Mass Effect Andromeda
2017
PC / PS4 / Xbox One
Tous les regards étaient tournés vers Bioware qui avait révolutionné le monde de la science-fiction avec une trilogie vidéo-ludique acclamée de par son excellence à toutes épreuves sur tous les points : beau à se damner, incroyablement fun, dynamique, doté d’une bande-son magistrale et surtout doté d’un univers à la richesse sans commune mesure, mettant en avant des protagonistes emblématiques dans une histoire brillante à l’envergure inégalable. Le chef d’oeuvre ultime prouvant que le jeux-vidéo peut s’avérer être la forme d’art suprême. Tout le monde aurait voulu garder jalousement ses personnages préférés avec lui en prolongeant l’aventure avec un quatrième opus, mais la diversité des fins de Mass Effect 3 rendrait impossible un quelconque prolongement tant l’univers peut connaître des fins radicalement opposées et il faudrait alors pouvoir rassembler au moins quatre jeux en un qui ne pourraient pas avoir grand chose en commun. Une problématique de taille qui ne pouvait avoir que trois solutions : raconter une histoire se passant avant, pendant (avec la possibilité de prendre en compte les expériences de chacun, ce qui serait énorme) ou après à l’unique condition d’imposer une fin, et tout le monde sera d’accord sur exploser le pilonne de droite. Finalement le studio va choisir une autre voix plus facile et qui leur accorde bien plus de liberté : raconter une histoire se déroulant 600 ans plus tard sans que l’on sache ce qu’il s’est passé (oh comme c’est pratique !). Bénéficiant de quatre ans de développement, le titre a en revanche connu bien des problèmes lors de sa conception avec une refonte quasi complète moins de deux ans avant la sortie, laissant paraître quelques craintes, qui seront malheureusement justifiées.
Graphismes : 14/20
Si le premier épisode n’était pas exempt de défauts, les opus 2 et 3 ont été des claques magistrales entre la direction artistique mettant à la rue toutes les références SF possibles, la modélisation au sommet de la technologie et une mise en scène bien plus spectaculaire que n’importe quel blockbuster vu au cinéma. Cinq ans plus tard, la direction artistique est toujours incroyable et les deux nouvelles espèces (les Angaras et les Kerts) sont classes, mais c’est à peu près tout. Alors que le jeu est deux fois plus gourmand en ressources (optimisation à la ramasse), en terme de modélisation pure le jeu est presque une régression, notamment en ce qui concerne les modélisations faciales, largement décriées à juste titre. Rien de fou en ce qui concerne les vaisseaux, pas de phases en apesanteur ; les planètes sont basiques et la biodiversité ne se renouvelle pas spécialement ; et pour ce qui est des reliquats et tout ce qui entoure les créateurs on tombe dans la facilité tant on a l’impression de déjà avoir vu ce genre de technologie visuellement parlant. Même la mise en scène reste bien sage. Vu les bases exceptionnelles dont le titre disposait, c’est une large déception.
Jouabilité : 13/20
Modèle du genre, la saga prend du plomb dans l’aile dans l’un de ses aspects les plus probants. Si déjà le jeu se montre bien plus basique en enlevant tout système d’arme au véhicule et en ne recelant aucune phase d’action originale (comme des combats avec des armes ou véhicules spéciaux ou des passages dans l’espace), le reste perd en dynamisme, efficacité et n’est plus aussi intuitif. Le jet pack est une fausse bonne idée dans la mesure où la verticalité n’est pas au point. On peine parfois à voir le chemin, les sauts sont imprécis et surtout cela remplace quelque chose qui marchait très bien avant : les esquives, bonds et autres actions contextuelles. Pire, certaines actions sont déplacées pour les joueurs PC, et au lieu d’avoir la touche magique E qui faisait à peu près tout, il faut maintenant jongler avec bien plus de touches sans pour autant que cela ne soit utile. Mais là où le jeu devient d’une lourdeur infâme c’est que certaines actions autrefois instantanées nécessitent ici de rester quelques secondes à appuyer sur une touche. Toute ouverture de porte, coffre ou pour parler à quelqu’un, activer quelque chose, bref tout ce qui nécessite l’utilisation de l’ancienne touche magique E prend désormais deux secondes de plus. Même à la toute fin du jeu, on arrive jamais à se faire à un changement si nocif. Place maintenant à un des plus gros problèmes : l’extrême lenteur et répétitivité.
Durée de vie : 08/20
Probablement le point qui m’a le plus énervé du jeu. Alors que les trois opus de la trilogie étaient des modèles du genre, composés quasi exclusivement de missions principales et où même les missions secondaires avaient leur importance, le tout se bouclant en une vingtaine d’heures pour chaque volet, ici le bilan est catastrophique. Le jeu est d’une redondance sans appel : découvrir une planète, résoudre un problème local, activer le caveau et installer sa colonie, le tout ponctué par d’innombrables quêtes FEDEX qui auront tôt fait de vous saouler tant leur impact sur le jeu est inexistant en dehors du fait de vous donner bonne conscience. On pourrait croire que l’établissement de colonie et la survie de tous donnerait lieu à un peu de gestion et de stratégie, mais il n’en est rien car vous pouvez faire n’importe quoi dans n’importe quel ordre, tant que vous faites les missions principales la finalité est la même. Et quand il y a autant de planètes et que vous avez l’impression de faire la même chose en boucle, sur une session de 60 heures l’ennui se fait sentir. Et encore, alors que je croyais avoir quasi tout fait j’ai fini le jeu à 78%, donc il y avait probablement encore plus de dix heures de quêtes insipides qui ont échappé à ma vigilance. Un jeu aussi long (peut-être 40 heures en traçant ?) avec si peu de moments importants, c’est tout simplement un ratage indigne de son rang.
