Cellule 211
2010
Daniel Monzón
On ne le répétera jamais assez, mais le cinéma espagnol est l’un des meilleurs au monde et il le prouve régulièrement avec des films singuliers et acclamés, comme celui-ci qui remporta pas moins de six Goya (raflant tous les prix majeurs), l’équivalent local des Oscars. Adaptation d’un best-seller de chez eux, le film a lui aussi connu un grand succès autre que dans les festivals : il fut le numéro un au box-office en Espagne avec un peu plus de deux millions d’entrées (premier en dehors des productions étrangères et en comptabilisant Agora comme production non-exclusivement espagnole, sinon il ne ferait même pas parti du top 10 annuel).
L’idée du film est tout simplement excellente, mais sa mise en application se révélera encore plus saisissante. Juan Oliver, futur père et fraîchement reçu au concours de gardien de prison, se rendait ce jour là à son nouveau travail, visitant la prison qu’il surveillera. Mais à cause de l’insalubrité des lieux, une plaque de plâtre s’écrasa sur sa tête, le blessant légèrement. Loin de l’infirmerie, ses collègues vont préférer l’allonger dans la cellule 211, actuellement inoccupée. Malheureusement, à ce même moment, une émeute va éclater et les prisonniers vont se retrouver libérés, prenant possession des lieux. Impossible à contrôler, ils seront néanmoins cantonné à un secteur fermé de la prison, mais Juan sera oublié dans la cohue. Un gardien seul, piégé parmi des centaines de criminels dangereux qui le tueraient dans la seconde s’ils savaient qui il était. Bien inspiré, il se fera passer pour un prisonnier, retournant la situation à son avantage.
Une fois oublié la première scène un peu inquiétante, une fois arrivé à la rébellion, on sent la puissance du métier. On ne s’improvise pas prisonnier : c’est un travail réfléchit et qui montre le fossé qui nous sépare dès le début. Avoir l’idée de se faire passer pour un prisonnier, c’est naturel, mais penser à enlever sa ceinture, ses lacets (en plus des papiers d’identité évidemment), il fallait y penser par rapport aux droits de port des incarcérés. D’un calme surnaturel et d’une aisance remarquable, le héros du film s’impose brillamment, et on se délecte de sa plongée dans ce milieu. Il jongle alors entre mystification de l’assemblée et techniques furtives pour tenter de rejoindre les unités d’élites qui lui dérouleraient le tapis rouge pour sortir. Un thriller extrêmement nerveux et intense entre l’angoisse de la proximité de meurtriers rageurs et la tension au sein des forces de l’ordre, démunis face à la situation. On retient notre souffle jusqu’au bout, mais on peste un peu de l’incompétence alarmante des responsables politiques et militaires, de même qu’une certaine cruchasse irresponsable, mais on en revient encore aux responsables du pénitencier. On est même un peu déçu par la fin, trop facile et trop sombre. Une très bonne pioche malgré tout qui mérite globalement la plupart de ses prix (même si « meilleur film » semble un peu exagéré).