Le 12 octobre 2007, la chaîne Disney Channel lançait la série devant 5,9 millions de spectateurs, soit leur meilleur lancement historique. La série accumulera bien d’autres records dont celui du plus grand nombre d’épisodes (bien les deux séries réunies de Zack & Cody font mieux), du plus grand nombre de prix et récompenses, mais aussi et surtout celui de la série la plus suivie de toutes avec une moyenne supérieure à 4,5 millions de fidèles et à son compteur un téléfilm qui a obtenu 11,4 millions de spectateurs, deuxième meilleure audience historique de la chaîne derrière High School Musical 2 mais meilleure audience toutes chaînes privées confondues de l’année tout de même. De plus, la série a réussi l’exploit de dépasser la barre des dix millions à deux autres reprises : pour son épisode spécial sur La vie de croisière de Zack & Cody, et bien sûr pour son épisode final, soit les 3 et 4° meilleurs scores de Disney. Surfant sur la vague Harry Potter, la série proposait d’en parodier l’univers pour le tourner en ridicule et en rire. Et par la suite, c’est la saga Twillight qui s’est vue l’objet des moqueries. Et le 6 janvier dernier, ou 16 février en France, la magie a fini son œuvre. Et aujourd’hui, elle reçoit l’hommage qu’elle mérite.
Le principe de la série est simple : dans le monde magique, les pouvoirs ne sont pas illimités et si chaque enfant de magicien né avec des pouvoirs, il ne peut y avoir qu’un seul enfant sorcier par famille, les autres perdront pour toujours leurs pouvoirs. Et c’est lors d’une compétition que se joue le tout. Dans la série, on suivra la famille Russo, où le père, Jerry (David Deluise), a choisit de renoncer à ses pouvoirs durement gagnés (qu’il a transféré à son frère) pour épouser une mortelle, Theresa (Maria Canals-Barrera), chose interdite par le conseil des sorciers. De leur union naquit trois enfants : Alex (Selena Gomez), la petite fifille à son papa, Justin (David Henrie), l’aîné sérieux et travailleur, et Max (Jake T. Austin), le dernier simple d’esprit. Tous les trois ont une vision très différente de la magie : Alex s’en sert au hasard comme ça l’arrange alors que Justin l’utilise avec précaution et préfère bien l’étudier avant, Max quand à lui est tellement mauvais qu’il s’abstient, ne se faisant de toute façon aucune illusions quand à l’issue de la compétition puisque Justin est le seul à vraiment s’investir. Mais il faut bien qu’il y en est un pour reprendre la sandwicherie. On aura donc un schéma classique avec Alex qui fait une bêtise et Justin qui doit réparer les dégâts, pour après faire porter le chapeau à Max : il n’en est plus à une près. On retrouvera aussi une belle palette d’acteurs secondaires récurrents comme Harper (Jennifer Stone), la meilleure et seule amie d’Alex, Zeke (Dan Benson), le meilleur ami de Justin, et aussi le grand fan de Western et accessoirement proviseur Laritate (Bill Chott).
La première saison demande un certain temps d’adaptation, l’effet comique n’est pas immédiat et la richesse de la série ne saute pas aux yeux. Aux premiers abords, Alex n’est qu’une chipie en pleine crise d’adolescence, Justin inintéressant et caricatural, Harper insupportable et les parents inexistants. De plus, les querelles entre Justin et Alex sont très stéréotypées. Seul Max possède un capital sympathie instantané de par sa bêtise et son naturel hilarant et tellement fin dans l’humour. Son ignorance et sa crédulité font de lui un personnage en or. Et entre des références culturelles de bas étage et faciles, et ses effets spéciaux grotesques, la série n’a à priori pas grand chose à offrir. Erreur ! Monstrueuse erreur ! Après quelques épisodes d’adaptation, la vérité éclate. La famille Russo n’est pas du genre à être rancunière ou boudeuse, c’est même probablement la famille la plus soudée et la plus heureuse qui m’ai été donné de voir. Comment ne pas craquer quand, après une journée très problématique où Alex s’est mise à dos tous le monde, elle se prend dans les bras avec Justin et qu’ils se disent « je t’aime » ? Cette famille incroyablement soudée passe tout son temps libre ensemble soit au Sub-Station (leur sandwicherie), soit à leur antre magique pour les cours de sorcellerie. Et si la politique de sorcier de la famille pourrait diviser, chacun est prêt et a accepté son sort. Max est conscient de son infériorité et n’a aucune chance de gagner le concours et s’est déjà résigner à reprendre la sandwicherie. Mais il en est contant : étant le moins aimé des enfants, voir carrément de trop, il se dit que ça lui permettra de rester auprès de ses parents et de recevoir tout de même un peu d’amour. Alex aussi est résignée à perdre, mais à l’inverse de Max, elle se sert de la magie comme si chaque jour était le dernier. Elle essaye de garder une lueur d’espoir car au fond d’elle, elle sait que sans magie elle est condamné à rater sa vie. Quand à Justin, il travaille sans relâches et brille en magie comme à l’école. Mais il est énormément complexé par Alex et rêve d’être aimé autant qu’elle et est terrifié à l’idée que ses efforts puissent être balayés par la roublardise d’Alex et qu’il perde au final, devenant le raté qu’il se sent au fond de lui.
