Downton Abbey
2010 – 2015
Julian Fellowes
Le 25 décembre dernier au Royaume Uni, et quelques semaines plus tard chez nous, le phénomène Downton Abbey nous disait adieu après six merveilleuses saisons. Lancée sur ITV1 le 26 septembre 2010 en Grande Bretagne, la série fut immédiatement acclamée, saluant une histoire originale, une intrigue finement ciselée, mais aussi et surtout des personnages très travaillés, intéressants et formidablement interprétés. Le succès n’a que peu vacillé, le public était fidèle, et au cours de sa carrière la série a enchaîné les prestigieuses nominations et récompenses. Avec une moyenne de 11 millions de téléspectateurs à domicile et plus encore aux Etats-Unis, le phénomène était mondial et aurait pu perdurer bien des années encore, mais le créateur a souhaité conclure son intrigue avant que la lassitude ne nous gagne, et c’est tout à son honneur.
Seule saison non constituée de huit épisodes d’une cinquantaine de minutes conclu par un neuvième spécial Noël d’une heure et demi, la toute première n’en contient que sept tournant aux alentours de 55 minutes. On y suit la vie d’une multitude de personnages évoluant dans le domaine de Downton Abbey, se situant dans la campagne anglaise, allant des maîtres des lieux aux domestiques, le tout dans la belle époque du début du XX° siècle, plus précisément en 1912 alors que la catastrophe du Titanic est dans toutes les pensées. Gérant du domaine, Robert Crawley (Hugh Bonneville), le comte de Grantham, en est d’ailleurs très inquiet car ses terres sont la propriété de son héritier, et n’ayant eu que trois filles avec sa femme Cora (Elizabeth McGovern) – Mary (Michelle Dockery), Edith (Laura Carmichael) et Sybil (Jessica Brown Findlay), ne pouvant hériter – il attendait beaucoup de la future union de sa fille Mary, mais son fiancé étant mort lors de la fameuse traversée, tout repose désormais sur un cousin éloignée appelé Matthew (Dan Stevens), avocat de pacotille dont il ne sait rien. Le plus simple serait de marier Mary avec Matthew, mais cette dernière ne le trouve pas assez bien pour elle, préférant vagabonder avec le beau commanditaire turc Pamouk (Theo James), une erreur qui pourrait bien lui coûter cher. Pendant ce temps là, la cohabitation est difficile entre Violet Crawley (Maggie Smith), mère de Robert, et Isabelle Crawley (Penelope Wilton), la mère de Matthew, cette dernière s’immisçant dans les affaires de la communauté, gérées depuis des décennies par Violet sans la moindre concurrence ou opposition.
Côté personnel, l’envers du décors est très fourni, avec beaucoup de personnes et tout autant de personnalités fortes et d’histoires intéressantes. À sa tête, on retrouve le majordome Charlie Carson (Jim Carter), dont le passé trouble de clown va resurgir, et Elsie Hughes (Phyllis Logan), la gouvernante. Dans cette première saison le reste du personnel sera notamment composé de John Bates (Brendan Coyle), valet de chambre de Lord Grantham, ex compagnon d’arme de son maître blessé à la guerre dont la jambe boiteuse lui vaudra bien des moqueries. Personnage clé, certains autres domestiques tenteront par tous les moyens de l’évincer, de le discréditer, alors même que son passé tourmenté semble ne jamais vouloir le quitter. Seule aide et réconfort qu’il trouvera, la femme de chambre des trois filles Crawley, Anna Smith (Joanne Froggatt), va tomber amoureuse de lui, mais la situation ne leur permettra pas pour le moment de se retrouver. On retrouvera aussi Sarah O’Brien (Siobhan Finneran), femme de chambre de Lady Grantham (Cora), grande comploteuse machiavélique qui sévit avec son ami Thomas Barrow (Rob James-Collier), un valet de pied aux goûts peu communs, et même illégaux pour l’époque. Petite protégée de Lady Sybil qui souhaite la voir réussir dans ses projets, Gwen (Rose Leslie) est pour sa part une femme de chambre, aspirant à devenir secrétaire. Dans les cuisines, on retrouve Beryl Patmore (Lesley Nicol), la cuisinière en chef, qui va par la suite se découvrir un sévère problème de cataracte, secondée par Daisy Robinson (Sophie McShera), la petite peste de service, maladroitement courtisée par le grand dadais William Mason (Thomas Howes), second valet de pied. Plus secondaire dans cette première saison, on suivra aussi Joseph Molesley (Kevin Doyle), majordome au service de Matthew et sa mère, installés dans un petit cottage près du domaine. Autre personnage qui gagnera en importance au cours des saisons, voir épisodes, Tom Branson (Allen Leech) est quant à lui le chauffeur de la famille, militant irlandais engagé, pas insensible au charme de la jeune benjamine Sybil.
