10 jours sans maman


10 jours sans maman
2020
Ludovic Bernard

Coupé en plein élan dans sa route vers les 1,5-2 millions d’entrées par le Covid, le film aura tout de même été un surprenant succès avec presque 1,2 millions de spectateurs, un exploit quand on sait à quel point son acteur vedette, Franck Dubosc, est l’incarnation absolue du « has been », où la quasi intégralité de sa filmographie des dix dernières années est composée de naufrages critiques et commerciaux, avec plus de la moitié en dessous des trois cent mille entrées, y compris son second film en tant que réalisateur qui n’aura pas atteint le dixième de Tout le monde debout, son unique film de la décennie qui soit et populaire et couronné de succès, hormis celui dont il est question aujourd’hui, mais qui n’aura clairement pas autant convaincu le public.

Quel est le plus gros cliché familial ? La mère qui s’occupe seule des enfants (surtout valable dans le temps où la plupart des femmes étaient femmes au foyer, mais un cliché de plus en plus éculé depuis un bon demi-siècle). On va donc suivre une famille où la mère (Aure Atika) s’occupe – presque, avec une femme de ménage tout de même – seule de tout ce qui est ménage, entretient, administratif de la maison, et surtout les enfants, au nombre de quatre (trois garçons et une fille). Le mari (Franck Dubosc) est DRH dans une grande enseigne de bricolage et se voit être le centre de toute l’attention et la reconnaissance, au point de ras-le-bol consommé où la mère va décider de tout simplement se barrer dix jours pour un peu souffler et faire prendre conscience à son ingrat de mari que non, « elle ne se repose pas quasi toute la journée pendant que lui trime si dur au boulot ».

On aura rarement vu un scénario aussi poussif et poussiéreux, se basant sur les plus gros poncifs des clichés de famille bourgeoise. La mère soi-disant débordée qui a en fait une femme de ménage qui vient plusieurs fois par semaine et dont les enfants sont tous placés en journée, et le mari qui semble clairement se la couler douce au boulot, a une bonne voiture et une immense maison en quartier chic, mais qui espère carrément devenir directeur à force de ne plus se sentir pisser. Quand on rêve d’avoir un bon gros smic de bourgeois et de se la couler douce comme une faignasse aux 35 heures, on se sent bien loin de leurs problèmes de petits privilégiés… Mais est-ce au moins efficace dans ce qu’il propose ? Mouef. Disons que l’idée de remettre le mari à sa place est réussie, et que le connard arrogant déconnecté de la réalité, c’est du Dubosc dans le texte, donc il campe toujours l’éternel même rôle. Quatre enfants, c’était à la fois une bonne et une mauvaise idée. Bonne car elle représente un challenge organisationnel et d’autorité, mais mauvaise car ils n’existent pratiquement pas individuellement dans une comédie d’à peine 90 minutes. De même, la scène d’ouverture tease un carnage de dérapage à la Babysitting, pour au final s’avérer être un banal accident expédié en deux minutes. Le film n’est pas mauvais, il est juste incroyablement convenu et attendu. Dire qu’une suite a vu le jour en 2023 !

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Saltburn


Saltburn
2023
Emerald Fennell

Alors que la saison des cérémonies touche à sa fin, le grand challenger britannique s’est heurté à un sacré mur : absolument aucun prix nulle part, et carrément aucune nomination aux Oscars. Le fameux thriller sulfureux a fait pschitt après son vague buzz, finissant même directement sur Prime Video pour ce qui est de la France, et même en tant que membre, je ne me suis clairement pas précipité pour le voir.

Dans ce remake non assumé de M. Ripley, on suivra là encore l’admiration / romance / amitié plus qu’ambiguë entre deux hommes, le prolétaire Oliver Quick (Barry Keoghan) et le noble Félix Catton (Jacob Elordi), dont la famille possède une fortune colossale, ainsi qu’un immense domaine : Saltburn. Durant leurs études à Oxford, les deux jeunes hommes vont se lier d’amitié, et Félix va inviter Oliver à passer l’été dans sa prestigieuse demeure.

