Qui est vraiment William Shakespeare ? Les historiens ne savent presque rien de lui, ne savent ni s’il s’agissait de son vrai nom, ni même si ses œuvres sont les siennes. Si de base bon nombre de ses pièces étaient des plagiats de contes déjà existants, une théorie voudrait que l’auteur véritable fut Francis Bacon, baron de Verulam, scientifique et philosophe qui exerça à la même époque. Pire encore, le supposé Shakespeare aurait été un illettré fils de commerçant, renforçant la thèse de son imposture. Loin de ses superproductions habituelles, Roland Emmerich nous livre sa propre vision du personnage.
L’histoire démarre un peu avant 1580 en Angleterre, alors que des rumeurs font état d’une succession houleuse pour la reine Elizabeth : Jacques I°, un écossai. Le pays part à vau-l’eau et pour le Comte d’Oxford, Edouard de Vere (Rhys Ifans), la seule solution serait l’insurrection du peuple. Et quoi de mieux pour capter l’opinion publique que le théâtre ? Mais son titre ne lui permet pas de prendre le risque de passer pour un hérétique, et son choix se porta sur Ben Johnson, un auteur raté qui essayait lui aussi de faire comprendre aux gens les vices des hautes sphères. Le succès fut immédiat et tonitruant, attisant la convoitise de William Shakespeare, un acteur minable et illettré profitant de son amitié avec Ben Johnson pour se proclamé en être l’auteur. Mais un pion est plus facile à manipuler quand il a un visage.
De par sa complexité, la multitude de personnages aux styles trop proches pour les distinguer d’emblée, et de par la non unicité de temps, le film est assez difficile à appréhender dans un premier temps, d’autant que le rapport à Shakespeare met un certain temps à se dévoiler. Complots, machinations et roublardise : le film part sur trop de pistes, mais on s’y fait. Au final, tout se recoupe, tient la route et on y croirait volontiers. D’autant plus que le film est vraiment soigné : les acteurs sont bons, les décors parfaitement retranscrits, les costumes sont remarquables et la mise en scène apporte clarté et dynamisme. Mais quant n’est il du réalisme de l’histoire ? Et c’est là que le bât blesse : une grande partie des historiens s’accordent à dire que cette théorie est impossible. Les dates ne correspondent pas : Edouard de Vere est mort en 1604, et pourtant, certaines des plus grandes œuvres de Shakespeare ont été écrite plus tard, comme Macbeth en 1606. D’un point de vue historique donc, le choix de Francis Bacon aurait été plus judicieux. Le pédéraste plutôt que l’incestueux. Le sujet peut être passionnant, mais il risque d’en ennuyer plus d’un. Un bon film du genre quoi qu’il en soit.