Marchands de Douleur
2023
David Yates
Après I Care a lot, Netflix reste dans de l’exploitation financière de la vulnérabilité d’autrui, troquant la vieillesse contre la douleur cancéreuse. Le p’tit truc en plus ? C’est tiré d’une histoire vraie, et découvrir les perfides complots pharmaceutiques oubliés ou peu médiatisés, c’est toujours intéressant pour comprendre toute l’étendue de la cupidité et perfidie humaine.
On en a pas à ce point conscience, mais le marché pharmaceutique est absolument colossal : une simple prescription d’un médecin pour un traitement anti-douleur dans le cas d’un cancer rapporte à l’entreprise la modique somme de 40.000 $ par mois de bénéfices. Même pas besoin de cent clients pour brasser plus d’un million de bénéfices par mois donc, une somme absolument dantesque quand on sait que le marché aux Etats-Unis représente plus de deux cent mille nouveaux patients tous les ans, soit un marché de près de cent milliards de dollars par an rien que sur le seul sol américain. Atout charme doté d’un sens aiguë du business, Liza Drake (Emily Blunt) va être engagée par un groupe pharmaceutique sur le déclin (incluant Chris Evans et Andy Garcia) pour pénétrer ce marché des plus juteux.
Le rêve américain dans toute sa splendeur : empire et décadence. On part de zéro, on arrive au sommet, en abusant de tout ce qui est possible en chemin, où l’argent et le pouvoir corrompent tout sur leur passage. Le film aurait aussi pu s’appeler en VO « Your Pain is our Gain » tant on parle littéralement de vautours qui se jettent sur de pauvres gens au plus mal, en l’occurrence des cancéreux, pour en faire leur beurre, même s’il est vrai que le marché existait déjà avant. La subtilité viendra du « toujours plus », ne pouvant jamais se satisfaire même des sommes les plus indécentes quand on peut toujours aller plus loin. Le slogan « pain is pain » est une consécration de folie cupide, allant au delà des recommandations légales (on parle du médicament très fort uniquement en cas de douleurs colossales à l’article de la mort) pour s’attaquer à tous les marchés avec le même produit sous prétexte que « une douleur est une douleur », mettant de facto sur la même échelle une migraine ou léger froissement musculaire avec dégénération complète du corps ou des organes. Le cynisme capitaliste dans toute sa splendeur. Les acteurs sont bons (on notera la présente de Catherine O’Hara), la mise en scène rythmée et efficace, et l’histoire est très prenante. Pas forcément le plus grand scandale de l’histoire ni le plus marquant ou passionnant, faute à l’accent surtout mis sur le fun et moins sur les vies brisées, mais on passe un bon moment.