Après seulement trois films, Quentin Tarantino était déjà devenu une référence du milieu, le marginal qui fait des films complètement déjantés qui tranchent singulièrement. Considéré comme des films de légende, ces Kill Bill sont des hommages à des genres aujourd’hui disparus, ou du moins plus très présent : les films d’arts martiaux pour le premier volume, et les western spaghetti pour le second. Deux films qui ont failli n’en faire qu’un, et étant les deux moitié d’un même tout, les distinguer n’a pas vraiment de sens.
Ecrit par Q & U (comprendre Quentin Tarantino et Uma Thurman), suite à leur collaboration dans Pulp Fiction, les films racontent la vengeance d’une mariée. Black Mamba (Uma Thurman), une tueuse à gage, décida de raccrocher après avoir apprit qu’elle attendait un bébé. Disparue sans crier gare, elle se terra au Texas, espérant y trouver le repos. Mais alors qu’elle s’apprêtait à se marier avec un gentil homme du coin, le père de l’enfant – d’ailleurs pas au courant de sa paternité – et chef de l’organisation dans laquelle elle travaillait, Bill (David Caradine), accompagné de ses sbires, ouvrirent le feu sur l’assistance, tuant tout le monde sur place. Gisant dans un bain de sang, sa dernière image fut celle de Bill, lui tirant une balle à bout portant en pleine tête. Elle aurait dû mourir, mais le destin en fit autrement.
Quatre ans plus tard, elle émergea d’un long coma, et ses pensées la renvoyaient immanquablement à cette chapelle, où Bill et ses anciens partenaires détruisirent sa vie et lui ôtèrent sa fille. Elle n’eu alors plus qu’une seule idée en tête : se venger. Elle suivra alors méthodologique son plan : tuer tout le monde jusqu’à Bill. Une liste de cinq personnes : O-Ren Ishii (Lucy Liu), qui contrôle désormais la mafia japonaise, Vernita Green (Vivica A. Fox), qui joue à la gentille mère au foyer, Budd (Michael Madsen), le cow-boy solitaire, Elle Driver (Daryl Hannah), bras droit de l’organisation, et bien sûr Bill, l’objectif final.
Le premier film, reprenant donc les codes du film d’art martial, tourne principalement autour de l’éveil de The Bride, ou Black Mamba (son nom étant seulement dévoilé dans la seconde moitié du deuxième film), et de sa traque de O-Ren Ishii, reposant sur un style graphique plus coloré et proche du japon, reprenant la thématique des affrontements aux sabres, des Yakuza, et offrant un combat final épique dans un cadre de temple recouvert par la neige, sur fond de musique asiatique. Pour illustrer le passé de cette cible particulièrement importante, sans doute la plus importante après Bill, on aura même le droit à un passage en animé façon manga. La technique n’est pas la meilleure qu’on est vu mais le clin d’œil est appréciable, et il est vrai que le mélange est troublant, sentiment que le réalisateur se plait à nous faire ressentir.
Le second volume, un brin moins excentrique mais tout aussi déjanté, garde l’esprit initié. La thématique asiatique est largement représentée entre la reconduite des sabres mystiques et le flash-back sur l’initiation de Black Mamba aux arts obscurs du maître Pei Mei. En revanche, on y retrouvera aussi le style texan du far-west, notamment avec l’étoffement du passage nuptial. Côté histoire, ce volume s’axe autour de la relation entre notre héroïne et Bill, qui n’était qu’évoqué dans la première moitié.
Cette aventure est particulièrement difficile à cerner. Entre une narration qui part dans tous les sens, des ruptures incessante dans la réalisation, passant sans aucune logique de la couleur au noir et blanc, et effectuant même un passage dans l’animation, le spectateur s’y perd très vite. Et que penser de la cohérence ? Constamment blessée et mutilée, notre furie vengeresse n’a ni cicatrices ni traumatismes, repartant de plus belle le corps truffé de balles. On aura aussi du mal à retenir quelques rires à force d’entendre tout le monde lui répéter qu’elle est sublime, la femme la plus belle du monde. D’un physique pour le moins peu commun, il faut tout de même rappeler que ses yeux sont globuleux, sont nez fini en boule, sa tête est proportionnellement petite, et la scène du « bouge le gros orteil » est insoutenable, ses pieds étant d’une laideur peu commune. Pas vraiment moche, elle reste très loin d’être belle. On aura aussi beaucoup de mal à s’enthousiasmer pour les katanas surpuissants, tellement insignifiants face à des armes à feu. De même, difficile de passer outre le côté terriblement kitsch des films, bien souvent à la limite du ridicule. Mais heureusement, on pourra compter sur une bonne dose d’action, une histoire plutôt solide, et des personnages atypiques attachants. On notera de nombreuses séquences désormais cultes comme celle du cercueil, et d’autres carrément hors sujet mais intéressantes, comme celle sur les super-héros, mettant le doigt sur une vérité profonde. Un film complètement barré – peut être trop -, et qui à l’image des autres films de Tarantino, ne laissera personne indifférent. Il a au moins le mérite d’être aller au bout de son idée, l’assumant pleinement.