Collateral


Collateral
2004
Michael Mann

Considéré comme l’un des plus grands films de l’un des plus grands réalisateurs, le film fut très largement salué à sa sortie, il est vrai marquant une révolution technique pour l’époque, étant l’un des premiers totalement tourné en numérique, et ce pour une raison pratique : le tournage de nuit. Si les capteurs des caméras pellicules ont fait des progrès, c’est avec l’avènement du numérique que les tournages nocturnes sont devenu bien plus lisibles et faciles. Un argument solide en son temps, mais qui n’a factuellement aucun intérêt pour le spectateur avec les années, et ça n’est plus gage de qualité. Presque deux décennies se sont écoulées, ne laissant qu’un vague souvenir  à réécrire.

On suit un simple chauffeur de taxi de LA, Max (Jamie Foxx), qui se croyait en veine ce jour-là, venant de faire une course en agréable compagnie (Jada Pinkett Smith) avec un petit numéro gratté à la clé, mais c’est avec son prochain client que les choses vont se gâter. Un certain Vincent (Tom Cruise) va lui demander de l’escorter toute la nuit, dans une tournée de visites « amicales », mais quand la première va se conclure sur un cadavre dans le coffre et un flingue sur la tempe, il va vite regretter sa course.

Encore un film de tueur à gages, mais cette fois le point de vue est inversé : le tueur ne sera pas « adulé » et mis en avant, mais sera l’élément perturbateur. Le point de vue sera celui d’un potentiel dommage collatéral (d’où le titre), subissant cette violence qu’il va chercher à fuir. Un rôle à contre-emploi pour Tom Cruise, qui de fait se retrouve être le méchant, et où son assurance habituelle sera renvoyée à la monstruosité de son « métier ». Un choix d’axe réussi, un casting solide (à noter les présences de Mark Ruffalo, Javier Bardem ou encore Jason Statham) et un rythme plutôt bon, surtout dans son dernier tiers où tout s’accélère, avec un climax sympathique. La réalisation est très belle, et globalement le film est bon, mais pas exempt de défauts. Tout d’abord le tueur froid, dont l’arrogance semble peu justifiée vu la quantité aberrante de risques pris et surtout les innombrables erreurs, laissant tellement de témoins et de traces sur sa route qu’on s’étonne que sa carrière ne se soit pas arrêtée d’emblée. La scène de la boîte de nuit, magnifique visuellement, est débile à souhait, trop frontale, et surtout ne créant que trop peu de réactions. Comment peut-on danser calmement quand quelqu’un se fait tuer juste à côté ? Tout l’aspect enquête policière est ratée d’ailleurs, ne servant à rien, n’apportant aucune conclusion, avec même une incertitude sur le sort de certains. Et en parlant de conclure, la fin est trop abrupte, laissant trop d’histoires sans contexte ou inachevées. Prouesse technique, maîtrise dans la réalisation, divertissant avec un casting solide, mais une histoire un peu bancale, pas très originale de base et à l’écriture lacunaire.

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The Killer


The Killer
2023
David Fincher

Assurément l’un des plus grands événements cinématographique du moment, le film est réalisé par un auteur oscarisé considéré comme l’un des meilleurs de l’histoire, avec en tête d’affiche un immense acteur se faisant assez rare dernièrement, le tout pour une adaptation d’une BD française à l’ambition ahurissante puisque le budget est colossal, pas moins de 175 M$, ce qui est dingue pour une production Netflix. Comme quoi, on peut avoir du potentiel, s’en donner les moyens, de la main des plus grands, mais se vautrer comme rarement.

L’histoire est ô combien classique : celle d’un tueur à gages (Michael Fassbender). Il va un jour rater une mission, tuant la mauvaise personne, et au lieu de retenter un second tire ou de chercher à honorer son contrat à une autre occasion, il va prendre la fuite. Grosse erreur dans ce milieu, et un contrat sera mis sur sa tête, mais c’est sa femme qui sera trouvée seule chez lui, finissant à l’hôpital. Constatant à son retour que son inaction a eu des répercussions, il cherchera à se venger.