Il y a donc une distribution très importante, mais avec des épisodes frôlant chacun l’heure, voir la dépassant pour le premier et le dernier épisode de la saison, on a suffisamment de temps pour s’attarder sur le cas de tous, et le moins que l’on puisse dire c’est qu’il y a de quoi faire. Avec autant de personnes quasiment toutes intéressantes, qu’elles soient bonnes ou mauvaises, on se fascine, on se passionne. Leur écriture est formidable, très approfondie, les dialogues font mouche et l’ambiance et la culture de l’époque nous transportent. La reconstitution marche à la perfection, les images, la réalisation et les décors sont superbes, la musique enivrante, les acteurs époustouflants (bien qu’on notera une petite incohérence niveau casting dans la mesure où Mary et Edith ont les yeux marrons, chose impossible puisque leurs parents ont les yeux bleus). Une immersion totale dans un univers d’une richesse inouïe.
Saison 1 :
La première saison se terminait tragiquement : à cause de l’avidité de Mary peu encline à épouser Matthew s’il n’était pas l’héritier, ce dernier l’a rejeté à la mort de l’enfant de Cora, possible ombre sur son avenir qui disparaissait. De même, alors qu’il croyait en avoir fini avec elle, Bates a dû quitter Downton à cause de son épouse Verra, qui souhaitait l’avoir à nouveau à ses côtés, plongeant Anna dans une détresse infinie. Les choses n’avaient pas bien tourné pour Edith non plus, la frustration de Mary s’étant abattu sur elle, qui fit fuir son seul prétendant. Pour couronner le tout, la dernière saison s’achevait par une terrible annonce, celle de l’éclatement de la première Guerre Mondiale. Nous voici reprenant les choses deux ans plus tard, en 1916.
Si d’apparence les choses n’ont pas bougé à Downton, la guerre est sur toutes les lèvres entre ceux qui s’inquiètent de leurs proches au front, et ceux qui craignent ou espèrent leur appel dans l’armée. Mobilisé dès le début de la guerre, Matthew sera ensuite rejoint par les deux valets de pied, le volontaire William et aussi Thomas, qui malgré sa mobilisation spontanée dans le corps médical n’échappera pas aux tranchées. Alors qu’un air de changement plane dans l’air, et poussé par une initiative de Isabelle Crawley, la calme demeure de Lord Grantham va elle aussi participer à l’effort de guerre en se transformant en centre de convalescence, l’occasion pour Thomas de revenir en tant que responsable du centre de par ses galons de médecin de guerre, lui permettant une reconversion après une blessure prétexte à quitter son mouroir de champ de bataille. Une chance que n’auront pas eu Matthew et William, rentrant respectivement avec une colonne vertébrale brisée, le privant de ses jambes et de descendance, et des poumons perforés pour le second, le condamnant à une lente agonie à l’issue fatidique.
