance capitale une fois étant en pleine compréhension de certains faits les entourant. C’est parfois brillant, comme le coup de l’écharpe ou du bateau et ses réitérations. Le film va assez loin dans son concept et a de belles idées de mise en scène ou d’inspirations artistiques avec ses tableaux. On pourrait même parler de grand représentant du genre si certains éléments ne venaient pas entacher notre plaisir : le personnage de Natalia Dyer est un peu sous-exploité dans la seconde moitié, le côté fatalité de la destinée est un peu décevant, et l’absence de vérifications sur ce qu’il advient de Justine (Rhea Seehorn) laisse perplexe pour quelqu’un qui avait jusqu’alors toujours su couvrir ses traces. Un concept de base très classique donc, mais une forme bien travaillée, un excellent casting (le mari est vraiment parfait en dandy à l’arrogance folle) et de belles fulgurances au niveau de l’écriture.

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Suzume


Suzume
2023
Makoto Shinkai

Alors que le fils n’avait jamais réussi à marquer autant que l’immense Miyazaki père, il semblait d’abord que la grande relève de l’animation japonaise était M Hosoda, mais que ce soit au niveau des critiques ou du public, depuis Your Name, Makoto Shinkai n’a de cesse que de s’imposer comme le plus grand réalisateur de cette nouvelle aire du cinéma d’animation nippon. Pour ma part, Your Name et Voyage vers Agartha étaient très prometteurs, mais un peu plombés par une ambiance dépressive pesante et quelques choix douteux, mais partageaient une ambition scénaristique ahurissante. Au contraire, Les Enfants du temps était plus maîtrisé, plus appréciable, mais moins marquant sur son histoire. Toujours à pas grand chose du très grand film, à voir si son prochain arrivera à marquer le pas, car ce ne sera pas cette fois non plus.

Pays souvent meurtri par de terribles séismes, le Japon a appris à vivre avec cette menace perpétuelle en épée de Damoclès, mais est-ce vraiment d’origine naturelle ? Lycéenne de 16 ans sur le chemin de l’école, Suzume va faire la rencontre d’un certain Sâto, un veilleur de portes. En réalité, un ver destructeur se tapi dans une autre dimension, guettant la moindre occasion pour ouvrir une porte vers le notre pour y déchaîner sa violence en causant de terribles séismes. Suzume va découvrir qu’elle possède elle aussi le don de voir au delà de notre réalité pour percevoir cette menace.

Thème récurrent, que ce soit Final Fantasy VII ou Les Créatures de l’esprit notamment, on voit souvent le ressentiment humain matérialiser une conscience informe s’attaquant à la vie elle-même, comme un cercle vicieux de destruction. Le film y apportera les portes et le dieu chat pour lui insuffler une originalité, dans le fond assez relative. L’amour avec un homme transformé en objet suite à une malédiction, même si les rôles ne sont pas forcément les mêmes, c’est clairement Le Château ambulant, qui avait autrement plus d’idées visuelles pour enrichir son univers. D’ailleurs, il est étonnant que l’idylle de Suzume n’ait pas suscité de débat, on parle tout de même d’une mineure de 16 ans avec un adulte ayant déjà fait à minima 4 ans d’études, donc à priori au moins 22 ans. C’est aussi là que le film me perd un peu : si on peut avoir de l’empathie pour eux, il est aberrant de naïveté que lui puisse croire sans le moindre doute à leur romance quand la jeunesse de sa moitié est logiquement signe d’instabilité, immaturité et incapacité à se projeter. Le côté road trip est sympathique, mais de fait on délaisse l’écriture des personnages secondaires, tous de simple passage. On a un côté jeu-vidéo également, à se déplacer pour enchaîner les mêmes missions, avec une difficulté croissante, ce qui manque de fluidité narrative de fait. Visuellement c’est toujours magnifique, techniquement incroyable, mais au niveau originalité des décors ou du lore, c’est assez décevant. La musique est également magnifique, mais rien de si mémorable. Un travail d’excellente qualité, mais manquant d’envergure pour son histoire ou ses personnages. Le genre a déjà eu tant de chef d’œuvre qu’on en attend peut-être trop à force.

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Un métier sérieux


Un métier sérieux
2023
Thomas Lilti

Après trois films sur le milieu médical, le réalisateur Thomas Lilti change de registre et s’attaque cette fois au corps enseignant, et plus particulièrement la vie des professeurs d’un collège (incluant Vincent Lacoste, William Lebghil, Adèle Exarchopoulos, François Cluzet ou encore Louise Bourgoin). La banlieue parisienne, les élèves difficiles, comment se faire respecter, obtenir la reconnaissance de chacun, et accessoirement faire des cours de qualité.

C’est visiblement de pire en pire avec les nouvelles générations toujours plus insolentes, désabusées et à la concentration en chute libre. Être professeur n’est désormais plus de simplement transmettre un savoir, c’est avant tout surveiller, discipliner, survivre presque tant la pression est omniprésente, que ce soit les élèves, leurs parents ou l’administration, voir carrément les collègues tant la culpabilité peut être destructrice quand on éprouve de grandes difficultés là où d’autres se baladent tranquillement. Bref, rien de nouveau sous le soleil, ça fait des décennies qu’on tire la sonnette d’alarme et que des parents démissionnaires continuent de fournir des élèves ayant plus leur place en école militaire que dans un établissement classique tant les bases de l’éducation sont inexistantes. Malgré son casting prestigieux, le film ne fait donc que brasser du vent, mettre en image une situation que l’on ne connaît que trop bien. Pas d’idée nouvelle à apporter au débat, et pas non plus de passages chocs pour en montrer les extrêmes. Une œuvre pas mauvaise, loin de là, mais qui ne propose juste pas assez pour nous marquer ou simplement se démarquer.

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