Le postulat du film est déjà catastrophique. Il rate sa mission, ne l’assume pas, la faute retombe sur sa femme, mais qui survit, et lui qui jacasse pendant toute la longue introduction pour dire à quel point c’est un tueur froid, qu’on s’en fout de la cible, il va prendre à cœur d’avoir été la cible. Et alors même que visiblement tout le monde a tourné la page, que l’agression sur sa femme aura été un avertissement suffisant, il va quand même partir en croisade pour liquider tous ceux impliqués. C’est totalement illogique et débile. Mais si au moins le film était efficace…

Certes, que l’histoire soit bancale, avec un protagoniste détestable et incohérent, c’est assurément le plus gros souci, mais des films mal écrits restant divertissants, il y en a. Ce ne sera pas le cas ici, le style du film étant un problème d’une ampleur presque aussi grande. Pratiquement pas une seule scène d’action, là seule réelle étant une bagarre chaotique où le style froid et distant rejette toute forme de dynamisme. Il attend, enquête, se déplace, s’infiltre, prend l’avion. Que c’est mou ! Eh puis surtout, il faut parler de cette immense blague : 175 M$. Alors oui, il y a pas mal de décors, on voyage beaucoup, mais il n’y a que très peu de casse, jamais de grande ampleur, et à aucun moment on ne sent l’argent à l’écran plus que dans un film comme Sound of Freedom qui nous faisait voyager beaucoup également, et qui a coûté moins que le dixième (14.5 M$) ! Le réalisateur s’est prit un chèque ridicule de 100 M$ et a filé bien grassement 50 M$ à l’acteur principal ??? Mais c’est du vol, du détournement immonde ! Que le film soit chiant à en crever est une chose, d’autant qu’on a là un mélange jamais original de Mr Wolff et John Wick en absolument moins bien sur chaque point, mais avoir claqué une somme pharaonique pour un film lambda où plus du dixième du budget est difficilement justifiable à l’écran, c’est tout simplement une arnaque. Un film ennuyeux comme pas possible, doublé d’un scandale financier grotesque.

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Sound of Freedom


Sound of Freedom
2023
Alejandro Monteverde

Nous y voilà enfin ! Après quatre mois d’attentes, le phénomène qui a embrasé le public américain traverse enfin l’Atlantique, emmenant avec lui un pédigré peu commun. Succès massif en salle avec plus de 184 M$ aux Etats-Unis, il a surfé sur un buzz gigantesque, car outre la violence de son sujet, le côté religieux du héros, le passif de l’acteur et de la production (Jim Caviezel avait incarner ni plus ni moins que Jésus dans la fameuse Passion du Christ de Mel Gibson, producteur du film ici d’ailleurs), c’est son étiquette politique qui a fait le plus parler. Car oui, quand son pays est dirigé par un légume protégeant un fils qui aurait dû écoper cent fois de la peine de mort pour actes pédophiles, violences et récidives, un film voulant faire la lumière sur ce sujet en particulier, dans un contexte de quasi guerre civil entre une écrasante majorité pro Trump, bouillonnant face à une justice vérolée, et des bourgeois démocrates si infâmes qu’ils arrivent à fermer les yeux sur leur élite qui consomme justement cet immonde marché à tour de bras, voilà de quoi attiser un peu plus la colère d’un peuple déjà enragé.

Histoire vraie s’étant déroulée au cours des années 2000-2010, le film retrace le combat d’un homme, Tim Ballard (Jim Caviezel), policier travaillant dans la protection des enfants victimes du trafic sexuel. Mais un jour, lassé des limites de son travail, des frontières l’empêchant de sauver des vies, il va lancer son propre réseau pour infiltrer le milieu et le renverser de l’intérieur.

D’après le film, il y aurait à travers le monde des millions d’esclaves sexuels, dont plus de la moitié seraient mineurs, pour un trafic ayant généré environs 150 milliards en 2022. A titre de comparaison, le cinéma a généré 26 milliard en 2022, et même avant le covid, le record était de 42 milliards en 2019. C’est donc un sujet important, et quand bien même le film exagérerait les chiffres, tout le monde a entendu parler des réseaux de l’Est, et surtout des très jeunes enfants de Thaïlande dont raffolent nos politiciens français. On sait que ça existe, que ça concerne principalement des vieux salopards occupant les plus hautes sphères, mais savoir que quelqu’un, quelque part, se bouge réellement et a fait quelques percées dans leurs réseaux, c’est aussi réconfortant que ce que le sujet est dévastateur. Qui ose encore dire que l’humanité mérite d’être sauver ?

