Nous, les Leroy
2024
Florent Bernard
De YouTube au grand écran, où comment après plus d’une décennie de dédain, le grand art du cinéma a ouvert ses portes à un « petit rigolo d’internet » comme le diraient certains. Outre l’espoir de voir souffler un vent de fraîcheur, l’attrait d’un casting d’exception et l’envie de rabattre le clapet des médisants, les raisons étaient nombreuses pour s’attendre à une belle surprise, et effectivement, le public a répondu présent avec un score très honorable au dessus du demi-million d’entrées.
Comment réagir quand la lassitude de la vie a raison d’un couple qui durait depuis vingt ans ? Conscient que gérer la scolarité des enfants et leurs boulots respectifs a quelque peu saccagé leur vie de couple, Christophe (José Garcia) pensait juste que la famille vivait une petite période difficile, mais rien de dramatique. Quand sa femme (Charlotte Gainsbourg) va lui faire part de son envie de divorce, son monde va s’effondrer et il va décider de partir à la reconquête de son amour, le temps d’un weekend sur les traces des endroits les plus marquants de leur vie.
Le principe du film était beau : se battre contre le fatalisme, la morosité, avec ce qui s’annonçait comme un bouleversant road trip plein de tendresse et de poésie. Hélas, ce postulat sera bien vite balayé au profit de mots qui font mal, de disputes, et surtout de comment en réalité le couple n’est pas le centre de tout et qu’au milieu les enfants ont été beaucoup oubliés. Quand le film se veut drôle, c’est très efficace, avec pléthore de caméos malins de stars d’internet qui nous régalent de passages truculents. Quand le film se veut plus solennel, plus dans l’émotion, la force des acteurs éclate, notamment José Garcia qui n’a de cesse que de prouver l’immensité de son talent. Les personnages sont bien écrits, touchants, et bien que les enfants soient un peu moins intéressants, ils apportent une belle réflexion sur comment de génération en génération on ne sait décidément plus exprimer ses sentiments, comment tout est de plus en plus refoulé. Et pourtant, on en sent les limites. Déjà le concept de base n’est pas tenu, et on le regrette tant ça aurait pu nous emmener tellement plus loin dans l’émotion, dans la beauté de l’amour, qui reste ici un souvenir doux-amer d’un passé révolu. Une forme de nihilisme terrible nous frappe, un pur gâchis de morosité quand le bout du tunnel, jamais franchi, s’annonçait lumineux et réconfortant, chose précieuse de nos jours. Un sacré savoir-faire, mais qui n’a pas osé affirmer son espérance.