Généralement boudés par le public, les très espacés films de Paul Thomas Anderson (à peine trois films en 15 ans) avaient connu l’instant de grâce avec son excellent There Will Be Blood, son premier vrai succès. Mais le voilà déjà replongeant, affichant des recettes inférieurs au budget (27 Vs 32) et suscitant l’indifférence chez les spectateurs et les cérémonies (du moins pour les importantes). Une injustice ? Rien n’est moins sûr…
Tout juste sorti de la seconde guerre mondiale, Freddie Quell (Joaquin Phoenix) n’en est pas ressorti indemne. Privé pendant trop longtemps de la chaleur des femmes, il en est devenu un pervers agressif. Trop habitué à picoler, il en est devenu alcoolique. Une combinaison qui fait de lui un être peu fréquentable, violent dans ses actes et dans ses propos, et qui passe sa vie à fuir le bonheur, détruisant tout ce qui l’entour. Un soir alors qu’il fuyait ivre-mort, il s’engagera par inadvertance sur le bateau de Lancaster Dodd (Philip Seymour Hoffman), appelé « le maître ». Chef d’une secte spirituelle nommée La Cause, il essayera d’appliquer sur lui ses méthodes pour en faire un homme respectable.
Dès le début, le film demande un sacré effort de concentration : l’histoire part dans tous les sens, nous poussant même par moment à supposer à des mondes parallèles. Mais non, le bougre a eu une vie particulièrement agitée et folle. Soldat, marin, photographe, guide spirituel : tout est bon tant qu’il y a des femmes et de l’alcool. L’historie ira heureusement chercher un peu plus loin (quête intérieure, aspiration religieuse, notions d’importance de la vie et de ce qu’on en fait) et ses personnages sont très travaillés, et particulièrement bien interprétés – bien qu’on déplorera l’articulation désastreuse de Joaquin (je parle bien sûr de celle en VO). La réalisation est bonne et l’ambiance de l’époque est parfaitement retranscrite. Malheureusement, outre la ressemblance avec la scientologie fortement dénoncée par ses défenseurs mais qui n’implique pas directement la qualité du film, on émettra bon nombre de réserves. Tout d’abord sur son montage, chaotique et brouillon : on perd énormément de temps à comprendre sa structure, et les transitions sont par moments incompréhensibles, ou l’effet « mais il s’est passé quoi là ? ». Mais le plus gros problème est sans aucun doute sa teneur. Les dialogues sont souvent grossiers et vulgaires, et se traînent sur fond théologien fumeux. On peux même parler de passages choquants et immoraux quand la fille du Master (Amy Adams) l’aide à faire certaines choses ignobles. Et que dire de cette absence de fin et du rythme atroce qu’on nous inflige ? Les quelques 137 minutes du films paraissent très longues… Alors oui, pour un tel sujet le film est professionnellement très bon, mais une fois passé son caractère irrévérencieux, il faudra faire face à l’ennui et qui n’est pas des moindres.