Bande son : 16/20
Le design sonore (raccord entre le bruit et l’objet ou l’action dont il découle) est encore de très haut standing et le casting vocal reste invariablement excellent avec un voice acting remarquable, bien que le manque de charisme de certains porte préjudice à l’ensemble. À noter au passage la traîtrise de la VF où la douce voix de Liara n’est plus la même, une honte ! Là où le jeu est clairement en retrait par rapport à ses illustres prédécesseurs c’est en terme de musiques. Inoubliables, puissantes et enivrantes autrefois, elles se contentent ici de faire leur office, sans tambours ni trombones.
Scénario : 12/20 (potentiellement 20)
Ou comment la fainéantise et l’appât du gain ont massacré une idée en or. L’idée de départ est brillante : alors qu’elle était la Courtière de l’ombre, Liara T’Soni (et pas Thé Soni bordel !) a mit au point une initiative rassemblant toutes les espèces de l’espace conciliant pour une mission de colonisation spéciale. La civilisation s’est bâtie autour de la technologie des relais cosmodésiques et s’en est servi pour coloniser des planètes à proximité comme le voulaient les moissonneurs, orientant depuis toujours l’évolution de la vie. Ne sachant alors si l’issue de la guerre imminente contre les moissonneurs leur sera profitable, Liara a donc lancé un projet de sauvetage de toutes les espèces possibles en lançant une colonisation qui pourrait potentiellement passer entre les mailles des moissonneurs et avec qui ils ne pourraient jamais reprendre contact puisqu’un lot de planètes viables a été identifié à quelques 600 ans de voyage spatial. Seulement 600 ans plus tard, arrivé à destination le cauchemar commence : le fléau, un étrange amas d’énergie, s’est répandu durant le voyage dans toute la galaxie Andromède, endommageant les vaisseaux à leur arrivée, et les planètes paradisiaques sont mystérieusement devenues inhabitables. Pire, une race appelée les Kerts tentent d’assouvir toutes les espèces de la galaxie, menaçant d’autant plus l’initiative fragilisée par les dégâts du fléau et la séparation des arches. Vous y incarnez Ryder, le (ou la en fonction de qui vous choisissez entre le frère ou la sœur) pionnier humain qui sera donc chargé avec son intelligence artificielle SAM de réactiver une ancienne technologie de terraformation pour réhabiliter les planètes, mais aussi apprendre à trouver leur place dans le système Héléus où la menace des Kerts est palpable. Entre le goût de l’aventure, la découverte de nouveaux horizons, de nouvelles espèces tout en découvrant ce qui pourrait être la toute première intelligence évoluée de l’histoire de l’univers, celle qui aura par la suite créé les moissonneurs, le frisson est là. Mais au final, les éléments de l’histoires sont bien trop éparpillés sur une durée déraisonnable et le jeu, se voulant à la base comme une trilogie, ne fait qu’ouvrir des pistes de réflexion par pure spéculation, sans réel enjeu derrière.
Note Globale : 13/20
Mon dieu quelle déception… Prolongement de l’univers Mass Effect, le jeu avait assurément un potentiel monstrueux. Nous proposer grosso modo de devenir le héros et le meneur d’une expédition à la Interstellar en mode XXL était extrêmement gageure, et les pistes sur les anciens qui ont légué la technologie reliquat donnent le vertige. En fait le scénario est encore une fois prodigieux, mais c’est son application qui pose problème. Le jeu est extrêmement répétitif et s’étend sur une durée abusive, donnant l’impression perpétuelle que l’histoire n’avance pas et s’éparpille dans une multitude de sous-intrigues particulièrement ennuyeuses. Et si encore le jeu était toujours aussi jouissif que ces prédécesseurs, soit, mais non seulement la plupart des missions sont molles, mais l’intégralité des changements opérés sont en plus néfastes ! Le système de jeu devient plus lourd, moins intuitif et moins dynamique. Même au niveau visuel le résultat déçoit entre une absence d’évolution technique, une inspiration inexistante pour les décors et des animations faciales atroces par moments. Avec les bases de la meilleure saga au monde et un scénario prodigieux, par son manque de finitions et l’envie de trop en garder pour des suites qui ne verront en plus probablement même pas le jour (un jeu de la franchise est en cours de développement, mais ça ne serait apparemment pas une suite de celui-ci), la saga s’est vautré dans la facilité et l’a payé cher. Espérons que la licence renaîtra bientôt de ses cendres car partir sur une telle fausse note serait un immense gâchis.