Emma


Emma
2020
Autumn de Wilde

Voilà un film qui sur le papier me tiraillait : j’adore l’époque victorienne (certes, le film se passe avant, mais le siècle d’avant et les quelques décennies suivantes sont aussi chères à mon cœur, on restait à peu près dans la même ambiance), le casting m’alléchait, mais la base de l’histoire a de quoi refroidir. Disons-le clairement : je déteste Jane Austen. Ses histoires sont pratiquement toutes centrées sur des protagonistes passés maîtres dans l’art de l’auto-sabotage, comme si le monde entier était destiné au malheur par connerie et non-dits. Dans les faits c’est très vrai, mais ne doit-on pas avoir plaisir à voir un film ? Mais on m’a assuré du caractère plus léger et divertissant de cette œuvre, donc tentons l’expérience, il faut savoir parfois laisser de côté son orgueil et ses préjugés.

Dans un domaine de la campagne anglaise, Emma Woodhouse (Anya Taylor-Joy) a grand plaisir à disposer de sa cours, aimant jouer les entremetteuses et colporteuses. Héritière du domaine de son père (Bill Nighy), elle n’a peu cas de son avenir, sa fortune étant établie et son destin n’ayant pas à reposer sur un bon mariage, elle a donc loisir à s’occuper d’abord des autres, s’étant entichée de la nouvelle pensionnaire d’une école de jeunes filles de bonnes familles, Harriet Smith (Mia Goth).

Depuis Split et même depuis The Witch pour certains, The Queen’s Gambit n’a fait que confirmer le phénomène : le monde entier est aux pieds d’Anya Taylor-Joy, et je dois avouer qu’à force je comprend, c’est éminemment une immense actrice, et sa nomination aux Golden Globes n’est pas surfaite. Mais mine de rien l’ensemble du casting est excellent aussi, le sourire et la simplicité d’Harriet ne laissent pas indifférent, le personnage du coquet plafroquet Knightley (Johnny Flynn) fini par nous emporter, et on s’amuse de retrouver des têtes connues du petit écran : Gemma Whelan, Yara dans Game of Thrones et inspectrice dans The end of th f***ing world, mais aussi Tanya Reynolds et Connor Swindells de Sex Education, aux physiques il est vrai « so british ». Si on retrouve la pâte indéniable de Jane Austen, il semble qu’elle fut dans l’un de ses meilleurs jours au moment d’écrire la fin de son livre, donc rassurez-vous, ça ne sera pas le même gâchis infini auquel elle nous a tant habitué, même si le sabotage et coïncidences malheureuses seront légion. C’est assez dommage d’user de quelques facilités scénaristiques de la sorte, mais très vite on s’attache aux personnages et on apprécie en toute simplicité les moments de vie partagés. L’humour marche bien, le ton est léger, maîtrisé, et on remarquera même la musique, plus qu’agréable puisqu’on s’étonnera de ses envolées. Reste quelques soucis de rythme, une fin qui aurait pu arriver plus tôt, et puis surtout le fait que Downton Abbey soit passé par là, et qu’il est donc regrettable de ne voir qu’un pan de cet univers quand on sait toute la richesse et la complémentarité des deux facettes de la société de l’époque. Un très bon film, mais il manque des enjeux de plus grande envergure ou une irrévérence plus provoquante pour marquer plus durablement.

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