La Vie d’Adèle – Chapitres 1 et 2
2013
Abdellatif Kechiche
Un film recevant la Palme d’or n’est certainement pas un gage de qualité, il n’y a qu’à voir le fameux Amour de l’année passée, somnifère ambulant dénué de toute forme de romance ou de poésie. Seulement cette fois, le film ne reçu qu’une statuette mineure aux Césars, et fut pour ainsi dire boycotté aux Etats-Unis où il fut classifié NC-17, la censure maximale, à peine accordée une fois par an. Et avec une durée affichée de trois heures, la réticence était pleinement justifiée.
Adapté du roman graphique Le bleu est une couleur chaude de Julie Maroh, le film retrace, comme son titre l’indique, une partie de la vie d’Adèle (Adèle Exarchopoulos). Alors âgée de 17 ans et voguant dans les eaux troubles de la vie de lycéenne, elle vivait simplement son quotidien ordinaire : discutions entre copines, regards charnels avec des mecs, et petites soirées tranquilles au sein du foyer familial. Mais un jour elle va prendre conscience qu’il manque indéniablement quelque chose dans ses relations, et après avoir embrassé une copine, l’évidence lui sera révélée : elle est lesbienne. Un monde encore inconnu va s’ouvrir à elle en la personne de Emma (Léa Seydoux), son guide spirituel et amoureux.
Auréolé par les critiques, le film vaut en effet le détour malgré son sujet plutôt polémique, quoique arriviste au possible puisque le film était sorti en pleine période des mariages pour tous, et on aurait même tendance à dire que sa Palme d’or est d’ordre politique. Quoiqu’il en soit, le film réussi le tour de force de proposer un cadre réaliste avec des élèves cohérents là où beaucoup sombrent dans la caricature ou tout simplement prennent des acteurs bien trop vieux. Un réalisme qui touche presque chaque aspect du film entre une réalisation qui use des cadres intimistes avec perspicacité, permettant de faire passer énormément de sentiments au travers d’un simple regard. La scène du tout premier baisé lesbien est magnifique, mais marque aussi une rupture : une idylle avec Béatrice aurait été infiniment plus naturel et pur qu’avec la plus grosse erreur du film, Emma. Si Adèle Exarchopoulos est une véritable révélation, dont le charme ne repose par sur une beauté brute mais sur une sensibilité et une faiblesse exacerbées, sa partenaire ne mérite pas autant d’éloges, bien au contraire. Habituellement sublime, Léa Seydoux est ici affublée d’une chevelure masculine immonde, d’un tain blafard et d’une coloration ratée. Pire encore, son personnage est fondamentalement antipathique et la performance d’actrice n’est clairement pas là.
Une première partie simple, charnelle, passionnelle et frivole, et malgré une césure affligeante, le chapitre 1 est très bon. En revanche, la suite aura de quoi faire déchanter. Pour les incultes qui ne se renseignent même pas avant de faire un film, instituteur est un métier qui nécessite de réussir l’un des concours les plus dur de France – donc quasi impossible à réussir du premier coup – et il requiert Bac +5, et non Bac +3 comme le film le dit, ce qui fait qu’en partant de la classe de première, il faudrait un minimum de 7-8 ans. Donc comment justifier l’absence de vieillesse pour les acteurs ? Une absurdité visuelle mais aussi psychologique puisque la mentalité des personnages n’évolue pas, les discutions restant d’un degré de bêtise toujours aussi impressionnant. Le ton du film change lui beaucoup plus : fini la gaieté et l’univers intéressant et pas assez approfondi de l’école, on passe à l’âge « adulte » dans une dépression totale. Une routine qui s’installe et c’est la morosité qu’on trimbale. Un tournant sombre et passablement mauvais qui met plus en avant le personnage détestable de Emma et on perd tous les personnages secondaires alors qu’on attendait pas mal de certains. La durée étouffante du film montre du doigt le rythme poussif de la seconde période, inutile en tous points. La fin est elle-même inconsistante, préférant esquiver la fin du roman, pourtant logique. Jamais un film n’aura connu un équilibre aussi instable : une première partie très belle pour un deuxième chapitre assommant.
Chapitre 2 :