Sans vouloir trop spoiler, le film est vraiment plus qu’inspiré par Le Talentueux M. Ripley, c’en est carrément une revisite avec les grandes lignes strictement identiques. On troque l’exubérance américaine et le luxe des hôtels européens par la sophistication britannique et le prestige des demeures et modes de vie d’antan à la Downton Abbey. Les points communs avec M. Ripley sont si ahurissants qu’il y a de quoi se demander pourquoi personne n’a crié au plagiat, mais heureusement le film est moins raté que son aîné. Le casting est là aussi très prestigieux, avec également Rosamund Pike, Richard E. Grant, Carey Mulligan, et même la tanche de Gran Turismo, Archie Madekwe, ne fait pas trop tâche. Le rythme est un peu mieux maîtrisé, et contrairement au « modèle », la fin n’est pas un naufrage ici, bien que la dense illustre parfaitement le principal problème de conception du film : son ton vulgaire. Certaines scènes auront beaucoup fait parler, notamment la baignoire et le « vampire » (qui n’a jamais passé outre ?), mais ce voyeurisme n’apporte pas grand chose, voir est complètement débile comme le coup de la terre encore fraîche. Sérieusement ?! Le côté thriller arrive très tard, et tout ce qui précède est du sous Call me by your name. De même, le style « arty » du 1:33 avec un grain d’époque est stupide, l’histoire étant censée se dérouler en 2006, par en 1920, et le format d’image ne rend pas justice aux décors. Un projet mal branlé en somme, dont l’intérêt de l’histoire est d’une part long à venir, et est sacrément prévisible d’autre part.

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Le Consentement


Le Consentement
2023
Vanessa Filho

Véritable phénomène ayant prit un peu tout le monde de court, le film se destinait à être perdu dans les limbes, dans les tréfonds du box-office. Même pas soixante mille entrées en première semaine, mais peu après ce début très timide, un engouement sans précédent s’empara de Tik Tok et résonna auprès des jeunes, comme un défi : se filmer en état de choc à la fin de sa séance. Le film connu alors un gigantesque boom, faisant mieux chaque semaine pendant un mois entier, surfant près de deux mois sur son buzz pour multiplier par plus de dix ses entrées, au delà des 600 000 en fin de carrière quand la barre des 100K semblait un plafond difficile à dépasser à la base. Une petite production destinée à une existence confidentiel, devenant l’un des films français les plus rentables de l’année. Le genre de succès story qui donne envie de se pencher dessus.

Le film adapte le livre éponyme écrit et tiré de l’histoire vraie de Vanessa Springora (incarnée par Kim Higelin, puis Elodie Bouchez pour le petit prélude). L’histoire se déroula dans les années 80, alors que sa mère (Laetitia Casta) va avoir nulle autre que le très célèbre écrivain Gabriel Matzneff (Jean-Paul Rouve) à sa table lors d’une soirée. Ce dernier, pédophile notoire s’en vantant même dans ses livres, va tomber sous le charme de la petite ingénue Vanessa, collégienne d’à peine 13 ans. Il va alors lui envoyer des mois durant des lettres d’amour, tantôt poétiques, tantôt plus directes et charnelles, laissant peu à peu germer dans son esprit en construction l’idée d’une romance avec cet esprit brillant, immense auteur à succès acclamé par tous, certes déjà quinquagénaire, mais encore en pleine force de l’âge comme il le dirait lui-même. Puis un beau jour, refermant le piège, il ira la récupérer à son collège, près à asséner le coup de grâce pour la rendre folle de lui. Vraiment ?

