Ben-Hur
1959
William Wyler
Monument du cinéma qu’on ne présente plus, le film est classé 14° film ayant fait le plus d’entrées de l’histoire avec 13,8 millions d’entrées en France et l’équivalent après inflation de 847,7 M$ sur le seul territoire américain. Production pharaonique qui coûta encore plus cher qu’un autre Péplum aux multiples points communs, Les Dix Commandements (bien que selon l’inflation les deux millions de plus représentent 40 M$ de moins), le film possède le record absolu (ex-æquo avec Titanic et Le Retour du roi) du plus grand nombre de prix gagnés aux Oscars avec un total de onze récompenses, incluant meilleur film, réalisateur, acteur et la plupart de ceux techniques. Pourtant, très peu des nouvelles générations l’ont réellement vu et mis à part la fameuse course de chars, pas grand monde ne sait encore de quoi parle le film. Il s’agit d’un manquement culturel assez grossier, alors tâchons de le combler.
L’histoire démarre vers l’an 20 après Jésus Christ alors qu’un Tribu de l’Empire Romain, Messala (Stephen Boyd), est de retour en Judée, terre qui l’a vu grandir. Voulant étouffer le nouveau mouvement protestataire du peuple juif rejetant leurs dieux, il va quérir l’aide de son vieil ami d’enfance, Judah Ben-Hur (Charlton Heston), souhaitant que ce dernier dénonce ses frères rebelles. Peu enclin à pareille délation, Ben-Hur va alors le repousser et s’attirer les foudres de Rome, se jetant sur la première occasion pour emprisonner sa famille et l’envoyer aux galères (navires où les esclaves sont enchaînés aux rames). Tenant debout grâce à sa haine, Judah va tout faire pour revenir se venger.
Si vous relisez la bible, vous ne trouverez nulle trace de Judah Ben-Hur, à ne pas confondre avec le traître Judas Iscariote ou le révolutionnaire Judas le Galiléen. Et pour cause, si notre héros croise bien la route du prophète et que le film met en avant la naissance et la mort de Jésus, l’histoire est le fruit de l’imagination de Lew Wallace, général américain qui a écrit le roman, dont est adapté le film, en 1880. Le film a donc une connotation biblique, mais ça n’est pas à proprement parler un récit biblique. En revanche, on retrouve une histoire très similaire aux Dix Commandements où deux frères non unis par le sang vont s’opposer, l’un pour asseoir la suprématie d’un empire, l’autre pour libérer son peuple juif. Néanmoins, dans un cas Charlton Heston devient gourou pour rétablir l’ordre des choses, tandis qu’il devient ici conducteur de char, même si pour les deux films la solution est pacifique, c’est le jugement divin qui viendra ou non abattre son courroux.
La similarité ne s’arrête pas là puisque les deux films sont aussi d’impressionnants Péplums aux budgets colossaux, n’hésitant pas à bâtir d’immenses décors pour un seul plan, ne lésinant pas non plus sur les costumes et les figurants puisque certaines scènes impliquent la présence de plusieurs dizaines de milliers de personnes en tenue d’époque. Une débauche de moyens au service d’une mise en scène très efficace, trouvant un angle de représentation pour Jésus intéressant (bien qu’au moment de partir avec sa croix l’incrustation d’obscurcissement soit risible) et faisant régulièrement des transitions travaillées entre les scènes, comme par exemple en passant d’un intérieur à un autre où les deux plans conservent un pilier dans le même axe, créant un bel effet de symétrie. On saluera aussi le dressage des chevaux qui offrent en préambule de la course un tour de piste à la synchronisation parfaite, évitant même toute forme de faux-raccord en arrivant à le filmer en quasi plan-séquence, excusant ainsi les quelques erreurs de la course au nombre de chevaux et de concurrents variable. Tourné en 65 mm, le film était à son époque au sommet de la technologie, permettant aujourd’hui un affichage en haute définition sans avoir à pâlir en terme de résolution, faisant du film une grande épopée visuellement intemporelle, ou presque. Si les décors ont été fait en dur et que l’absence d’effets spéciaux a évité au film un vieillissement prématuré, plusieurs techniques utilisées font que certains passages sonnent faux. Les lumières nocturnes étant très difficiles à capter à la pellicule, le film utilise le procédé de la « nuit américaine », à savoir tourner en plein jour en rajoutant un filtre bleu par dessus, ce qui est assez flagrant. De même, les séquences en pleine mer ayant été réalisées en studio, l’eau semble parfois étrange, mais le pire reste la gestion des fonds. Point de ciel ou d’horizon au loin, presque chaque arrière plan que l’on voit dans le film est une peinture faite à la main, faussant la perspective et gâchant le superbe des décors. Alors quand les trois se cumulent…
Encore aujourd’hui techniquement très impressionnant, le film est-il pour autant réussi ? Qu’on soit ou non croyant, le message du film reste assez louable malgré la délicatesse de pachyderme avec lequel il est délivré, mais l’histoire est assez classique. Deux amis d’enfances qui deviennent les pires ennemis, une trahison et une rancune tenace, ça fait un peu léger pour un film de plus de 3h30, d’autant que les rebondissements sont assez téléphonés. On pense notamment à l’amitié entre Judah et le chef romain ou la rencontre avec l’éleveur de chevaux, et les dialogues n’aident pas non plus. Là aussi on tombe dans une avalanche de clichés entre les retrouvailles des deux amis qui virent quasi homos et les grandes déclarations comme « soit tu es avec moi, soit tu es contre moi ». Un mélange de banalités et de discours solennels qui n’aide pas au jeu des acteurs, souvent à la limite de la sur-interprétation. On peut alors avoir un peu de mal à rentrer dedans, mais il ne faut pas pour autant s’arrêter face à ces quelques austérités. À l’heure où on parle de réalisme, voir un film où tout a été fait à la main force le respect, surtout quand on regarde la course de chars dont la violence n’avait rien de factice (des cascadeurs ont failli y perdre la vie et des chevaux y sont mort). Le charisme des personnages est indéniable, les enjeux semblent dépasser de loin la simple condition humaine et la reconstitution historique du film surclasse toutes les productions actuelles en terme d’ambition.
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