En dehors de son sujet, il faut en revanche reconnaître que le film n’a rien d’un chef d’œuvre, mais on a vu plus d’une fois des films bien plus mauvais récolter des prix stupides, et clairement le film est largement meilleur que les quatre derniers lauréats de l’Oscar du meilleur film. Le rythme est bon, les acteurs convaincants, quelques belles envolées musicales, la réalisation très correcte, l’histoire poignante, et puis pour un film ayant coûté seulement 14,5 M$, c’est impressionnant. On a là une immense variété de décors : prison, bâtiments militaires, villes américaines, villes mexicaines, colombiennes, plage, île, immeuble luxueux, jungle. Bref, on voyage ! Pas de fonds verts, que du vrai, du concret, et quand les images d’archives sont dévoilées à la fin, on voit que l’équipe a tout fait pour le devoir de mémoire. Un film ambitieux, certes moins brutal physiquement qu’un Taken, moins violent psychologiquement que Les Chatouilles, et on pourra arguer que le héros se pose trop en figure biblique, que ça manque de finesse, mais en vérité l’œuvre propose exactement ce qu’elle a promis, de quoi se montrer amplement satisfait.

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Barbie


Barbie
2023
Greta Gerwig

Pratiquement sûr de finir plus gros succès au box-office 2023 avec 1,44 milliards dans le monde, le film a été une déferlante partout où il est passé, aussi en parti grâce au buzz improbable du « Barbenheimer » où le monde s’était affolé de voir deux grosses productions (Barbie et Oppenheimer) sortant le même jour, aussi débile soit-il de comparer une comédie populaire et un biopic de trois heures sur un sujet aussi sérieux que l’arme atomique. Près de 2,4 milliards pour les deux films combinés, près de onze millions d’entrées en France : assurément cet surréaliste association marketing fut un carton plein.

On connaît tous cette poupée mythique qu’est la Barbie, jouet pour enfant inventé en 1959, encore aujourd’hui poupée la plus vendue du monde. Eh bien saviez-vous qu’elle existe pour de vrai ? En effet, Barbie (Margot Robbie) vie avec toutes les autres Barbies (Emma Mackey, Kate McKinnon) et les Ken (Ryan Gosling, Simu Liu, Michael Cera, John Cena, Ncuti Gatwa) dans le royaume de Barbieland, un endroit magique où les femmes gèrent tout, occupent tous les postes importants. Un endroit idyllique, jusqu’au jour où le vrai monde va commencer à empiéter sur le leur.

Sans avoir trop d’attentes, j’étais tout de même curieux face à ce phénomène de société. Certes, tout le monde ou presque a grandi avec des Barbies, filles ou garçons, et le casting (comprenant aussi Will Ferrell, Connor Swindells et America Ferrera dans le monde réel) est absolument dingue. L’effet marketing Barbenheimer a été indéniablement un succès tonitruant, laissant sur le carreau la plupart des autres blockbusters estivaux qui ont presque tous sous-performé, le fait que la chanson de Dua Lipa composée pour le film fut matraquée à la radio a aussi aidé, de même que certaines histoires sur une rupture de peinture rose au niveau planétaire tellement le film en aurait abusé. Mais qu’en est-il du film en lui-même ?

Eh bien passé la sympathie de voir le monde de Barbieland en action, c’est non seulement d’un vide impressionnant, mais le scénario est sclérosé à un point dantesque. Dire que l’histoire est toute pétée serait un doux euphémisme : Barbie existe dans un autre monde, mais qui est relié au vrai monde, sorte de Toy Story (alors oui, j’ai vu les quatre, mais je n’ai jamais écrit les critiques) mais où la conscience est dans un autre monde, sauf qu’il est possible de passer d’un monde à l’autre sans problème, et ce dans le but d’aller raisonner celle qui joue avec la elle poupée. Car oui, le monde parfait c’est celui de Barbieland qu’il ne faut surtout pas toucher, car vive le pouvoir aux femmes, et que le monde réel est atroce avec son patriarcat déguisé et ouin ouin ouin. Sauf que non, sauf que si, mais pas tout à fait, mais faut se battre, et juste au secours ! Le film brasse beaucoup beaucoup trop d’air, pour une hypocrisie phénoménale d’une limitation intellectuelle scandaleuse. A la fois pub géante pour les produits Mattel, puis qui dénonce en fait la dictature de la beauté imposée par Barbie, sauf que depuis Barbie n’est ni forcément blanche, ni forcément fine, mais qui dit qu’en fait c’est juste un jouet trop cool et que c’est ce qu’on en fait qui compte, parce que faut pas déconner, les stocks pour Noël sont au taquet. Par contre à côté de ça, la dictature de beauté pour les hommes, eux forcément grands, beaux et virils, à minima sveltes si ce n’est des gros pousseurs de salle bodybuildés, ça c’est complètement normal. Mais allez vous faire foutre ! Entre les impératifs de produits dérivés, la pub géante assumée qui tue dans l’œuf tout discours faussement anticapitaliste, l’hypocrisie ahurissante de chaque instant, le bilan est juste minable, car en plus de ça, en tant que film il ne tient pas la route. Illogique, aux enjeux faibles, débiles voir contradictoires, l’histoire est mal écrite, la fin est poussive, et le film est même long, le dernier tiers étant ennuyeux et laborieux. Barbie en live, ça va bien deux minutes, mais face à un mercantile nocif plombant une narration fébrile, Barbieland se casse bien vite la gueule.