Qui n’a jamais fantasmé sur un professeur ou tout simplement une personnalité publique plus âgée mais ô combien désirable à nos yeux ? La loi en a conscience, et il serait tôt fait d’en profiter, dans un sens comme dans l’autre, d’où la notion de rapport d’autorité, faisant monter aujourd’hui l’âge de consentement de 15 à 18 ans dans ce genre de cas. Oui mais voilà, nous étions là dans les années 80, avec des parents en provenance directe de la période hippie, pour ne pas dire des dépravés pas vraiment inquiets à l’idée qu’une adolescente soit l’amante d’un vieux pervers. L’amour n’a pas d’âge. On a donc là une ordure ayant un stratagème bien développé, sachant exactement comment s’y prendre pour manipuler de jeunes esprits naïfs pour les faire croire à un grand amour sur fond excitant d’interdit. Dans l’absolu l’amour aurait été possible, mais ça ne sera pas le cas, le bougre ayant plus d’une maîtresse, avec une obsession insatiable proche de l’aliénation, qui en aucun cas ne peut se rapprocher d’une quelconque romance. La seule question de fait qui se pose, et qui est d’ailleurs tout le sujet du film, c’est de montrer en quoi la manipulation orchestrée rend flou la notion de consentement, voir démontre au contraire en quoi toute forme de consentement a été bafouée.

Quid du film dans tout ça ? L’histoire est très intéressante, surtout la première demi-heure pour montrer toute la froideur du plan d’endoctrinement, faisant basculer du harcèlement d’un vieux dégueulasse de 50 piges en un illustre écrivain d’âge mur prit de folie charnelle pour la douceur d’une enfant ingénue mais « si en avance pour son âge ». Une façon vicieuse pour détourner l’attention de sa démarche, effaçant l’écart d’âge choquant, invoquant de nobles sentiments et en flattant la fameuse Vanessa en louant son intelligence, car aimer quelqu’un comme lui serait justement une grande marque de maturité. Jean-Paul Rouve est méconnaissable, effrayant presque, et Kim Higelin fait très bien les ahuries ébahies, mais leurs jeux frôlent souvent le cabotinage. Eh puis bon, une actrice de 23 ans pour camper une ado ayant de 13 à 18 ans, ça atténue le propos et adouci la violence psychologique qu’est censée représenter ce couple illégal. De manière générale, le film manque de finesse, notamment dans la mise en scène avec un côté provoquant trop prononcé, cassant la rythmique. On se retrouve avec une large majorité du métrage uniquement consacré aux abus et à la toxicité de cette relation, rendant l’étude des conséquences moindre, presque rushée. Le contexte de l’époque passe un peu mal aussi, car impossible de croire qu’un homme de plus de cinquante ans se pavanait de partout, plateau télé, restaurant, en terrasse, avec des dizaines de jeunettes à peine pubères de 13 à 16 ans, que tout le monde savait, même les parents et amis, et que tous ont fini par accepter la situation. Et que dire de la morale du film quand on présente comme le sauveur de l’adolescente en perdissions (alors âgée de 15 ans) un étudiant en fin de cycle d’environs 25 ans ? Certes, l’écart est moindre, mais quitte à opposer manipulation et vrais sentiments, autant éviter de remettre un rapport de confort matériel de l’homme plus âgé. Un film sur un débat de fond important, qui semblait partir sur de bonnes bases de par son premier acte maîtrisé, mais qui se perd ensuite entre voyeurisme et égarements.

 

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Ghost


Ghost
1990
Jerry Zucker

Cas assez unique en son genre, le film fut complètement lynché par la critique à sa sortie, n’hésitant pas à le qualifier de bonne grosse bouse, et pourtant le public en a fait un classique instantané. Plus de 217 M$ aux Etats-Unis, 517 M$ dans le monde : un gigantesque carton, qui si on le rapporte à l’inflation, donnerait près de 1,3 milliard au box-office. Le milieu professionnel a même dû ravaler sa fierté et aller dans le sens du vent, en le nommant dans la plupart des catégorie dans les cérémonies, et repartant par exemple avec deux Oscars : meilleur scénario et meilleure actrice dans un second rôle pour Whoopi Goldberg. Une sacrée revanche, et son statut de film culte n’a pas faibli avec les décennies.

