Avengers Infinity War
2018
Joe Russo, Anthony Russo
Annoncé depuis le premier Avengers en 2012, le grand méchant du Marvel Cinematic Universe passe enfin à l’offensive avec fracas. Après 17 films oscillant entre distraction moyenne et purge épique immanquable, la saga a créé un phénomène sans pareil depuis sa création en 2008, et il est clair que ça n’a rien d’une passade. Faisant tomber record sur record au box-office tout en alignant des critiques largement positives sans le moindre faux-pas, un nouveau seuil est sur le point d’être franchi. Avec des préventes avoisinant le cumule des 17 précédents films, les analystes s’affolent et s’imaginent déjà la barre des 300 M$ (finalement dans les 250 M$) atteinte en un seul week-end aux Etats-Unis quand le précédent record était Star Wars VII avec 247 M$. Quand on sait que la capacité d’accueil des salles ne permettrait que théoriquement une telle prouesse, et avec des premiers retours critiques phénoménaux, il faut s’attendre à une telle attente que l’influence ne faiblira que très peu les premières semaines avec à la clef un pallier à 2 milliards atteint pour la première fois de l’histoire des supers-héros. Il faut dire que quand on prépare le terrain depuis aussi longtemps et avec autant de soin, le public n’a fait que croître, et ceux qui croyaient que le film n’allait être qu’un divertissement de plus vont tomber de haut. Des résultats si violents ne pouvaient être que la résultante d’un changement radical et bénéfique. Oui, voici le renouveau des supers-héros.
Raconté en parallèle des autres histoires interconnectées du MCU, la quête des gemmes de l’infini va prendre une autre tournure lorsque Thanos (Josh Brolin) va mettre la main sur le gant de l’infini et la première gemme : celle de la force. A la tête de l’armée qui avait déjà attaqué la Terre six ans auparavant pour récupérer le Tesseract, il va se lancer sur la trace des Asgardiens (incluant Thor (Chris Hemsworth) et Loki (Tom Hiddleston)) pour mettre la main dessus en envoyer ses sbires sur Terre pour arracher la gemme de l’esprit à Vision (Paul Bettany) et celle du temps au Docteur Strange (Benedict Cumberbatch). Redoutant qu’il ne cherche à récupérer la gemme de la réalité au collectionneur (Benicio Del Toro), les Gardiens de la Galaxie (Zoe Saldana, Chris Pratt, Bradley Cooper, Vin Diesel, Dave Bautista et Pom Klementieff) vont tenter de l’intercepter. De leur côté, les Avengers (Iron Man (Robert Downey Jr.), Captain America (Chris Evans), Natacha Romanoff (Scarlett Johansson), Black Panther (Chadwick Boseman), Iron Patriote (Don Cheadle), Bucky (Sebastian Stan), Faucon (Anthony Mackie), Wanda Maximoff (Elizabeth Olsen) et Spider-Man (Tom Holland)), alertés de la menace de Thanos par Hulk (Mark Ruffalo), vont se préparer à l’offensive entre ceux protégeant Vision sur Terre et le trio Iron Man, Spider-Man et Docteur Strange partis enquêter en territoire ennemi.
Mon dieu qu’il y a énormément à dire sur ce film. Avant de spoiler comme un gros porc pour bien comprendre en quoi ce film se dissocie totalement des autres en terme d’histoire et de tonalité, passons d’abord aux aspects purement techniques. Simple bouillie d’effets spéciaux assez informe à ses débuts, Thanos prouve à lui seul toute l’évolution technique d’une décennie entière d’effets numériques. Certes aidé par le fait que pour la première fois un acteur fasse de la performance capture derrière l’habillage technologique, on découvre enfin un antagoniste à la mesure de l’événement où sa présence semble crédible et physique. Mieux encore, on découvre de nouvelles créatures originales au design très réussi, de même que de nouvelles planètes au style saisissant. La plupart des seconds de Thanos sont une franche réussite, notamment le magicien, et au travers des nouveaux espaces découverts on sent que les réalisateurs ont cherché à se réinventer et à enfin offrir un spectacle plus grandiose. La mise-en-scène gagne indéniablement en poids, devenant plus lisible, dynamique et saisissante. On regrette du coup de passer aussi vite sur la planète avec la chute ou l’astre des forgerons (avec Peter Dinklage), mais en « seulement 2h30 de film », il n’y a guère le temps de s’attarder quand pour la première fois autant de personnages se retrouvent à l’écran, alors même que certains ont été laissés de côté comme Ant-Man ou Hawkeye. Heureusement, pour ceux qui avaient lâché un énorme soupir de soulagement fasse au retour de Pepper (Gwyneth Paltrow) dans Homecoming, elle viendra nous faire un petit coucou. Bon, maintenant place aux énormes spoilers.