En fin de compte, dès la première saison, on sent cette réelle profondeur émotionnelle et psychologique qui découle de ces personnages incroyablement attachants et attendrissants, prouvant le talent des acteurs qui ne fera que grandir et nous éblouira à bien des reprises, faisant aussi regretter que la chaîne n’est jamais vraiment donné les moyens à la série de se perpétuer autrement qu’en mode parodique, bien que cette marque de fabrique soit efficace et souvent très drôle. La série n’échappera malencontreusement pas à quelques ratés comme l’épisode 9 de la saison 1 : « Zappe pas le bouton », assez douteux.
La saison 2 suit logiquement les bases installées avec les mêmes types d’épisodes, s’élargissant toute fois en dehors du simple cercle des sorciers, créant un univers plus grand accueillant toutes les créatures mythiques, dont les vampires et les loups-garous (passablement loupés d’ailleurs), histoire de cracher un peu sur Twillight et ses romances. Mais par pur hasard, Disney fera une immense découverte : Bridgit Mendler, la Juliet vampire de Justin. Normalement juste de passage dans la série, elle sera tellement apprécier que après son départ dans la saison 3, les créateurs n’ont eu de choix que de la faire revenir à la fin pour ne pas décevoir les fans, éblouis par son charme et son humour mordant. Et si cette saison ne marquera que peu d’évolutions notable, on retiendra surtout l’évolution positive de Harper, un peu moins excessive et dont le comique de répétition s’installe. Par contre, le fameux épisode cross-over de « La vie de croisière des Russo » (le 25) qui a réuni 10,6 millions de spectateurs, est assez décevant : rien de bien original ni spécialement plus drôle que les autres. Sans doute l’attrait des trois épisodes à la suite des trois séries phares de la chaîne, mélangeant tous ses univers artificiellement.
Entre les saisons 2 et 3, Disney Channel nous a gratifier d’un incroyable téléfilm, sobrement appelé Les Sorciers de Waverly Place : Le Film. Quittant un peu les rues de Manhattan au profit des plages Hawaïennes, ce film était une totale réussite, bien que sensiblement différent de l’ambiance de la série. Moins porté sur l’humour et plus vers le fantastique et l’émotionnel, le film a fait coup-double en instaurant une réelle cohérence et consistance à leur monde, tout en prouvant le très grand talent de Selena Gomez et spécialement David Henrie, vraiment bluffant. Même Jake T. Austin nous mettait la boule à la gorge avait quand impuissant il se faisait rejeter par sa mère, déjà pas très démonstrative d’habitude, l’effusion de larmes finale. De bonnes bases pour propulser plus haut encore la série.
Mais le retour aux épisodes est brutal en démarrant honteusement sur une référence douteuse à Frankenstein avant d’enchaîner quelques épisodes peu glorieux comme la promotion de Justin dans ses classes de magie débouchant sur sa « carrière » de chasseur de monstres. Heureusement, la saison comportera quelques bons moments comme l’arrivée prédite de Mason (Gregg Sulkin) ou l’épisode spécial Shakira. Par contre, mise à part une seule référence culte dans l’épisode 14 de la saison 2, « La main secourable », on se lasse de l’infantilisme des relations purement platoniques alors que les protagonistes ont tous plus de quinze ans (et même 20 pour Justin à la fin). Mais bon… Cette saison reste heureusement très bonne et offre même du suspense avec sa fin en queue de poisson. Les fans devaient, à l’époque, souffrir de ne pouvoir connaître l’issue du complot gouvernemental, en réalité théorique et qui n’était qu’un test pour les Russo.
