The Witcher


The Witcher
2019-2023
Lauren Schmidt Hissrich

Grande saga littéraire polonaise de Andrzej Sapkowski, l’histoire du Sorceleur a surtout explosé auprès du grand public à travers les jeux-vidéo, et tout particulièrement le troisième opus, The Witcher 3 : Wild Hunt, puisque sur les 75 millions de jeux vendus, 50 proviennent uniquement du troisième volet (ce qui le place huitième du top 10 des jeux les plus vendus de l’histoire). Un jeu que je n’ai malheureusement jamais fini, ayant voulu avancer trop vite dans l’histoire en négligeant potions et équipement, au point de me retrouver bloqué devant un boss infaisable, même en mode facile (oui, mes compétences en la matière sont globalement risibles). Mais un jour qui sait.

C’est donc tout naturellement qu’un projet d’adaptation fut étudié, et c’est Netflix qui a acheté les droits pour une série, qui a assurément frappé fort, la première saison était tout simplement le programme le plus vu de la plateforme juste derrière Stranger Things en 2019. Et malgré un budget modeste de tout juste 92 M$, le résultat est incroyable : des décors réels, le moins d’effets spéciaux possible, et beaucoup d’animatroniques avec des design aussi inspirés qu’un Labyrinthe de Pan, c’est dire !

On y suit en parallèle trois histoires, de la plus ancienne à la plus récente chronologiquement : celle de Yennefer (Anya Chalotra), une handicapée traitée par ses parents comme du bétail et qui sera vendue à Tissaia (MyAnna Buring), une formatrice en magie voyant en elle le potentiel des plus puissantes sorcières ; on suivra également le fameux Witcher / Sorceleur, Geralt de Riv (Henry Cavill), sorte de guerrier ultime formé à la fois aux arts magiques et au maniement des armes, ayant juré neutralité dans les différents conflits politique, dont la fonction et de venir en aide à qui en a les moyens pour différents problèmes, souvent des monstres à terrasser ; et enfin Ciri (Freya Allan), princesse d’un royaume qui subira l’attaque d’un autre royaume, et qui devra lutter pour sa survie.

La première saison est une masterclasse du genre, posant les bases d’un univers d’héroïque fantaisie d’une richesse folle, avec une identité tranchée et que j’ai trouvé personnellement juste incroyable. Dès l’introduction on voit une réalisation sous transe avec des combats à l’épée à la chorégraphie épique et d’une violence inouï, et un point frappera d’emblée et restera indiscutable tout du long : Henry Cavill est absolument parfait. Il ne colle pas vraiment au personnage du jeu, mais ce qu’il propose est plus viscéral et intéressant, montrant réellement une autre forme de monstruosité, s’éveillant à cette chose contre nature qu’on appelle « sentiments ». C’est prodigieux. Chaque pendant des intrigues est passionnant, que ce soit les missions du Witcher, l’entraînement de Yennefer ou l’effondrement de la vie de Ciri, avec une triple narration d’une rare intelligence qu’on ne comprendra qu’aux deux tiers du récit. Brillant. On notera aussi l’impayable Jaskier (Joey Batey), aussi amusant qu’attachant, et marquant les esprits avec le fameux « Toss a coin to your Witcher ». Style personnifié et réussi, musique incroyable, acteurs parfaits, narration exigeante et brillante, combats épiques et montée en puissance grisante avec un final en apothéose : une première saison à faire saliver d’un niveau de perfection ahurissant.

Saison 1 :


Immense carton que la première saison, donnant confiance à Netflix pour la suite, et donc pratiquement doubler le budget alloué, le passant à 176 M$ pour la seconde salve. En résulte une suite plus grande, plus riche, plus épique, plus généreuse. On continue cette fois encore les conflits politiques et autres jeux de pouvoir en toile de fond, avec comme objectifs principaux pour les personnages clés de retrouver son chaos pour Yennefer, très affaiblie suite à la bataille finale de la première saison, et de former Ciri à devenir une Witcher pour Geralt. Une seconde saison qui décuple le grandiose, donnant plus de place aux créatures et à la magie, augmentant les différents enjeux en teasant déjà l’ultime menace de cet univers : la horde sauvage (the wild hunt). Dès le premier épisode on rentre à fond dedans, avec un quasi huis clos dans un immense manoir abandonné, montrant ce qui est le cœur même de cet univers : une simple balade à priori anodine, quelqu’un qui nous raconte son histoire, et ça finie en légende locale avec une malédiction et une créature à l’imaginaire fou, ou quand le quotidien peut basculer dans une forme de monstruosité ultra violente. C’est encore une fois d’une grande maîtrise, grisant à suivre, mais malheureusement les gens sont cons : beaucoup se sont plaints de la première saison avec sa triple narration à trois timeline différentes évoluant à trois vitesses sensiblement différentes. Bou réfléchir c’est pas agréable… Résultat, la narration est ici plate et rectiligne, enlevant cette originalité folle qui rendant jubilatoire la pleine compréhension des événements. Donc même si pour tout le reste la seconde saison fait à peu près tout mieux, la claque est moins marquante, mais on reste sur un niveau remarquable.