On suivra en parallèle de cette guerre moult histoires, comme les éternels problèmes de Bates avec sa femme, qui cherchera par tous les moyens de pourrir sa vie, l’amour tragique de la nouvelle femme de chambre Ethel (Amy Nuttall), le traumatisé de guerre remplaçant de Bates, Henry Lang (Cal MacAninch), les tourments de Daisy par rapport aux fausses promesses faites à William, l’aventure passagère de Lord Grantham avec une servante, la romance furtive entre Edith et un paysan local, celle naissante entre sa sœur Sybil et le chauffeur Branson, le remplacement de Mary par la jeune ingénue Lavinia Swire (Zoe Boyle) dans le cœur de Matthew, ou encore le compromis marital entre Mary et le magnat de la presse Richard Carlisle (Iain Glen). Une saison des plus riches qui coure sur quatre ans, très imprégnée par le drame, puisqu’en plus de la guerre cette sombre période de l’histoire connaîtra la peste espagnole. Une richesse somme toute logique de par les deux épisodes supplémentaire que contient la saison, portant le total à neuf, ce qui sera par la suite la norme.
Le niveau de la seconde saison reste excellent, multipliant les intrigues, renforçant ses personnages clés et offrant un traitement de la guerre très cru et ambitieux, n’hésitant à y mettre les moyens pour rendre l’expérience crédible. En revanche, les intrigues développées ne sont pas les plus intéressantes de la série, certaines prennent trop de place, et nombre d’entre elles sont oubliables. Pour preuve, le valet de Lord Grantham des premiers épisodes, Henry Long, m’était complètement sorti de l’esprit. Même si intéressantes, les romances de Matthew et Mary sont un peu une perte de temps tant leur amour est palpable et qu’on sent qu’ils sont fait pour finir ensemble. Mais plus encore, c’est vraiment l’histoire de Bates qui gène le plus. Elle prend une place folle, il réagit très mal aux situations, et l’histoire sonne comme une redondance de celle de la saison passée, bien que la fin nous offre quelques passages mémorables, d’un cynisme hilarant. D’autres en revanches sont trop vite expédiées, à l’image du soldat aveugle dont s’occupait Thomas dans son premier camp hospitalier. Mais bon, rien d’alarmant et les bases de nouvelles intrigues palpitantes sont posées.
Saison 2 :
La saison 2 s’achevait dans une avalanche de « rebondissements ». Attendus depuis longtemps, les éléments déclencheurs de quatre intrigues principales s’étaient donné le mot dans le tout dernier épisode et tout premier « spécial Noël ». En effet, après moult tumultes, Matthew et Mary s’étaient enfin retrouvés, avec à la clé une demande en mariage, mise en application dès le premier épisode. De même, s’avouant enfin son amour pour lui après sept ans, Sybil va partir en Irlande avec Tom, au grand dam de sa famille. Autre romance de longue date, en fin de saison 2 Edith renouait avec son seul vrai prétendant (le fermier n’ayant pas vraiment compté puisqu’elle n’a jamais cherché à le revoir) : sir Anthony Strallan (Robert Bathurst). Une courte histoire (épisode 3) qui se stoppera devant l’hôtel de l’église puisque à force de se liguer contre lui, son infirmité et son âge avancé, il va s’avérer incapable d’infliger un avenir d’infirmière désabusé poussant un vieux croulant dans son fauteuil à Edith, même si c’était son choix. Autre histoire qui traînait depuis longtemps et qui a connu un bouleversement en préambule de cette saison, celle de Bates et de son ex-femme. Presque aussi conne qu’imaginative, cette dernière va réussir à le ferme condamner à mort pour son meurtre, s’étant suicidée puis l’ayant maquillé en meurtre, tout en disposant les pièces de telle sorte que tout accuse Bates. Son procès où la pendaison sera prononcée comme verdict est d’ailleurs très drôle dans son genre avec des témoignages censés l’aider, mais qui en réalité, de par la maladresse de ceux à la barre, vont l’enfoncer de manière spectaculaire. Mais plus de peur que de mal puisque sa peine sera commise en perpétuité et Anna se battra toute la saison durant pour faire valoir son innocence et le faire libérer, ce qu’elle parviendra à faire.
