Dune


Dune
2021
Denis Villeneuve

Immense claque au moment de sa sortie, je n’avais pas su pleinement le digérer d’emblée, ayant peur de me laisser quelque peu emporter par les conditions exceptionnelles dans lesquelles je l’avais découvert (Imax 3D en PLF – Premium Large Format – lors d’une avant-première incroyable avec Le Fossoyeur de films et l’équipage du Nexus VI), d’autant plus que le réalisateur parlait d’un possible montage director’s cut avec près de 40 minutes supplémentaires. Version qui n’a finalement jamais vu le jour, et tant mieux car le film fait déjà plus de 2h30 et est assez contemplatif. De plus, ma vision de l’œuvre risquait de changer si cette première partie ne connaîtrait jamais de suite, car entre le dernier bide de son réalisateur, le budget colossal de 165 M$, le fait que la reprise post-covid était difficile et que le studio se tirait une balle dans le pied en le sortant en simultané sur leur plateforme en ligne, ce qui veut dire piratage massif, il n’y avait clairement pas de quoi être serein quant à l’avenir d’une potentielle saga. Et finalement nous voilà trois ans plus tard, la suite est sortie dans des conditions bien meilleures et a presque doublé le score du premier, un peu limite niveau rentabilité sinon, et une troisième et normalement dernière partie devrait sortir en décembre 2026, donc tout va bien dans le meilleur des mondes.

Adaptant la première partie du premier roman Dune de Frank Herbert, le film nous plongera plus de 8000 ans dans le futur. L’empereur de l’univers, jalousant la montée en puissance du clan Atreide, va décider de leur tendre un piège. La ressource la plus importante qui soit, celle qui permet les voyages spatiaux au delà de la vitesse de la lumière, est l’épice, ne se trouvant que sur une seule planète des moins hospitalières : le désert d’Arakis. Jusqu’alors, c’était les Harkonnens qui géraient la récolte, mais l’empereur va les déposséder de leurs terres pour y mettre les Atreides à la place. Une situation délicate, d’autant qu’en plus des conditions climatiques arides terribles, la planète est en proie aux attaques des vers des sables, des créatures titanesques pouvant faire jusqu’à 400 mètres de long et capables de broyer même les machines les plus robustes. Et il y a aussi à composer avec les autochtones : les Freymens, utilisant pour leur part l’épice pour en faire un puissant psychotrope. Et le piège est des plus sournois : refuser une mission de l’empereur serait s’exposer à son courroux, et accepter serait s’exposer à la vengeance des Harkonnens. Pensant avoir choisi la moindre menace en acceptant la mission, le Duc Atreide (Oscar Isaac) ne se doutait pas que l’empereur avait de toute façon conspiré avec les Harkonnens pour organiser leur vengeance, leur prêtant même main forte.

Un univers danse, et on comprend aisément pourquoi il a été choisi de couper le premier roman en deux films. On se retrouve donc au beau milieu d’un échiquier politique avec trois factions, l’empire, mais également l’ordre des Bene Gesserit, sorte de matriarches religieuses aux pouvoirs télépathiques et divinatoires, gérant dans l’ombre tout ce beau monde avec des plans établis pour les siècles à venir, avec dans leur manche une arme secrète préparée depuis des générations et des générations : la prophétie de l’élu. De l’Inception de très haut niveau pour créer les bourgeons de religions futures. Et il faut reconnaître au film cette force : malgré la quantité de personnages, tout le lexique de cet univers que beaucoup vont découvrir au travers du film, toutes les couches de politiques et d’influences de toutes parts, on arrive sans mal à s’y retrouver. Peut-être que d’avoir joué aux deux jeux sortis sur DOS en 1992, et vu le film des années 80 dans ma jeunesse a aidé, mais j’ai eu l’impression que le film arrivait prodigieusement à faire autant d’exposition de manière fluide et transparente sans que l’on n’ait l’impression de trop crouler sous les informations. Une histoire au demeurant passionnante, même si le film servira plutôt de prémices, mais on regrettera surtout le côté précurseur du roman d’origine qui aura tant inspiré, que ce soit Star Wars avec Tatooine ou la saga Mad Max, à tel point que voir un énième film dans le désert a de quoi faire soupirer de nos jours. Mais heureusement, le film ne se limite pas au désert, et parlons de l’aspect technique, assez fou.

Il est assez dingue de se dire qu’un film de cet ampleur n’a pratiquement pas eu recours à des effets spéciaux, surtout les fonds verts qui se comptent au nombre de deux sur plusieurs centaines de plans. Du travail à l’ancienne, avec tout un village immense reconstitué, des vaisseaux à l’échelle créés pour l’occasion, et une quantité folle de costumes tous plus marquants et réussis les uns que les autres. Un style certes un peu froid et solennelle, mais l’effet est des plus saisissants, décuplant l’ampleur de cet univers. Tout a été récréé, ça se voit, ça se ressent, on y croit : c’est palpable. Mention spéciale aux avions libellule, d’une ingéniosité folle, et globalement on a là une grande leçon de direction artistique. Côté effets spéciaux, c’est là encore impeccable, arrivant même à rendre crédible l’usage des boucliers, outil de mise en scène brillant lors de la scène de la dent. Pour compléter cet emballage visuel prodigieux, Hans Zimmer s’est encore une fois surpassé, délivrant une bande-son phénoménale dont le thème principal est l’une des plus grandes œuvres de sa carrière. Impossible de ne pas parler du casting également, puisqu’on retrouvera pléthore d’immenses talents : Rebecca Ferguson, Jason Momoa, Stellan Skarsgard, Josh Brolin, Javier Bardem, Dave Bautista, Zendaya et même Charlotte Rampling. Et on retrouvera surtout dans le rôle principal Timothée Chalamet, nouvelle coqueluche d’Hollywood qu’on aurait pu croire un peu trop lisse, mais qui finalement s’en sort avec les honneurs, et son côté très propre sur lui, superficiel, complète à merveille le message sous-jacent sur la conspiration des Bene Gesserit et leur élu monté de toute pièce qui sert donc parfaitement d’apparat.

Une réussite incontestable donc, tant au niveau grand spectacle que adaptation pertinente, mais qui n’est après tout qu’une porte d’entrée, un premier chapitre qui pose les bases, mais qui ne raconte pas tant de choses, d’autant qu’il prend pas mal son temps, pour ne pas dire que le côté contemplatif est un peu trop prononcé. Je garde donc un peu de marge au cas où la suite aille plus loin, soit plus efficace, et il me manque la puissance émotionnelle d’un Premier Contact pour lui accorder la note maximale, mais on tient clairement là l’une des œuvres de science-fiction les plus maîtrisées et captivante qui soit. Du très grand cinéma pour une histoire qui ne demande qu’à dévoiler tout son potentiel.

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