Saison 2 :

Avant de parler à proprement parler de la saison 3, parlons de ce désastre de communication m’ayant fait attendre presque un an avant d’enfin me décider à continuer cette série pourtant portée aux nus. Véritable centre névralgique de la série, Henry Cavill est pour beaucoup dans le succès de cette dernière, car outre le fait d’incarner le personnage principal, il a surtout offert une prestation singulière qui a mis tout le monde d’accord, même ceux qui n’ont pas aimé la série dans son ensemble. Or en octobre 2022, soit dix mois avant la diffusion de la première partie de la troisième saison (on y reviendra d’ailleurs) et seulement quelques jours après la fin du tournage, Henry Cavill a annoncé abandonner son rôle iconique, expliquant ne plus supporter les divergences entre la série et les livres / jeux (que beaucoup ont décrié d’ailleurs). Comme presque en même temps il annonçait aussi reprendre son rôle de Superman (mais ça ne se fera à priori jamais), on pensait à une incompatibilité d’emploi du temps, mais comme son remplacement semble aujourd’hui définitif (le tournage de la saison 4 n’a toujours pas débuté, mais les espoirs sont inexistants), il semble que la divergence créative soit réelle. Toujours est-il que quand l’argument principal et atout majeur d’une série se barre, l’attrait d’une série écrite dès les prémices pour durer six saisons n’est plus le même. Alors à quoi bon continuer ? Beaucoup se sont dit pareil d’ailleurs, on parle d’une chute de plus de 30% des audiences quand la saison 2 avait boosté drastiquement celles déjà colossales de la première saison, et égalant sur le long terme, tandis que le lancement en demi-teinte de la troisième s’est effondré avec moins de la moitié des audiences au final.

Il faut dire aussi que la troisième saison s’embourbe dans un conflit politique pas vraiment passionnant et qui n’avance pas, comme tout le reste. Découpée en deux, la première partie comprend cinq épisodes, continuant l’entrainement de Ciri, plus axé sur la magie cette fois, avec d’un côté le Nord subissant les manigances de la Confrérie, scindée entre ceux cherchant le pouvoir, ceux qui valent s’unir, et ceux qui voient la menace de Nilfgaard comme inéluctable, préférant basculer directement chez l’ennemi. Rien n’avance, surtout pas l’histoire des elfes, et le cinquième épisode est un calvaire. On y suit une fête assez banale sans grands enjeux, mais la série en fait des caisses et se croit maligne en revenant constamment sur chaque bout de chaque conversation, d’abord montrée tronquée, avant de peu à peu tout révéler. C’est laborieux, souvent insipide, et il est épuisant de se taper quatre / cinq fois les mêmes dialogues pour enfin avoir un début de piste sur les conflits à venir, sauf que tout est archi prévisible voir déjà révélé dans les précédents épisodes, et même amorcé dans la précédente saison.

Savoir que le changement d’acteur me fera probablement arrêter en fin de saison impacte quelque peu l’appréciation d’une histoire qui restera inachevée, mais même en prenant ça en compte, le démarrage est archi poussif, et les deux derniers épisodes sont pires encore. Marquer une pause en fin d’épisode 6 aurait eu plus de sens, l’histoire prenant un plus grand tournant à ce moment là, bien qu’on puisse déplorer des morts expéditives pour de nombreux personnages clés qui auraient mérité une fin plus épique. La césure ressemble d’ailleurs à une tentative commerciale surfant sur le succès de la quatrième saison de Stranger Things, sans comprendre que ce n’est pas la césure qui a marché (au contraire, j’ai pour ma part attendu la seconde partie avant de commencer la première), mais le fait que la série est géniale et que sa saison 4 était un renouveau salvateur. Au final aucun arc narratif ne trouve de conclusion, tout est en suspend, avec comme seul pseudo enjeu de retrouver Ciri, alors même que tout le monde est constamment séparé et que des retrouvailles ont littéralement lieu tous les deux épisodes. On a toujours le Nord, pas unifié, la menace Nilfgaard, qui n’a pas bougé, et le teasing encore plus léger sur la horde sauvage qui a presque tendance à s’éloigner. Tout ce qui reste, hormis les personnages, est la qualité de la musique, et surtout les combats, toujours aussi sanglants avec un sens de la mise en scène spectaculaire où les superbes chorégraphies sont parfaitement accompagnées par une caméra qui danse sur le rythme des coups. Le savoir faire est là, sauf dans le cinquième épisode, mais l’histoire patine, tout semble s’embourber, se perdre. La chute est rude, et l’espoir n’est pas de mise vu la tronche du remplaçant, bien plus jeune d’ailleurs, alors l’inverse aurait pu se justifier en cas d’ellipse temporelle, mais le reste du casting ne changeant pas, la transition ne peut qu’être catastrophique. Je jetterais probablement un coup d’œil fin 2025 ou 2026 sur la prochaine saison, déjà résigné à ranger la série aux côtés de Elite dans le genre des bijoux d’efficacité qui s’est totalement perdu en cours de route…

Saison 3 :

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