Pour cette nouvelle saison, outre le bonheur de Mary et Matthew et la déception d’Edith, l’histoire va beaucoup tourner autour de Sybil et Tom puisque la pauvre va mourir en donnant naissance à sa fille (épisode 5), qui sera baptisée comme elle en sa mémoire. Un crève cœur tant son personnage était attachant, et son histoire avec Tom donnait du piquant à l’histoire, d’autant plus dommage que des trois sœurs, elle était de loin la plus sous-exploitée. En plus de ça, la saison commençait de façon très morose avec une crise des chemins de fer ruinant le domaine, qui y avait investi toute son épargne, et à peine le problème se résolvait que ce drame d’ampleur inédite venait tout détruire. Néanmoins, cela amenait aussi une nouvelle intrigue aussi intéressante qu’éphémère : le duo Tom / Matthew à la tête du comité de gestion du domaine. Parce que oui, à Downton Abbey il n’y a pas pire nouvelle qu’une naissance (on avait déjà eu Esther et la suite n’en démordra pas à l’exception de deux couples en saison 6) : juste après la naissance du fils de Mary, à la fin cette troisième saison, Matthew, figure emblématique et personnage préféré de nombreux fans, va mourir d’un accident de voiture. Faute de goût, mort inutile et dommageable, série foutue en l’air, il faudra attendre la suite des événements pour le savoir, mais malgré une qualité toujours aussi impressionnante, certains choix de la saison passent très mal.
Mais il n’y a pas que dans les étages que l’histoire s’écrit, et les coulisses seront encore très animées dans ses années 1920-1921. En effet, une fois les coupes budgétaires réglées, du personnel sera recruté : William étant mort et Thomas remplaçant Bates auprès du comte, deux nouveau valets de pied vont faire leur apparition, Alfred (Matt Milne), neveu d’O’Brien, et Jimmy (Ed Speleers, héros d’Eragon), mais aussi une nouvelle aide de cuisine, Ivry (Cara Theobold), puis plus tard une femme de chambre, Edna (MyAnna Buring). Tous au cœur d’une romance à sens unique, après l’avoir vu flirter avec la femme de chambre de la mère de Cora, Daisy va tomber amoureuse d’Alfred, qui va va jeter son dévolu sur Ivy, elle-même éprise de Jimmy. Lui n’est attiré par personne, mais en revanche Thomas ne sera pas insensible à son charme, et poussé par une O’Brien aigrie jouant sur tous les fronts pour faire éclater le scandale de sa nature et le faire renvoyer, il va se lancer dans le jeu dangereux de la séduction. Elle aussi amoureuse de la mauvaise personne, Edna va développer des sentiments pour Tom, l’ex chauffeur passé chez les nobles, qui après une année de deuil se demande encore si sa place est vraiment en haut sans la mère de sa fille. À noter l’arrivée en toute fin de deux personnages primordiaux pour les saisons suivantes : Lady Rose MacClare (Lily James), petite cousine de Lord Grantham qui viendra poursuivre son éducation à Downton, et Michael Gregson (Charles Edwards), éditeur d’un journal, qui en plus d’avoir engagé Edith comme chroniqueuse aimerait faire d’elle sa maîtresse, ne pouvant lui offrir plus de par son mariage avec une femme désormais placée en asile et dont il ne peut divorcer. Une nouvelle saison des plus riches, qui arrive à multiplier les histoires sans jamais se répéter, trouvant dans la valse des personnages la diversité nécessaire au renouvellement de l’originalité. Point de Titanic, de guerre ou de peste, et juste avec son ambiance et la force de ses personnages la série perdure brillamment. Mais pour combien de temps encore ? En sacrifiant le meilleur d’entre eux, la série s’est peut-être tirée une balle dans le pied…
Saison 3 :
