Bright

Bright
2017
David Ayer

Après avoir tué le game des séries, le géant de la vidéo-à-la-demande Netflix s’est attaqué au cinéma, pour l’instant sans avoir le même impact. Sorti en décembre dernier, ce film était leur grand test, leur ultime blockbuster : une énorme production télévisuelle à 90 M$ avec un Yes Man populaire derrière la caméra et son lot de vedettes devant. Si le démarrage de 11 millions de vues en trois jours fut correct, le total trois mois plus tard est déjà plus alarmant avec tout juste 20 millions. Il est vrai que le bouche-à-oreille fut sévère, mais il était encore loin du compte.

Mélange de film policier classique, de SF d’anticipation avec des histoires de prophétie, le tout dans un univers d’héroïque-fantaisie où se côtoient humains, orques, elfes et fées,  le film suit un duo de flics de Los Angeles, un humain, Daryl Ward (Will Smith), et le seul orque recruté dans les forces de l’ordre, Nick Jakoby (Joel Edgerton). Alertés par des comportements bizarres puis pris dans des tirs de feu, ils vont tomber sur un lieu de culte et surtout sur l’objet de toutes les convoitises capable de réaliser tout ses vœux : une baguette magique. Entre la cupidité de leurs collègues et une ville entière prête à tuer père et mère pour mettre la main dessus, Ward et Jakoby vont se retrouver seuls à devoir gérer la situation.

Il ne faudra pas plus de deux minutes pour savoir que l’intégralité des idées du film sont mauvaises. Avoir un film contemporain réaliste parlant de créatures magiques aussi implantées dans l’imaginaire collectif que les elfes ou les orques, non seulement ça dénote mais le film n’en fait rien. Les elfes deviennent simplement la caste évoluée et riche, que d’aucuns feraient immédiatement le parallèle avec les juifs, tandis que les orques sont la racaille pauvre, autrement dit les noirs et les arabes pour là encore faire un raccourci raciste, mais croyez-moi c’est clairement le ressenti qu’on a devant le film. Des parallèles malaisants et qui ne servent pas à grand chose, si ce n’est introduire de manière très maladroite et superficielle des créatures et de la magie en puisant dans l’imaginaire collectif plutôt que de tenter de recréer quelque chose d’original. Quand un film aussi sombre et qui se prend autant au sérieux vous parle de prophétie, baguette magique et bright, c’est absolument ridicule. D’ailleurs, le fameux coup du Bright d’où nous vient le titre est la désignation des élus capables de se servir des baguettes magiques, autrement une personne lambda la touchant meurt instantanément. Là aussi, l’univers jure carrément avec l’ambiance du film. Le coup des races est donc une excuse pour parler de notre société et de ces dérives, mais le problème c’est que même le héros est un connard bourré de préjugés racistes, et il n’évoluera pratiquement pas. Même à la fin, son duo de flic ne marche toujours pas, d’autant qu’une pseudo révélation – qu’on attendait depuis le début avec le type dans la voiture – vient déséquilibrer de façon dantesque le rapport de force.

L’écriture du film est donc très mauvaise, nous racontant une banale histoire de flics qui tentent une extradition en milieu hostile, les personnages n’ont aucune consistance et ont une logique invraisemblable, notamment la fille elfe qu’ils se trimbalent. Elle a constamment la baguette à portée de main et ne fait pas confiance aux flics, et pourtant elle restera bien sagement à leurs côtés en attendant une épiphanie de mes couilles. Pareillement, le personnage de Kandomere (Edgar Ramirez) n’est là que pour teaser on ne sait trop quoi (enfin dès le début le projet était annoncé comme une trilogie, mais c’est pas une raison pour nous refourguer un personnage énigmatique juste pour la frime) ; on a Jay Hernandez qui cachetonne comme un gros mac ; et cerise sur le furoncle, la grande vilaine du film, campée par une Noomi Rapace trop « dark », est juste là pour matérialiser la menace des Inferni sans autre recherche scénaristique. Une faiblesse d’écriture lamentable aux ficelles si colossales que le moindre rebondissement est un calvaire de prévisibilité, mais malheureusement le reste est d’une paresse plus affligeante encore. Toutes les deux scènes on nous refourgue de l’action à la pelle en mode bourrage total, mais seulement quand la luminosité est aux fraises et que les mouvements de caméra sont trop brutaux, tout devient absolument illisible. Les maquillages des races sont ignobles et en terme de direction artistique c’est là aussi le désert de l’inspiration, nous balançant des néons bleus de partout. Un mélange des genres qui n’a aucun sens, un spectacle brouillon au possible et un scénario à la rue : le film est un naufrage artistique comme on voit rarement, alors pitié arrêtez les frais et ne lancer pas les suites, c’est un pur gâchis de temps, d’argent et d’énergie.

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