L’histoire démarre de façon assez tragique : alors qu’ils filaient le parfait amour, Sam (Patrick Swayze) et Molly (Demi Moore) vont se retrouver séparés par la mort. Lors d’une sortie ensemble, un voleur tentera de s’emparer de son portefeuille, et un coup perdu viendra mettre fin aux jours de Sam, abattu par balle. Mais au moment de monter au ciel, il sentira comme un besoin de rester aux côtés de Molly. Et effectivement, elle se pourrait bien être en danger.

Peut-être originale à l’époque, l’histoire est dans le fond assez basique : une affaire de détournement d’argent, de la trahison et de l’amour. La touche d’originalité vient de cet ange gardien, qui est en réalité un fantôme, qui devra trouver un moyen d’influer sur la vie matérielle. Difficile à dire avec le recul si tous les clichés du genre découlent de ce film, ou si celui-ci les usait déjà, mais dans tous les cas ils sont de fait très présents, rendant le déroulé assez prévisible. C’est d’ailleurs le principal problème : le film a vieilli, que ce soit par les clichés qu’il a inventé ou perpétré, mais surtout les effets spéciaux, qui aujourd’hui le rend un peu cheap. Reste une belle histoire d’amour touchante, et surtout des interactions avec la voyante tantôt drôles tantôt émouvantes quand elles le sont au service de la romance. Et bien sûr, cette chanson désormais indissociable avec son « Only You » : Unchained Melody de Righteous Brothers. Un peu kitch avec les années, mais toujours mignon.

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Au-delà des lois


Au-delà des lois
1996
John Schlesinger

Quand on parle de peine de mort, un sujet met à peu près tout le monde d’accord : les actes pédophiles. Un sujet particulièrement d’actualité puisqu’hier a été adopté à Madagascar la castration chimique pour ce genre de crimes. Oui, mais que se passe-t-il quand la justice fait défaut ?

Imaginez le couple parfait d’américains, Karen (Sally Field) et Mack (Ed Harris), qui travaillent dur, ont une maison dans une banlieue chic et deux filles, dont la petite dernière va fêter son anniversaire. Leur aînée de 17 ans est rentrée un peu plus tôt ce jour-là, voulant justement aider pour préparer la fête. En plein appel avec sa mère, elle va ouvrir à la porte, tombant nez à nez avec un homme, qui va la violer et la tuer pendant que la mère assistera téléphoniquement à la scène, impuissante. Quel genre de monstre peut faire ça ? Robert Dood (Kiefer Sutherland), livreur identifié clairement comme de passage au moment des faits, et dont le test de sperme sera accablant : c’est lui. Peine de mort ? Perpétuité ? Que nenni, un vice de procédure lui permettra de s’en tirer sans rien, libre.

Le pitch du film est absolument atroce : une famille brisée par la pire des ignominies possibles, et qui sera une seconde fois traumatisée par une injustice flagrante concernant l’impardonnable. Le spectateur est donc là en quête de sang, de JCVD en sous-sol avec une perceuse, un marteau, des clous et autres idées de circonstance, avec bien sûr l’ordure suprême ligotée sur une chaise pour recevoir la justice divine. Pour ce qui est de dépeindre l’injustice, les défaillances du système ou la monstruosité de l’individu, le film est très réussi. Pour ce qui est du reste, le bilan est plus mitigé. On est loin d’un Death Wish au niveau efficacité, rythme ou satisfaction primale. Le film fait ce qu’on attend de lui, pas plus, et il prend bien trop son temps. Bien, mais on a vu mieux dans le genre.