Perdre une des filles Crawley était dur, aussi secondaire fut-elle, mais pouvait-on se remettre de la perte de Matthew, personnage primordial et adulé ? Si le spectateur n’a pas peur de porter le deuil, il n’en est pas de même pour les protagonistes, qui retrouvent leur quotidien normal au bout de deux épisodes seulement, et dès l’épisode suivant le premier candidat à la succession de Matthew dans le cœur de Mary va se déclarer : Anthony Foyle, alias Lord Gillingham (Tom Cullen). S’en suivront le retour Evelyn Napier à la charge, mais qui ne sera en réalité jamais dans la course, dans l’ombre du troisième candidat et rival de poids pour Gillingham, Charles Blake (Julian Ovenden). Un triangle amoureux qui n’évoluera que peu au cours de la saison, laissé en suspend pour la suivante. Une histoire qui occupe une large place dans ce segment 1922-1923, mais bien évidemment d’autres prennent place en parallèle. De nature volage, Rose n’aura pas de réelle histoire en dehors d’un scandaleux flirt avec un musicien africain, plaisir coupable visant à choquer et faire évoluer les meurs. Edith était partie sur les chapeaux de roue avec Gregson, son amant magnat de la presse, prêt à tout pour obtenir le divorce et lui offrir une vie respectable, mais respectant la tradition du drame de la naissance, la grossesse d’Edith ira de pair avec la disparition de Gregson, présumé mort. Cachant sa grossesse en se terrant en Suisse le temps d’accoucher, elle confiera finalement son enfant à un fermier du domaine de Downton, évitant à la fois le scandale et la séparation. Tom Branson subira lui aussi quelques affres sentimentaux, à nouveau harcelé dans un premier temps par la femme de chambre Edna, ensuite par une institutrice de Downton, Sarah Bunting (Daisy Lewis). Deux séismes venant lui rappeler qu’il ne fait pas parti de ce monde, et on sent qu’il peut craquer à n’importe quel moment. Même Isabelle, après avoir éconduit le docteur Clarkson, va être courtisée par Lord Merton (Douglas Reith), parrain de Mary.
Comme toujours, il n’y a pas qu’en haut que la vie suit son cours, et chez les domestiques les choses seront aussi très mouvementées. Alors qu’on croyait que l’affaire du savon allait éclater après deux saisons de repentance, O’Brien est finalement partie dans l’entre saison, sans crier gare, remplacée dans un premier temps par Edna, puis par Phyllis Baxter (Raquel Cassidy), semble t-il complice de Barrow par obligation, ce dernier ayant de toute évidence de quoi la faire chanter. Intégrant le personnel de Downton après une longue errance, Molesley tentera de la protéger, mais cette histoire restera en suspend, comme presque toutes d’ailleurs. Ivy va semble t-il partir, mais on en sait pas tellement plus ; Alfred, après avoir décroché une place de cuisinier au Ritz, a fait mine de se rapprocher de Daisy, mais on en saura pas plus ; le frère de Cora (Paul Giamatti) vient peut-être d’entamer une relation avec une Lady britannique, mais rien n’est gravé dans le marbre. Autre intrigue et pas des moindres, débutant au troisième épisode, celle du viol d’Anna par le valet de Lord Gillingham. Ne pouvant rien dire sous peine de voir son mari pendu pour meurtre, allant à coup sûr se venger, un climat de tension intense va s’installer, jusqu’à l’un des moments les plus drôle de la série, à égalité avec le procès de Bates où les témoignages involontairement assassins l’ont conduit à l’enfermement, celui où John Bates va comprendre que c’est le valet qui a souillé sa femme, lui lançant un regard évoquant une rage sans commune mesure, qui se traduira évidemment par la mort du valet. On a rarement vu autant de violence dans un seul regard, et on jubile sournoisement à l’idée du massacre qui va suivre.