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Les Petites victoires


Les Petites victoires
2023
Mélanie Auffret

Profitant de quelques jours de semi-tranquillité, il était grand temps d’effectuer d’intenses rattrapages des films de l’année dans l’optique de ne pas passer le mois de janvier à courir après le retard pour sortir un top des meilleurs films de l’année un semblant légitime. Impossible de me rappeler pourquoi j’avais placé aussi haut ce film au niveau importance, mais clairement le projet m’attirait sur le papier, que ce soit pour sa simplicité ou cette envie d’évasion campagnarde nostalgique.

Prenant place dans un petit village de Bretagne, le film met en avant l’institutrice et mairesse de son hameau, Alice (Julia Piaton), qui tente de porter à bout de bras son fief comme l’avait fait avant elle feu son père, précédent maire et bienfaiteur du conté. Entre une désertification médicale, la fermeture des commerces, elle se bat désormais pour protéger la dernière classe restante, menacée de fermeture faute d’enfants y étudiant, le minimum étant fixé à treize.

Outre l’élément perturbateur que va représenter le personnage d’Emile (Michel Blanc), illettré qui va vouloir reprendre le chemin de l’école plus de cinquante ans après en avoir quitté les bancs, le film est surtout une question de fierté locale, d’envie de défendre un idéal, un besoin d’identité locale au delà de celle nationale. Le monde va trop vite, se développe, mais au détriment de nos chères campagnes. Un petit feel-good moovie franchouillard fleurant bon les valeurs morales et cette simplicité qui tend à disparaître. Il faut parfois savoir freiner des quatre fers devant l’évolution, et la sincérité et l’authenticité du film fait un bien fou. Alors oui, je n’aurais jamais réussi à me débarrasser de l’impression que Julia Piaton est une version Wish de C. Cottin, bien trop ressemblante physiquement et avec pratiquement la même voix, et en dehors du duo d’affiche on notera péniblement Lionel Abelanski tant les autres rôles sont effacés. La marche du monde semble inéluctable et on aurait aimé un constat moins mondialiste, mais le film ne saurait mentir. J’avoue m’être senti comme un fossile refusant de voir le monde « évoluer » – notez bien l’amertume d’une évolution guère reluisante – mais à défaut d’en pouvoir changer le sens, apprendre à vivre avec est la première étape du deuil.

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Je verrai toujours vos visages


Je verrai toujours vos visages
2023
Jeanne Herry

Encensé par les critiques et ayant convaincu près de 1,2 millions de spectateurs avec un maintient exceptionnel au fil des mois, le film met en lumière un sujet peu voir pas connu du public : la justice restaurative, dont le but est de confronter victimes et agresseurs pour aider les premiers à exprimer leur peur, leur colère, et à faire comprendre aux seconds que leurs actes, au delà de la sentence pénal, a aussi des répercutions humaines.

Si le concept peut laisser dubitatif, au même titre que les séances de psy (parler est-il toujours la solution ?), le principe reste le même : il faut essayer avant de juger, et surtout pour savoir si ça peut ou non marcher. Et il faut dire que pour attirer le casting du film est absolument complètement dingue :  Adèle Exarchopoulos, Gilles Lellouche, Leïla Bekhti, Jean-Pierre Darroussin, Miou-Miou, Denis Podalydès, Fred Testot, Raphaël Quenard ou encore Elodie Bouchez. Ahurissant. Et autant dire qu’il ne fait catégoriquement aucun doute que les trois premiers auront à minima une nomination aux Césars, sachant que l’injustice du monde fait qu’ils n’ont pour l’heure jamais reçu de César en dehors du meilleur espoir pour les deux dames. Et c’est bien là la force du film, qui au delà de mettre en lumière la brutalité et la monstruosité des hommes, est surtout un film basé sur l’impact de dialogues forts, percutants, et dont l’intensité dramatique des acteurs transcende un récit déjà puissant. On pourrait comparer le film aux Chatouilles avec qui il partage cette violence physique, psychologique, et cette importance de la justice, tant au niveau de la loi que de la morale. Un film fort et bouleversant, et disons-le, important, car le cinéma ça n’est pas que se divertir, c’est aussi ressentir.