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Missing : Disparition inquiétante


Missing : Disparition inquiétante
2023
Will Merrick (II), Nicholas D. Johnson

Nous voici cinq ans après l’incroyable surprise que fut le haletant et brillamment original Searching : portée disparue, et la même équipe de production nous propose de prolonger l’expérience avec une nouvelle enquête reprenant cette formule qu’était de suivre intégralement tout le film via une interface d’ordinateur, téléphone ou autre appareil connecté, tel un cyber espion se glissant à l’intérieur de l’enquête.

Cette fois on suivra non pas un père, mais une fille : June (Storm Reid). Alors qu’elle passait sa meilleur vie à l’aube de ses 18 ans, profitant de l’absence de sa mère pour faire la fête avec ses copines, le réveil sera douloureux : sa mère et son petit ami ne rentrerons jamais de leur voyage en Colombie. Que s’est-il passé ? Où sont-ils ?

Retour dans ce doux jeu du Cluedo géant, avec un niveau d’inspiration jamais vu. C’est bien simple, il ne se passe pas deux minutes sans qu’une dinguerie énormissime ne se dévoile. Et contrairement à dans Searching, ce ne sont pas toujours que des indices avec une seule vérité finale, mais une orgie de révélations perpétuelles où toutes les pistes sont bonnes, et ce n’est qu’une fois arrivé tout au bout qu’elles s’additionnent toutes. C’est tellement jouissif à suivre, nous réglant sans cesse de twists rocambolesques dans une effervescence à la générosité folle. Il faut aussi saluer le travail monumental de localisation, décuplant l’immersion, puisque l’intégralité des interfaces et textes à l’images sont tous sans exception traduits en français. Mieux encore, le film ne sonne pas comme une redite mais comme une version transcendée de son propre concept. L’idée d’inverser les rôles, que ce soit une jeune cherchant son parent et non l’inverse, cela permet d’avoir quelqu’un de très à l’aise avec les technologies, pensant à des alternatives plus ingénieuses avec de nouveaux médias : l’expérience est donc totalement renouvelée. La seule réserve qu’on pourrait émettre, hormis le fait que le concept ne soit pas totalement original, c’est qu’à vouloir en faire trop, certains pourraient trouver l’avalanche de pistes et révélations trop exubérant, donc moins crédible, mais pour ma part ce fut jubilatoire.

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Wish


Wish
2023
Chris Buck, Fawn Veerasunthorn

Voici donc le fameux film des 100 ans du studio d’animation Disney, le film révolutionnaire à 200 M$ de budget utilisant le meander, technique consistant à dessiner par dessus des modèles 3D. Si la France fait un peu figure d’exception avec pratiquement trois millions d’entrées, on peut dire que le flop est plus que massif avec les 240 M$ au box-office mondial (donc avec le marketing, au moins 350 M$ de budget réel, et avec 50% à domicile et 66% dans le reste du monde – sauf Chine 75% – de frais de distribution, même pas 100 M$ de réellement amassés, donc à peu près 250 M$ de pertes sèches). Il faut dire que les critiques ne furent pas tendres…

L’histoire est classique au possible : un roi / magicien avide de pouvoir, se faisant passer pour un bienfaiteur alors qu’il est un dictateur, va carrément basculer du côté obscur quand la jeune Asha, postulant pour être son apprentie, va le mettre face à ses contradictions et sa vraie nature.

Disney va décidément très mal. Après la catastrophe Avalonia, la mort progressive de l’univers Star Wars sur Disney+, la plantade historique du dernier Indiana Jones et l’effondrement de tout le MCU avec une contre-performance là aussi historique avec The Marvels, en voici un nouveau record dans le genre, soit trois films dans le top 5 des plus gros gouffres financiers de l’histoire en seulement un an. Chapeau ! Il sera long d’énumérer toutes les raisons de cet insuccès, mais tâchons.