Ainsi dont la vie continue après la mort, et l’inspiration des scénaristes n’a pas de limites tant cette saison est toujours aussi riche. Les personnages vont et viennent, on s’attache (Rose possède une joie de vivre communicative, et les prétendants de Mary sont charismatiques), on se détache (Jimmy et Ivy sont quasiment absents de la saison, ne sont au cœur de pas grand chose, et leurs départ respectifs – en fin de saison et début de suivante – nous affecte ainsi beaucoup moins) et on s’interroge (après la crainte de cancer en saison 2, Carson et madame Hughes semblent à nouveau se rapprocher à la toute fin). On peut donc se remettre de tout, même de la mort de son personnage préféré. Beaucoup de bonnes choses se dévoilent, restent en suspend, nous mettent l’eau à la bouche, mais il y a tout de même quelques séquelles, un vide palpable, surtout dans les premiers épisodes où la reprise se fait dans la douleur.
Saison 4 :
Après quatre saisons palpitantes, sans vraiment défaillir la cinquième montre des premiers signes de faiblesse. Elle nous avait fait languir à hésiter entre ses deux prétendants, Mary va finalement porter son choix sur Lord Gillingham, Blake n’ayant en réalité jamais semblé être dans la course. Comportement inqualifiable pour l’époque, voulant être sûre de ne pas se tromper, elle va passer une semaine dans la même chambre d’hôtel que lui, sorte de baptême pré-nuptial, pour finalement se raviser. Les performances n’ont visiblement pas été à la hauteur… Sinon, comme prévu vu leurs importances respectives en chute libre, Alfred, Jimmy et Ivy vont quitter le navire, bien que pour la dernière c’était déjà le cas dans le dernier épisode de la précédente saison, devenant cuisinière pour le frère de Lady Grantham. Lui aussi porté sur la cuisine, Alfred va réussir un concours d’entrée pour le Ritz où il y deviendra un chef apprécié, tandis que Jimmy retrouvera son ancienne patronne, toujours entichée de lui. Autres intrigues laissées en suspend : le bébé caché et le meurtre du violeur. Veuve officieuse et mère d’un bâtard, Edith va cacher son pêché dans une ferme de Downton, des paysans ayant accepté de s’en occuper dans le secret. De son côté, la justice va ré-ouvrir le dossier « Green », feu le valet de pied de Gillingham qui avait violé Anna, portant tour à tour ses accusations sur le couple qui aurait très bien pu se venger, mais contre toutes attentes il n’en est rien. On se retrouve donc à nouveau dans des déboires judiciaires pour les Bates alors qu’ils sont innocents.
Côté nouvelles intrigues, la liste est longue comme toujours, mais un brin moins inspirée. Les choses vont devenir sérieuses entre Isabelle Crawley et Lord Merton, mais ses fils n’acceptant pas leur future belle-mère, leur idylle sera étouffée dans l’œuf. En parlant d’idylle d’un autre âge, la comtesse douairière va retrouver son vieux prétendant russe, mais il n’en ressortira finalement rien. C’est dans les coulisses de sa maison que les choses vont bien plus bouger avec l’arrivée de Spratt (Jeremy Swift), le majordome aperçu une poignée de seconde la saison précédente, et Denker (Sue Johnston), la nouvelle femme de chambre de madame. Duo à la cohabitation très amusante, ils vont sans cesse se confronter, se lancer des piques et tenter d’évincer l’autre. Mais certains duos marcheront mieux, à l’image du flirt entre Branson et Sarah Bunting, l’institutrice du village, mais qui n’a fait que le rabaisser à son statut de chauffeur en le poussant contre sa nouvelle famille. Petite fofolle de la famille dont l’optimisme ne semble pas avoir de limites, Rose trouvera son grand amour au sein de la saison : Atticus Aldridge (Matt Barber), prouvant son grand cœur en passant outre ses origines juives. Eux s’étaient trouvé depuis longtemps sans jamais oser se l’avouer, le majordome Carson et madame Hughes vont enfin franchir le pas à la toute fin avec une demande en mariage en prime. C’est beau l’amour.