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Gran Turismo


Gran Turismo
2023
Neill Blomkamp

Voilà un doux rêve : passer du fantasme à la réalité. En vrai ce n’est pas une idée, c’est le quotidien de toute personne se formant à devenir pilote dans l’aviation par exemple, mais quand l’outil de simulation est aussi un jeux-vidéo, toute la classe politico-médiatique, les ignares, débiles et autres moutons atrophiés du cerveau sont incapables de prendre ça au sérieux. Faire piloter un geek ? Faudrait déjà qu’il sorte de son fauteuil de gamer lol ! Ah les ravages de la consanguinité… Eh bien voilà une histoire vraie où un directeur marketing de chez Nissan (Orlando Bloom) va approcher la direction de Sony et l’équipe derrière les jeux Gran Turismo pour recruter les meilleurs joueurs du jeux-vidéo, puis les former pour devenir pilote de F1 dans la vraie vie. On suivra donc le parcours de Jean Mardenborough, adolescent britannique qui troquera son volant branché à sa Playstation contre un volant de voiture de course en dur, formé par Jack Slater (David Harbour), un ancien professionnel de la course automobile.

Dans l’absolu on pourrait se dire que ce genre de film n’est pas fait pour moi, préférant l’approche décomplexée et arcade tant des jeux Need for Speed, Split Second Velocity voir Mario Kart, mais aussi des films, prenant plus de plaisir devant les premiers Fast & Furious ou le film Need for Speed que devant les pourtant objectivement meilleurs Le Mans 66 ou Rush. J’ai essayé plusieurs fois les jeux Gran Turismo, mais outre le fait que passer sa vie à freiner dans les virages toutes les deux secondes tue toute sensation de vitesse, les circuits automobiles sont objectivement moches, et l’idée de faire les mêmes tours en boucle est passablement ennuyeux. Je partais donc avec quelques à priori, et détestant le jeu dont le film fait l’éloge, mais les films de courses sont généralement grisants, et surtout l’idée d’un self-made-man devant sa carrière à son talent aux jeux-vidéo, claquant le bec à ses détracteurs et aux esprits étriqués, c’était particulièrement gageur.

Soyons direct, on passe un excellent moment devant le film, nous procurant la satisfaction escompté du petit gars sorti de nulle part accomplissant un rêve que tous lui ont dit inaccessible. Les sensations de vitesse sont grisantes, la réalisation est au top (même si on se demande ce que Neil Blomkamp fait là), les clins d’œil au jeu et aux codes vidéoludiques sont appréciables, et mise à part un léger passage plus mou aux deux-tiers, passage quasi obligé du test de motivation mais il est vrai tiré d’un fait réel marquant, le rythme est très soutenu. Pour autant, le film n’est pas aussi bon qu’on aurait pu l’espérer, et ceux pour deux raisons assez gênantes. Premièrement, le choix de l’acteur principal, qu’on pourrait argumenter expressément lisse et fade pour que le spectateur oubli le protagoniste et s’imagine soi-même à la place. Argument que je mets moi-même en avant pour FFXII par exemple, puisque littéralement on parle d’un jeu où de fait l’histoire avance au rythme de nos actions, mais que je rejette totalement pour Luke Skywalker dans la trilogie originale, étant juste un jeune premier insipide d’un vide abyssal à l’acting catastrophique. Reste que là aussi, l’acteur est mauvais, sans charisme, et ça plombe pas mal quand même. Et deuxièmement, la réalité est un peu décevante. Alors oui, le gamer devient certes professionnel, mais on est loin d’une carrière exceptionnelle marquant à jamais l’histoire automobile, son impact aura été pratiquement inexistant et ses faits d’armes sont peu glorieux. L’idée était cool, le résultat très divertissant et c’est toujours un immense plaisir que de retrouver David Harbour qui dégage une telle bonhommie avec tant de charisme, mais entre son acteur principal bancal et le peu d’envergure du récit, le film ne marquera pas plus l’histoire.

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Donjons & Dragons : L’Honneur des voleurs


Donjons & Dragons : L’Honneur des voleurs
2023
Jonathan Goldstein (XII), John Francis Daley

Fait malheureusement pas si rare dans le paysage cinématographique, un film a connu à la fois un immense succès public, mais un énorme échec commercial. Faisant de concert consensus parmi les critiques et les spectateurs, le film aura réussi à dépasser la barre des 200 M$ dans le monde, ce qui semble à première vue respectable, mais il lui fallait faire pratiquement le double : à cause du Covid et de soucis de post production, le budget a connu des dépassements terribles, passant de 100 à 156 M$, d’autant que sa carrière au cinéma fut rapidement stoppée par le mastodonte Super Mario Bros.