La quatrième et dernière saison commence donc avec fracas : Alex et Justin ont brisé tour à tour la première règle, leur infligeant une sanction exemplaire. Ainsi, Alex est rétrogradée du rang 3 au rang 1 et Justin du rang 5 au rang 1, faisant quasiment de Max le sorcier de la famille à coup sûr. Dans un premier temps, Alex abandonne la compétition mais se doit de continuer pour rester avec Mason car les loups-garous n’ont pas le droit d’être avec des non-magiques. Justin monte quand à lui une classe de soutien pour les cancres renvoyés de Magie Tech (l’école des sorciers), dans l’espoir de regagner quelques galons pour être qualifiable à la compétition. Pour ce qui est de Harper, son personnage est définitivement installé dans nos cœurs : fini les excentricités, exit les tenues immondes et bonjour la maturité. Si cette saison est extraordinaire et que chaque épisode est excellent, on retiendra deux passages prodigieux : celui des anges avec la sublime Rosie (Leven Rambin), qui aura droit en plus à un épisode spécial de 45 minutes, et la transformation incontrôlée de Max en Maxine (Bailee Madison), petite fille de dix ans. La transformation est en revanche à double tranchant car si la petite fille de Terabithia est adorable, Max était devenu l’un des plus gros point forts de la série à mesure des saisons. Entre sa petite amie, son regard sur la compétition et certains passages comme la reconstitution de ses souvenirs d’enfance, Jake T. Austin se montre surprenant et nous émeut avec sincérité et poésie. Et alors que les problèmes entre Alex et Mason se résolvent et que Juliet est revenue, la compétition est lancée…
Mettre fin à une série aussi appréciée et populaire est bien difficile. Pas question d’expédier la compétition trop abruptement, le dernier épisode de la série se verra lui aussi accorder le format 45 minutes. Contrairement au passage dans le téléfilm, la compétition finale se fera sous forme de show, avec à la fin une épreuve équivalente. Mais après une petite batterie de questions sur la sorcellerie, l’épreuve fut mise en pause car Harper et Zeke avaient été capturés par un griffon. Poussés par Alex, ils revinrent trop tard : le temps-mort était dépassé et tous trois furent disqualifiés, mettant un terme à la lignée de sorciers Russo. Dans une rage infinie, Justin renia Alex et incita Max à haïr sa sœur. Avec Alex lynchée par tous, la famille se brisa et Jerry décida de mettre en vente la sandwicherie car elle ne représente plus les valeurs familiales. Choqués par cette décision, Alex, Max et Justin reprirent l’affaire pour prouver qu’ils peuvent se pardonner et aller de l’avant. Il s’agissait en réalité de la seconde épreuve de la compétition, réussie avec brio. Pour l’ultime épreuve, l’objectif est simple : sortir le premier d’une course comportant un labyrinthe. À l’arrivé, on voit Justin sortir de la brume le premier faisant de lui le sorcier de la famille. Mais alors que le professeur Crumbs allait lui remettre ses pouvoirs, il avoua que Alex l’a laissé gagner, faisant en réalité d’Alex la vraie gagnante. Mais après avoir transmit tous les pouvoirs à Alex, il décréta que Justin a réussi à prouver sa valeur et son intégrité durant sa formation et qu’il est fier d’enfin prendre sa retraite en offrant ses pouvoirs à Justin et en lui léguant la direction de Magie Tech et du monde sorcier.
La série se termine donc comme on aurait pu s’y attendre : Alex gagne et peut vivre pleinement son amour avec Mason, et Max, en qui personne ne croyait (surtout pas lui-même), va reprendre la sandwicherie et rester avec ses parents, rattrapant peut-être ainsi son retard affectif. En revanche, la surprise est grande pour Justin. Si son monde s’écroule comme il l’avait prévu, la compétition ne lui sera pas fatale et il obtient enfin une récompense à la hauteur de ses investissements. L’émotion est grande quand en une poignée de minutes, il passe de rêves brisés à accomplissement total avec Juliet à ses côtés. On aurait difficilement put imaginer une fin plus heureuse. En revanche, la série aurait mérité une petite séquence visionnaire avec Max qui accueille ses clients, Alex qui lance une baballe magique à Mason, et se terminant sur Justin, en tenue officielle, accueillant ses élèves, la larme à l’œil. Mais comparé à la quasi intégralité des séries, cette fin se situe clairement parmi les meilleures. On aurait aussi pu aisément faire une autre saison ou même un film, mais les chances que cela se produise sont infimes.
Dans la rude concurrence télévisuel américaine, la chaîne de Disney est de loin celle qui s’en sort le mieux sur le secteur privé. Si on peux critiquer quelques facilités ou grossièretés dans l’humour, ainsi qu’une absence de véritable comportement adulte (même les parents sont des gros gamins), il faut bien dire qu’ils ont l’art et la manière de nous attacher à ses personnages. Dans cette parodie sur la magie et ses mythologies, la série a recruté un exceptionnel trio avec Selena Gomez, David Henrie et Jake T. Austin. Et si l’humour a bien souvent des ratés, il faut reconnaître une certaine finesse générale qui fait de cette série une œuvre vraiment familiale, et pas exclusivement pour enfants, bien que les références soit globalement d’actualité. L’arrêt de la série, principalement à cause de la carrière de chanteuse et d’actrice de Selena Gomez, est donc une grande perte tant les programmes de cette qualité et de cette fraîcheur sont rares. Heureusement, Disney aura su marquer le coup en organisant un dernier épisode inoubliable et émouvant. Adieux les sorciers de Waverly Place…