Commençons avec le visuel, un résultat bâtard le cul entre deux chaises. Un mélange 3D / 2D raté, donnant un effet brouillon, moins fin et jamais ni beau, esthétique ou artistique. Et il faut dire que visuellement le royaume est archi classique, et rien dans le design des personnages ou des effets de magie ne viendra bousculer notre expérience. Côté scénario, c’est du sous sous Warcraft : le commencement, se limitant juste au magicien protecteur sombrant du côté obscur, mais en bien plus manichéen et limité au niveau réflexion. Juste de l’homme toxique qui se fera botter le cul par des femmes. Avec en plus des personnages de tous horizons ethniques, les plus blasés ou conspirationnistes crieront au wokisme, et il est vrai que la démarche semble plus arriviste qu’autre chose. On passera vite fait sur les innombrables clin d’œil, d’une lourdeur infame : les sept « nains », l’emblème fétiche, mais surtout le coup du grand père, au rêve voulant « marquer les générations à venir » avec sa musique, et qui en réalité compose le fameux thème de Walt Disney Pictures. On a déjà vu des auto-fellation moins flagrantes. Et enfin, parlons de ce fléau rarement agréable : les chansons. Là encore, le vide créatif est affolant, nous épuisant avec du remplissage où les protagonistes expriment leurs sentiments en poussant bien gratuitement la chansonnette, et ça ne permet ni d’augmenter les enjeux ni de développer les personnages tant elles ne font que décrire ce qu’il se passe ou exposer de plates évidences. Un pot pourri de ce que Disney croit avoir fait son succès, alors que si la plupart de leurs classiques ressortaient aujourd’hui, on les trouverait un peu vides (ce qui est le cas de la plupart de leurs live-action, ayant fonctionné uniquement grâce à la nostalgie), et il faut dire que le mélange est ici d’une telle fainéantise que c’en est difficilement supportable. Et contrairement à un Avalonia qui avait le mérite de proposer un semblant de quelque chose malgré de gros soucis d’écriture et une direction artistique foireuse, ce n’est clairement pas le cas ici. Recycler à l’infinie les mêmes recettes est vain, la magie ne prend plus.

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Les Trois Mousquetaires : D’Artagnan


Les Trois Mousquetaires : D’Artagnan
2023
Martin Bourboulon

Première partie d’un diptyque qui serait finalement une trilogie (semble t-il que l’histoire est toujours en suspend à l’issue du second opus) mais qui n’est pas sûre de voir le jour. Doté d’un budget de 72 M€, les deux films ont respectivement fini avec 3,5 millions d’entrées pour le premier et sur le point de finir avec 2,6 millions d’entrées pour le second, avec tout juste dans deux millions cumulés en dehors de la France, soit un total de huit millions de spectateurs dans le monde en deux films. C’est un score assez honorable, mais pas forcément suffisant pour convaincre les investisseurs à financer un nouveau volet. Sachant donc que le projet n’aura pas nécessairement de conclusion, j’y allais donc à reculons, d’autant que l’histoire est déjà bien trop connue.

Déjà adaptée une trentaine de fois, que ce soit au cinéma ou à la télé, l’œuvre d’Alexandre Dumas nous revient une fois de plus pour nous conter les manigances de Milady (Eva Green) et surtout du Cardinal Richelieu, se rêvant de renverser Louis XIII (Louis Garrel) et prendre le pouvoir, mais qui sera déjoué par les trois mousquetaires, Aramis (Romain Duris), Porthos (Pio Marmaï) et Athos (Vincent Cassel), rejoints par une nouvelle recrue, D’Artagnan (François Civil).