Pour ceux qui ne connaissent pas le milieu des jeux de rôles, Donjons & Dragons est un jeu de plateau d’héroïque fantaisie inventé dans les années 70, précurseur de ce qu’on appellera les jeux de rôle. L’idée est simple : chaque joueur incarne un personnage ayant des habilités propres, et tous ensemble doivent réfléchir pour mener à bien une aventure où le danger est omniprésent, où seules la ruse et la stratégie vous mèneront vers la victoire.

Dans le film, on suivra donc Edgin le barde (Chris Pine), Holga la guerrière (Michelle Rodriguez), Simon le mage (Justice Smith), Doric la métamorphe (Sophia Lillis) et Xenq le paladin (René-Jean Page), qui vont devoir faire équipe pour aider Edgin à ressusciter sa femme et récupérer sa fille, endoctrinée par leur ancien acolyte Forge (Hugh Grant), qui a été propulsé grand maître du conté grâce à une prêtresse rouge nourrissant de sombres desseins.

J’ai un peu du mal à saisir l’engouement autour du film. Alors certes, le casting est solide, surtout Hugh Grant pour qui le rôle semble être sur mesure, l’humour fonctionne plutôt bien malgré un surdosage maladroit, les FX sont bons (sauf le passage avec Bradley Cooper, totalement raté), fait devenant presque rare de nos jours, mais globalement l’ennui n’est pas loin. L’histoire est cousue de fils blancs, tout semble être sur des rails, avançant au petit bonheur la chance, comme si on suivait une vraie mission du jeu de plateau avec un maître du jeu bien sympa qui indique le chemin avec de grosses flèches. Du pur divertissement qui n’apporte pas grand chose et ne développe quasiment rien, que ce soit son univers ou ses personnages, réduits à leurs plus simples fonctions. C’est un peu dommage, et il en résulte une impression d’univers lisse, utilisant simplement les grands classiques du genre qu’il a pour cause en partie inventé. Quelques idées de design sympas, mais j’aurais aimé que le film aille plus loin que le simple « fun ». Reste qu’on fini sur une bonne note, la toute dernière scène étant un joli miroir bien inspiré. Mais pour ce qui est de l’héroïque fantaisie, hormis le maître incontestable qu’est la trilogie du Seigneur des Anneaux, le niveau est largement en dessous d’un Warcraft, qui était visuellement, artistiquement et scénaristiquement bien plus abouti.

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L’Attaque des Titans


L’Attaque des Titans
2013-2023
Hajime Isayama (manga)

Il y a quelques jours, un monument de l’animation japonaise a prit fin avec l’adaptation du désormais culte manga SNK (Shingeki no Kyojin), autrement connu en France comme L’Attaque des Titans. Après quatre saisons étalées sur dix ans (en réalité six saisons et deux films de conclusion), le phénomène prend fin, puisque contrairement à des mangas comme Naruto (avec Boruto) et One Piece qui s’éternisent depuis plusieurs décennies, le manga papier de SNK n’aura duré « que » treize ans, de 2009 à 2021 pour un total de 34 tomes. Outre le fait que le manga papier est un des plus laids qu’il m’ait été donné de lire, ayant de surcroît réellement un mal terrible à différentier certains personnages trop proches physiquement, sa fin avait fait grand bruit à l’époque.

Succès correct mais loin de truster le haut des charts, SNK avait timidement commencé sa carrière, avant d’exploser en 2013 avec l’anime, largement salué pour la direction artistique, la violence tant physique que psychologique, le soin apporté aux environnements, aux personnages, au dessins en général. Alors que le BIG 3 (One Piece, Naruto et Bleach) nous avaient habitué à des productions animées bâclées sortant inlassablement chaque semaine, ce qui est devenu depuis une norme (des saisons plus resserrées, d’une vingtaine d’épisodes, parfois espacées de plusieurs années) a fait un bien fou. Le rythme est infiniment meilleur, pas de HS, et une qualité d’animation qui fait plaisir. Le manga est alors rentré dans la cours des grands, bien que la version papier était d’une qualité graphique exécrable en comparaison, son mangaka étant clairement un bien meilleur scénariste que dessinateur. Et on sait bien à quel point une fin redéfini une œuvre dans son ensemble, donc étant donné à quel point celle du manga a divisé, la pression était terrible pour le fameux final sorti le 5 novembre 2023. Va t-elle réconcilier les fans déçus ? Détruire son image d’anime culte ? Reprenons d’abord depuis le début.


