Les ex frères Wachowski, désormais frère et sœur, célèbres pour leur film Matrix, retrouvent le chemin des cinémas, quatre ans après le four retentissant de Speed Racer. Toujours adeptes de la science-fiction, ils ont cette fois jeté leur dévolu sur La Cartographie des nuages de David Mitchell, best-seller pour le moins original.
Le film nous propose de suivre six histoires différentes, se déroulant chacune à une époque distincte, mais pourtant très liées. La première, prenant place en 1849, confronte Adam (Jim Sturgess) à la dure réalité de la vie des colonies, alors même qu’un terrible mal le ronge. La seconde se déroule en 1936, tandis que Robert Frobisher (Ben Whishaw) fuit un monde qui rejette son homosexualité, trouvant refuge chez un compositeur de renom en tant que copiste. En parallèle de quoi, en 1973, une journaliste (Halle Berry) se retrouve impliquée dans un complot visant à instaurer le chaos sur Terre en sabotant une centrale nucléaire. Grand éditeur, l’année 2012 ne sera pas la meilleure pour Timothy Cavendish (Jim Broadbent) entre des problèmes avec un ancien client et son frère qui va l’interner de force dans une maison de retraite. Humaine de synthèse élevée en cuve dans l’unique but de servir dans un restaurant, Somni (Doona Bae) représente un robot pour bien des gens, mais durant l’année 2144, un groupe rebelle va voir en elle un avenir, un espoir. Des considérations bien lointaines pour Zachry (Tom Hanks), survivant de 2321. Vivant constamment dans la peur des cannibales et du diable, son île de désolation va recevoir la visite d’une ancienne, l’une des dernières de ceux qui tentent de préserver la technologie et le savoir, non résignée à retomber à l’âge du feu. Ils ne se connaissent pas et pourtant, chacune de leurs âmes est liée par le destin.
Assez déroutante dans un premier temps, l’histoire est longue à prendre en main : une bonne demi-heure sera nécessaire pour assimiler chaque données et à les raccorder d’instinct à l’époque correspondante. Par chance, le film dure pas loin de trois heures, permettant à la fois une excellente compréhension globale, et laissant le temps d’approfondir chaque histoire comme elle le mérite. Toutes ne se valent pas : la partie journalistique de 1973 a un certain suspense, mais les mystères autour du complot resteront un peu en suspend. De même, malgré une ambition remarquable, les séquences de 2321 sonnent étrangement, surtout à cause de cette stupide idée de dialecte simplifié et sauvage. Par contre, les autres sont assez intenses avec la traite des noirs, d’une grande force émotionnelle, de même que pour l’histoire de l’éditeur senior. Dans un autre registre, plus artistique avec des mélodies magnifiques et des envolées lyriques inspirées, mais aussi plus romanesque avec l’amour impossible, les passages de 1936 sont louables, offrant même de belles connectivités avec ceux de 37 ans plus tard. Sans doute le créneau temporel le plus abouti et pierre angulaire du film, les péripéties futuristes de Somni (2144) offrent une grande puissance narrative, émotionnelle, artistique, et regorge de rebondissements enthousiasmants. Sans être parfait, le scénario est clair – malgré son abondance et sa complexité – et efficace, souligné par une réalisation de grande qualité. On retrouvera des scènes d’un impact mémorable, comme celui du « tu me fais chier donc je te balance par le balcon », osant une approche presque malsaine. En plus d’effets spéciaux brillants, le film fait montre d’une immense maîtrise du maquillage, rendant presque méconnaissable certains acteurs et réalisant des prouesses. Le casting est d’ailleurs bluffant, car en plus de ceux précédemment nommés, on retrouvera Hugo Weaving, Hugh Grant ou encore Susan Sarandon. Donc globalement, mise à part deux trois ratés (surtout certains maquillages coréens), le film ne souffre ni longueurs ni incohérences, tout juste pourra t-on lui reprocher un côté trop bien pensant et une arrogance divine. Mais peut-on vraiment blâmer le film de vouloir répondre aux questions de l’amour, la mort, la réincarnation, dieu, et celle de « somme nous seuls dans cet univers » ? Une chose est sûre, c’est un beau film incroyablement bien structuré et passionnant, qui parlera à qui voudra bien écouter.