Beaucoup n’ont pas su apprécier à sa juste valeur la proposition épique et baroque de la version de 2011 de Les Trois Mousquetaires, mais je n’ai eu que ça en tête tout du long, et la comparaison fait mal. Malgré tout le talent de François Civil, il est bien trop vieux pour le rôle, donc le côté jeune premier passe moins bien, et désolé de le dire, mais le scénario est moins bien construit. La triple provocation en duel est ici bien moins naturelle, presque calée maladroitement pour coller au livre sans vraiment savoir qu’en faire. Toute la narration dans son ensemble est moins fluide, moins pertinente, et surtout inachevée de par son statut de première partie, ce qui avec Accros the Spider-Verse et Dead Reckoning a le don pour me lasser ces derniers temps. Faites des films complets qui tiennent la route en solo bordel ! Eh puis bon, les dirigeables avaient une sacrée gueule, tandis que là, ni scène épique ni sentiment d’aventure : du conflit politique ennuyeux, et quelques combats à l’épée illisibles entre une caméra trop bourlinguée, une image terne, et un gros souci sur les personnages et décors. Tout est aberrant de saleté. Les vêtements sont des torchons, les cheveux gras, et tout le monde – hors bourgeoisie – est continuellement crasseux, le visage plein de terre. C’est quoi le délire ? Okay, les gens d’antan n’avaient pas la même hygiène, mais à ce point là, ça semble abusif. C’est bien de faire preuve d’ambition en France, mais cette énième revisite du mythe manque de personnalité, transpose au lieu d’adapter, et malgré une volonté de bien faire, l’ennui est présent.

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L’Amant de Lady Chatterley


L’Amant de Lady Chatterley
2022
Laure De Clermont-Tonnerre

Malgré le vide créatif assez problématique de 50 Nuances de Grey, le film fut un succès colossal, donnant des idées à beaucoup. Pour Amazon, ce fut la saga After, qui après avoir trop perdu de spectateurs en salles était facile à continuer à produire pour pas cher. Côté Netflix, ils avaient déjà fait carton plein avec l’ode au viol et au kidnapping, de très saines passions, avec l’extraordinaire 365 Dni, chef d’œuvre inoubliable. Il y a visiblement une forte demande pour le genre sulfureux, anciennement qualifié d’obscène.

On remonte cette fois aux origines du genre avec une dixième (oui oui, déjà) adaptation du roman éponyme de D. H. Lawrence, écrivain anglais qui tenta de publier son roman en 1928, mais mourus deux ans plus tard sans savoir qu’il aura fallu attendre 1932 pour une première publication, et que son pays d’origine aura réussi à en bloquer la parution sur son territoire jusqu’en 1960 tant le monde n’était visiblement pas prêt.

On y suit les tourments de Lady Chatterley (Emma Corrin), une aristocrate de bonne famille ayant épousé un très riche noble, mais qui malheureusement rentrera de la Première Guerre Mondiale en fauteuil roulant. Et qui dit paralysie des jambes, dit paralysie des parties génitales. Dans la fleur de l’âge, elle ne souhaitait clairement pas se morfondre dans une vie d’abstinence, et son mari ne le lui souhaitait pas non plus, y voyant là l’occasion de peut-être assurer indirectement sa descendance. En quête d’un bel étalon pour épancher sa libido, elle trouvera en le garde-chasse (Jack O’Connell) le parfait amant, loin de se douter de jusqu’où la fougue la portera.

Voici dont ce récit si transgressif et choquant qu’il a été interdit pendant plus de trois décennies ? Si brillant – et mal adapté par contre pour juger une nouvelle itération pertinente – qu’il fallait impérativement – et éternellement – à nouveau l’adapter ? Fait amusant d’ailleurs, la domestique protectrice et confidente de Lady Chatterley est interprétée par Joely Richardson, qui se trouve avoir campé ce même rôle dans un téléfilm en 1993. L’histoire m’a beaucoup fait penser à la romance entre Edith et le paysan vers la saison 3 ou 4 de Downton Abbey, eh puis il y avait surtout eu la benjamine des Crawley avec le chauffeur, donc le mélange des classes, une aristocrate avec un homme du bas peuple, le livre a peut-être été un précurseur en la matière, mais comme la dernière adaptation en date est de 2022, le thème n’a plus rien de novateur. L’époque est toujours agréable à s’y replonger, et la romance reste mignonne dans l’ensemble, donc on passe un plutôt bon moment, mais rien de mémorable ni spécialement sulfureux : c’est moins démonstratif que n’importe quel épisode de Outlander, et la pauvre Lady n’est pas très appétissante tant sa maigreur est maladive. C’était probablement une œuvre choquante et obscène à son époque, mais l’intérêt de la revisiter encore et encore n’a que peu de sens de nos jours, lui faisant presque frôler la vulgarité tant la nudité n’apporte pas grand chose, si ce n’est souligner l’obsession pour la chair au détriment du cœur, ce qui nuit au message romantique global.