L’histoire prend place dans une époque indéfinie moyenâgeuse, dans le royaume Eldien. Les terres sont composées de différentes villes fortifiées imbriquées les unes dans les autres, se protégeant derrière d’immenses remparts d’une terrible menace : les titans. Créatures humanoïdes pouvant faire de 5 à 50 mètres, dénuées de toute conscience ou intellect, muées uniquement par le désir de destruction et de surtout dévorer les humains qui croiseraient leur route. Qui a t-il derrière les tous premiers remparts ? Qu’en est-il du reste du monde ? Y a t-il un reste du monde ? Pourquoi ce fléau divin s’abat inlassablement ? Si une escouade d’exploration existe, elle n’a jamais de mémoire d’homme dépassé les forêts avoisinantes, donc personne ne sait. Heureusement, les remparts sont solides et n’ont jamais été franchis par les titans. Curieux de nature, Eren Jäger a toujours rêvé d’intégrer un jour l’équipe d’exploration, qui se sert de ce qu’il appellent un « équipement tri-dimensionnel » pour se déplacer et affronter si besoin les titans hors des murs, mais les fous avides de connaître le monde d’en dehors finissent rapidement dévorés. Les enfers sont littéralement à leur porte, et un beau jour cette porte va voler en éclat quand un titan colossal de plus de cent mètres de haut va pulvériser le tout premier rempart et exposer ainsi la première tranche au déferlement de titans qui y attendaient.

Les deux premières saisons seront très similaires, nous faisant découvrir petit à petit un univers d’une richesse folle, entouré de tellement de mystères que la peur d’être déçu est aussi gigantesque que les titans qui déchaînent leur violence sur des habitants apeurés. C’est dantesque, les combats sont d’une violence inouïe et la menace semble impossible à défier, personne n’est à l’abris, même ce qui semble être dans un premier temps les personnages principaux. Ces deux premières saison ne font que 25 épisodes en cumulé, attisant la curiosité autour d’un mystère qui ne fait que croître, d’une efficacité folle et à l’animation spectaculaire, imposant une vraie pate originale, mêlant épique et horrifique. Voilà qui met pleinement l’eau à la bouche, tout en restant conscient du risque de déception potentiel quand un univers repose à ce point sur d’épais brouillards.

Saison 1 et 2 :

Que se cache derrière le brouillard ? Que contient le fameux sous-sol ouvrable avec la fameuse clé ? Vous n’êtes pas prêts !

L’attente semblait longue, mais la récompense est sans commune mesure. Quelle claque ! Quelle leçon de maître ! Rien que pour les révélations du comment du pourquoi, le manga et surtout cet anime (bien plus travaillé et réussi visuellement) est et restera à jamais l’une des meilleures œuvres de toute l’histoire de l’humanité. Fait rare, le mangaka avait pensé l’intégralité de son manga avant même la sortie du premier tome, montrant avec le recul dès le premier chapitre à quel point il savait exactement où il allait. Et que dire si ce n’est merci ? Bravo.

Impossible de révéler quoi que ce soit sans briser la magie d’une découverte impensable, qui peut-être pour la première et seule fois de ma vie m’a fait me dire que n’aurait jamais pensé à une telle profondeur. Et immédiatement, on se remémore tout le chemin parcouru, tous les événements passés, et à quel point leur vision en devient totalement bouleversée, ignorants simples mortels que nous sommes. Prodigieux, avec encore à la clé des idées de mise en scène, de design, de thématiques toujours plus folle, faisant écho aux heures les plus sombres de notre histoire, et même à l’actualité moderne avec une pertinence qui force le respect. C’est beau, d’une rare intelligence, nous ouvrant les yeux sur ce que l’on croit savoir, ce que l’on croit voir, ce que l’on croit comprendre. On tutoie des sommets que n’ont atteint que peut-être furtivement Evangelion, Xam’d ou Death Note.

Saison 3 :


Bien plus longue, la « quatrième saison » (représentant le tiers de l’anime) a été dispersées en quatre parties sur quatre ans, et n’est de fait pas égale à elle-même. La première partie est la pure continuation des révélations qui ont redéfini l’histoire, enchaînant un quasi sans faute, si ce n’est que pour la première fois, on semble en savoir plus que ce qu’il ne reste d’ombres, et on commence un peu à voir où l’anime / manga va aller. La narration devient plus « sage » et limpide, ce qui n’est pas forcément un mal, d’autant que le virage négocié est très bien développé et intéressant, tout en gardant la sève de ce qui a rendu SNK immédiatement fascinent : sa violence. On reste donc dans des stratosphère immenses, mais il est vrai que quelques points vont poser problème à partir de la seconde partie et le passage dans « l’axe ».