Pour tous ceux qui en avaient marre de voir le même schéma narratif être démultiplié à toutes les sauces, le film va à contre-courant de tout ce qui a été fait jusqu’à présent. Personnage central de l’histoire, Thanos en est aussi le personnage principal, comptant plus du double de temps à l’écran que n’importe quel autre protagoniste, et c’est sur lui que porte l’histoire. On y découvre une partie de son passé, ses motivations (loin d’être aussi vides que d’habitude) et ses plans pour l’avenir. Venant d’une planète où la surpopulation a causé la fin de sa civilisation, il ambitionne de préserver l’univers d’une pareille catastrophe en régulant de manière impartiale et aléatoire toutes les espèces du cosmos. Et c’est là que les gemmes entrent en jeu : si une même personne arrive à réunir les six pierres d’infinité et se sert du gantelet pour les contrôler, il pourrait effacer de la surface du monde la moitié des personnes d’une planète voir de l’univers d’un simple claquement de doigts. Pour nous montrer qu’il n’est pas là pour plaisanter, il ôtera la vie à un personnage iconique dès les premières minutes : Loki, balayé en même temps que les derniers Asgardiens. Puis durant le film, en plus de quelques autres personnages secondaires comme le collectionneur, l’emblématique Gamora périra aussi, mais ça n’est rien comparé à la boucherie finale. Alors que nombreux se plaignaient que les Marvel manquaient d’impact et que les histoires se ressemblent toutes, celui-ci fait fi du passé et bouscule l’ordre établi en faisant une chose impensable, inédite pour un film de cette ampleur : faire gagner le méchant. Après avoir mis la main sur toutes les pierres de l’infini, Thanos va par sa seule volonté effacer la moitié des êtres vivants, sortant victorieux du combat. Parmi les héros qui vont périr par ce seul geste, l’hécatombe est à peine croyable : Bucky, Vision, Wanda, Docteur Strange, la quasi-totalité des gardiens (seul rocket racoon s’en sortira), Black Panther et même Spider-Man. Abasourdi devant la mort d’autant de personnages emblématiques, le spectateur verra arriver le générique de fin dans l’incompréhension la plus totale. Devant attendre les toutes dernières secondes pour voir arriver une unique scène post-générique, le film en remettra une couche pour nous montrer que le phénomène a bien touché le reste du monde, voyant Nick Fury (Samuel L. Jackson) et son équipière disparaître de la même façon, mais non sans laisser une once d’espoir.
Si l’on sait que le grand absent du film sera le prochain à paraître sur grand écran, Ant-Man 2 devrait néanmoins se dérouler chronologiquement avant, donc tous les regards sont donc désormais tournés vers la sauveuse de l’univers que Nick va appeler à l’aide dans son dernier souffle de vie : Captain Marvel, qui sera incarnée par la mère oscarisée de Room. Assurément le membre le plus puissant des comics Marvel, elle débarquera dans un film solo en mars 2019, sans nul doute prélude au quatrième Avengers prévu pour mai 2019. Etant donné que sont déjà actés un Spider-Man Homecoming 2 et un Docteur Strange 2 pour 2019 et 2020, on peut déjà émettre des théorie sur une victoire future contre Thanos où Captain Marvel, seule à pouvoir manipuler les gemmes à mains nues, remontra le temps pour préserver l’univers des méfaits accomplis, mais quand on se retrouve face à un film qui ose faire mourir autant de supers-héros phares, les spéculations se feront probablement balayées et peut-être que les survivants d’aujourd’hui seront les morts de demain, somme toute plus logique dans la mesure où ce sont globalement ceux qui sont là depuis le début qui ont survécu. Encore est-il que le résultat est là : le film a réussi à déjouer toutes nos théories et s’avère finalement bien plus sombre et violent que tout ce que le MCU a fait jusqu’à présent. La formule s’est jouée de nous en nous faisant croire derrière quelques gags et de gros combats épiques qu’elle restait la même, mais clairement le studio a osé chambouler les codes établis et notre confort habituel pour enfin proposer une histoire novatrice aux enjeux forts et aux répercutions incroyables. Exit l’habituel combat où le gentil gagne et la vie reprend son cours, cette fois le héros est l’antagoniste et assois sa domination sur l’univers pendant que les gentils comptent leurs morts par milliards. Le seul problème du film, outre le fait qu’il soit un peu fait dans le même moule que les précédents opus pour ce qui est des visuels et de l’humour, c’est que cette histoire nous laisse en suspens, d’autant plus que la suite n’arrivera que dans un an, avec au mieux des éléments de transition dans Captain Marvel en mars prochain. Un choc d’autant plus brutal donc, prouvant une fois de plus le caractère sans précédent de l’œuvre qui bouleverse l’ordre établi. Une cuvée de haute facture pour le MCU, marquant avec succès l’arrivée de l’ennemi le plus dangereux de l’univers, et nous offrant en prime des enjeux aux répercutions d’un niveau jusqu’alors sans pareil.
Critique disponible aussi en vidéo complémentaire :
https://www.youtube.com/watch?v=LRMhePrixUo