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Le Procès Goldman


Le Procès Goldman
2023
Cédric Kahn

L’exercice de style qu’est le film de tribunal est une scène de théâtre où l’art oratoire est maître, où le charisme est un impératif du métier. Nombre de films du genre ont été d’immenses succès artistiques, notamment récemment avec la claque des Sept de Chicago, qui trouve là un sacré challenger dans le domaine du procès. Une année décidément exceptionnelle pour le cinéma français que la cuvée 2023.

Affaire qui avait secoué l’actualité des années 70 en France, le film s’intéresse à l’histoire vraie derrière le procès pour divers méfaits, notamment un double assassinat de deux jeunes pharmaciennes en 1969, dont le suspect était Pierre Goldman (Arieh Worthalter), un révolutionnaire et malfrat notoire. Reconnu coupable et condamné à perpétuité en première instance dans ce qu’il dénonce comme un simulacre de justice, il compte bien faire éclater la vérité avec la deuxième instance.

N’étant pas né à l’époque, je n’avais jamais entendu parlé de cette affaire, dans le fond assez « banale » : un braquage qui tourne mal, deux témoins éliminés, selon la partie civile, et un odieux double meurtre bien gratuitement attribué au premier malfrat venu sans l’ombre d’une preuve ou d’une vérité selon la défense. Certes, on parle d’un juif proche du mouvement révolutionnaire cubain, d’accointance avec des noirs des DOM-TOM, avec d’un certain point de vue le débat sur une forme d’antisémitisme et de racisme, mais c’est extrêmement secondaire, voir hors sujet. On est plus sur du délit de sale gueule, de petit con dont les méfaits ont tellement fatigué les forces de l’ordre que l’occasion de le foutre au trou était trop belle. Mais il semblerait que les années l’aient calmé, transformant le jeune turbulant avide de chaos en un homme confirmé, cultivé et jubilant de cette tribune pour en faire sa scène politique. Un personnage haut en couleurs, radical, qui n’a pas sa langue dans sa poche, qui ose, qui bouscule le politiquement correct et tape là où ça fait mal. Entre le jeu extraordinaire des acteurs, outre le fameux Golman qui mériterait tellement de remporté son César pour lequel il est nominé et les maître Kijman (Arthur Harari) et le président juge (Stéphan Guérin-Tillié) presque aussi bluffant, et aussi l’écriture ciselée des tirades mémorables, les joutes verbales sont d’une puissance infinie. Avant le verdict, la réplique « je ne voudrais pas de moi qu’on dise que j’ai agi comme un juif déclarant implicitement que ceux qui ne sont pas juifs n’ont pas le droit de penser qu’un juif soit un tueur, et s’ils le pensent c’est qu’ils sont antisémites » est d’un tel impact et d’une telle honnêteté intellectuelle que l’admiration n’en est que plus grande. Pas un temps mort, pas un témoignage non percutant, le rythme est maîtrisé de bout en bout. Même la réalisation est d’une rare pertinence : un 4:3 très resserré sur les personnages, et un choix de pellicule à l’ancienne pour nous plonger dans l’époque. Une histoire prenante, des personnage forts, des acteurs parfaits, des dialogues d’une rare intensité : un niveau de qualité comme on en voit que trop rarement.

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