Encore une fois, l’anime est une œuvre d’une richesse inouïe : politique, psychologique, et offrant un divertissement spectaculaire absolument dantesque. Mais les changements de points de vue sur toute la dernière ligne droite sont trop brusques, manquant de conviction et de la profondeur à laquelle on s’était habitué. La psychologie de certains personnages sonne faux, la convergence des buts est maladroite, et à vrai dire toute la fin n’aura de cesse que de les faire douter, à juste titre ou non. Mais soyons reconnaissant du travail fait, car l’anime est à des années lumières au dessus de ce que propose le manga, dont la fin a été jugée même par son auteur comme abrupte, et c’était là l’occasion d’enfin expliquer certains choix étranges, ou tout du moins développer bien plus son idée. On ne peut que l’en féliciter tant on revient de loin, et avec le recul bon nombre de choix très discutables sur le papier deviennent une conclusion logique, voir inévitable. L’épilogue supplémentaire ajouté montre les conséquences des choix de chacun, amer, mais logique et en vrai assez satisfaisant. Un constat qu’on peut étendre sur beaucoup de points, que ce soit le grand … qui est cette fois bien plus palpable dans ses conséquences, ou encore l’affrontement ultime, un peu moins frustrant sur certains points.

Alors oui, face à une montée en puissance si marquante, n’avoir une fin que « satisfaisante », est potentiellement décevant, mais SNK arrive dans son ensemble à porter fort son message, et si la fin du manga gâchait quelque peu le bilan, c’est nettement moins le cas dans son adaptation en animé. Rarement un manga aussi populaire aura autant mérité son succès, très largement au dessus des classiques du genre qu’on encense un peu trop facilement. Un récit épique, quasi biblique, transformant une menace divine en une brillante analyse de l’espèce humaine.

Saison 4 :

 

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AKA


AKA
2023
Morgan S. Dalibert

Probablement perdu dans les limbes des productions depuis de très longues années (il est fait mention de PS4 et de Wii, ce qui laisserait supposer une écriture vieille de dix ans minimum, la seconde console ayant été retirée du marché depuis dix ans déjà), il est certain que le carton planétaire de Balle Perdue aura poussé Netflix à s’intéresser à cet autre film d’action français mettant en vedette le désormais reconnu Alban Lenoir, nouveau Bebel des temps modernes, ou du moins qui en rêve. En tous cas sa carrière sur Netflix est sans pareille : après avoir tout d’abord raflé le statut du film en langue française le plus vu de la plateforme avec le fameux Balle Perdue, il a battu son propre record par deux fois, d’abord avec Balle Perdue 2, puis en doublant le score avec le AKA dont il est question ici. Fort.

Aka, acronyme anglais « Also Know As » voulant dire « alias », fait écho à ce qu’on appelle travailler sous couverture dans le milieu policier. Spécialiste du genre, Adam Franco (Alban Lenoir) va être engagé par le commandant Kruger (Thibault de Montalembert) pour s’infiltrer dans le milieu de la drogue et du grand banditisme, car la police soupçonne le mafieux Victor Pastore (Eric Cantona) d’avoir prit sous son aile l’ennemi public numéro 1, le terroriste Moktar Al Tayeb.

Encore du film d’action policer français, mais je dois avouer que j’ai largement préféré le scénario qui y est développé. Dans l’absolu, le principe même du policier sous couverture est une hérésie : on demande à un représentant de la loi de passer du côté obscur, renier tous ses principes et vivre avec des gens qu’il déteste par nature, qui représentent tout ce qui va mal dans notre société, sacrifiant des mois, parfois des années de leur vie à se mettre quotidiennement en très grand danger, tout ça pour faire tomber des gens dont on savait déjà toute la dangerosité. Outre Atlantique, on se s’embêterait pas, on balancerait tout ça à Guantanamo ou autre pour tout faire avouer à grand renfort de torture, puis basta. Mais force est de reconnaître que dans une justice sclérosée qui n’a pas vraiment le choix, ce sacrifice est d’autant plus admiratif qu’il nécessite un sacré talent de la part de l’infiltré pour jouer un rôle de chaque instant. Au niveau cinéma, cela crée une forte tension, beaucoup de suspens, et avec en prime un gros côté action bien bourrin, ça donne une dynamique particulièrement percutante. Dans certaines thématiques, le côté loup solitaire surentraîné inarrêtable, la réalisation virevoltante, on tend parfois vers de l’efficacité à la Taken, bien que son héros restera un cran moins charismatique et que l’action n’ira pas jusqu’à un tel niveau de virtuosité. Une belle surprise donc, compensant quelques faiblesses d’écriture par une grande maîtrise dans le rythme et la mise en scène.

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