Une saison riche et belle de plus, mais pour la première fois certains passages semblent longs, d’autres répétitifs. Les nouvelles tourmentes du couple Anna / John sont un éternel recommencement, et les problèmes maternels d’Edith soûlent rapidement. Le fermier étant dans la confidence mais pas sa femme, cette dernière verra d’un mauvais œil le trop grand attachement d’Edith à cet enfant qui lui est « étranger », une situation vite agaçante tant elle pourrait être réglée d’un claquement de doigt. L’indécision de Mary pèsera aussi, rendant le triangle amoureux de la saison passée vide de sens. Enfin, ayons une pensée émue pour Isis, disparue durant l’automne 1924 après 12 ans d’amour inconditionnel.
Pour la toute dernière saison, pas vraiment de nouvelle intrigues, juste la clôture de celles entamées. Trois romances primordiales avaient prit place lors du dernier épisode de la cinquième saison, et elles seront au cœur des dernières intrigues. Tout d’abord les fiançailles de Carson et madame Hughes, qui mettront trois épisodes à se concrétiser, la faute à un manque de communication autour des véritables implications du mariage. En parallèle de ça, Mary se fera courtiser par un pilote de course, Henry Talbot (Matthew Goode), un aspirant parfait mais qu’elle rejettera sans cesse par couardise et vanité, avant de finalement craquer et se marier. De son côté, et contre toutes attentes ou bon sens, Edith sera elle même convoitée par Herbert Pelham (Harry Hadden-Paton), le gestionnaire du domaine où les Crawley avaient passé leur dernier été. Une histoire d’amour ponctuée de moult rebondissements, de par l’existence de Marigold et sa vraie nature ou la mort du Marquis d’Hexham dont l’héritier sera Herbert, faisant de lui un riche et influant marquis. Révélations, cachotteries, sabotage de Mary : rien ne viendra heureusement s’interposer définitivement, et l’happy ending est le leitmotiv de la saison. Pour preuve, la règle absolu de « une naissance = un des deux parents mort » sera évitée pour Rose, baignant encore dans son bonheur un an plus tard, et Anna et Bates semblent aussi y avoir échappé.
Dans le même ordre d’idée, le père de feu William semble en bonne voie pour finir avec madame Patmore, Dasy avec Andy (Michael Fox), tout en s’ouvrant tout deux une nouvelle voie professionnelle, Molesley se dessine de son côté une carrière de professeur, tandis que madame Baxter pourrait devenir sa compagne. Point de relation heureuse pour Thomas Barrow par contre, cela aurait été étonnant vu le contexte de l’époque, mais les choses vont tout de même beaucoup s’améliorer pour lui, puisqu’après avoir sombré dans le désespoir et s’être vu obligé de quitter Downton, l’âge rattrapant Carson, il finira co-majordome avec lui. Anna et Bates vont quant à eux enfin avoir l’enfant qu’ils attendaient, et leurs ennuis judiciaires vont définitivement être entérinés. Même Tom, l’ancien chauffeur et veuf de Sybil, va avoir le droit au bonheur, puisqu’en plus de s’être fait un précieux ami en la personne de Henry Talbot, il est sous-entendu qu’une romance est naît entre lui et la directrice de publication du journal d’Edith. Plus encore, car il n’y a pas d’âge pour aimer, Isabelle va enfin céder et épouser Lord Merton, ou tout du moins il en est question. Bref, malgré quelques drames évités de justesse, tout fini pour le mieux dans le meilleur des mondes. Le travail est donc fait, on peut se satisfaire de cette fin, mais il n’empêche qu’en terme de prise de risque ou d’inventivité, cette saison est probablement la moins intéressante.