À la poursuite de demain
2015
Brad Bird
À l’image des Pirates des Caraïbes, voici un film basé de simples attractions d’un parc Disney : la section ayant pour thème le futur, Tomorrowland, qui se trouve être le titre original du film. C’est faible, presque hors-sujet puisque le film est une production de science-fiction originale, mais en tout cas le matériau de base n’incitait pas à la confiance. Puis vint le premier trailer énigmatique, laissant présager la potentialité de l’un des meilleurs films de l’année, balayé quelques mois plus tard par une bande-annonce plus explicite et moins convaincante, agrémentée d’un titre localisé trop bavard. Et effectivement, si le potentiel était colossal, le film n’est pas à la hauteur.
Reprenant la rumeur comme quoi certains des plus grands esprits (Eiffel, Edison, Tesla, Jules Verne) se sont réunis pour fonder ensemble la société de demain à la fin du XIX°, le film part du principe que les têtes pensantes ont bâti Tomorrowland pour faire un monde meilleur, avec à la tête du projet David Nix (Hugh Laurie). Il y a bien longtemps, Frank Walker (George Clooney) fut choisit par la recruteuse Athena (Raffey Cassidy) pour y œuvrer, mais aujourd’hui ce projet n’est plus qu’un vieux rêve du passé. Mais certaines personnes veulent encore y croire, et Casey Newton (Britt Robertson) sera à son tour choisie, recevant un pins lui faisait entrevoir ce monde.
Typiquement le genre de film bouffé par son ambition, qui veut trop en dire et au final n’en dit pas assez. De ce que l’on en savait au début, à savoir une société secrète futuriste et un pins magique qui permet de le voir, deux principes forts qui aurait pu être géniaux, le film va beaucoup dériver. Déjà, contrairement à ce que l’on aurait pu croire, la jeune fille n’est pas l’unique personnage principal du film, mais doit faire jeu égal avec son « mentor » (bien qu’en réalité les rôles soient inversés), qui occupe même tout le devant de la scène durant l’introduction puisqu’en réalité c’est avant tout son histoire. De même, ni la société ni le pins ne sont ce qu’ils semblent être, et ainsi le film s’avère très loin de ce à quoi on pouvait s’attendre. Une bonne chose qui prouve que le mystère a su rester entier, et beaucoup de choses marchent à la perfection, mais le film reste malheureusement une aberration. Gros blockbuster tout public qui balance des images à sensation dans tous les sens, reposant sur un visuel tape à l’œil et détournant des monuments historiques, et n’hésitant pas à faire ses choux gras dans le bien pensant et l’écologique, il tente pourtant de se distinguer de la masse en abordant une multitude de sujets plus profonds et en souhaitant se donner une ambiance revigorante et pleine d’espoir à la Retour vers le futur. On abordera ainsi la peur de la mort, la quête de soi, d’un but, du voyage spatial, inter-dimensionnel et temporel, du pouvoir de la suggestion, de la destinée, de l’amour homme-machine et forcément de l’existence de l’âme pour ces êtres mécaniques.
Une flopée de thèmes tous très intéressants, mais à force de vouloir tous les explorer, le film ne va jamais au bout des choses, et nombre d’entre eux sont de simples anecdotes là pour justifier un scénario qui a bien du mal à s’imposer, traînant quelques incohérences. Le pins en est un bel exemple tant son fonctionnement soulève nombre de questions, car aussi belle que soit l’idée, elle n’en reste pas moins difficilement justifiable, même en considérant le chien (cf voir le film). De même, inventer des fonctionnalités cachées et ahurissantes aux monuments historiques peut à la rigueur marcher avec du Benjamin Gates et autre Indiana Jones, où le spectacle a toujours prévalu sur la cohérence, mais en l’occurrence ça ne passe pas du tout. Et en cela le film oubli son propre message sur le conformisme hollywoodien puisqu’il fait la même chose, et sa structure narrative ne change guère. Sa fin donne même envie de hurler tant c’est gnangnan, et à ce niveau là John Carter s’en sortait infiniment mieux pour ce qui était de renouer avec la simplicité et l’ambiance d’antan. C’est d’autant plus regrettable que le film avait un potentiel colossal, notamment au travers du personnage d’une certaine androïde qui aurait mérité le soin d’un Chappie, bien plus probant en matière de psychologie robotique, et Britt Robertson est une véritable révélation qu’on aurait aimé mieux exploitée tant c’est uniquement son caractère, et non son intelligence pourtant hors du commun, qui est mit en avant. En somme, énormément de bonnes idées se sont bousculées, mais seul l’aspect grosse aventure pseudo spectaculaire en ressort. Cela suffit pour en faire un bon film, mais il y avait matière à en faire un chef d’œuvre, laissant une impression de gigantesque déception.