Un été avec Coo


Un été avec Coo
2008
Keiichi Hara

De loin le pays le plus prolifique en cinéma d’animation, il oppose donc de nombreux concurrents, et en dehors des franchises bien établies ou des productions Ghibli, les nouveaux venus ou les trop anciennes saga se cassent souvent les dents. Cette année aura été terrible pour Albator (4,4 M$), éclipsé par la huitième semaine du phénomène de l’été : Le vent se lève (119,5 M$ pour l’instant), dernier film de l’immense Miyazaki et qui en 15 semaines d’exploitation n’a toujours pas perdu une seule salle depuis sa sortie. Mais pire encore, bien qu’ayant disposé de cinq fois moins de salles, cette petite production indépendante, et première vraie sortie pour son réalisateur qui ne soit pas estampillée Doraemon, a largement bidé avec tout juste 3,3 M$ dans le monde. Mais rappelons le, le succès n’est pas gage de qualité : l’acclamé Le Tombeau des Lucioles – dont le réalisateur a qualifié cet été avec Coo de « magnifique » – avait fait un décevant 800 000 entrées en son temps.

Longtemps auparavant, vivaient sur cette terre des créatures étranges et légendaires : les Kappas. Sortes d’esprits de l’eau dotés de capacités extraordinaires tel la parole, ces batraciens mythiques ne sont aujourd’hui q’une lointaine histoire à laquelle plus grand monde ne croit. Mais un jour, Kôichi, un jeune japonais, fit la découverte d’une roche fossilisée au motif inhabituel et remarquable. Voulant redonner à son cailloux une seconde jeunesse, il tenta de le laver, et quelle ne fut pas sa surprise quand la force minérale de l’eau ramena à la vie le Kappa prisonnier à l’intérieur. Surnommé Coo, sa vie a bien changé en quelques siècles : ayant été séparé de son père, tué par un samouraï, lors d’un séisme, il se rappelait encore la douceur de son lac et la foisonnante végétation qui l’entourait. Et le voilà plongé dans un monde d’hommes dénaturant tout et dont les méfaits ont probablement décimé tous les Kappas. Mais Coo tomba sur une famille honnête et l’espoir de trouver ses semblables réside encore dans son cœur.

On retrouve trois problèmes récurrents dans l’animation japonaise : la bizarrerie dérangeante, la culture du bizutage / suicide, et l’ambiance morbide. Ici, on cumule les trois. Certes, les japonais sont loin de nos croyances monothéistes, et le principe que chaque chose soit potentiellement une divinité nous est donc étranger, mais en faire une race de tortue / grenouille avec des rastas et qui parle, ça choque. Et quand l’un d’eux se réveille d’une fossilisation, on part dans une histoire tellement surréaliste qu’on s’y perd d’emblée (un style malsain qui n’est pas sans rappeler Le Royaume des chats), d’autant que tout le monde réagit de façon anormalement normale. Pourtant, sur d’autres points les réactions sont alarmante où tout le monde traite gratuitement une élève de « gros thon ». Parents et enfants sans distinctions y vont franchement, s’insultant mutuellement avec ferveur. Pour le troisième point, l’absurdité et la folie déclencheront plus d’un rire nerveux devant l’incompréhension de certaines scènes où la mort frappe sans noblesse et où elle est commémorée avec impudeur et maladresse. De manière générale, le film est particulièrement triste et mélancolique malgré la folie de l’histoire et la nonchalance des personnages. Celui qui est en quête de Happy End peut passer directement son chemin, même si pour le genre ça reste plutôt joyeux et positif. Enfin, dernier point qui fâche : les graphismes. Globalement, c’est beau, mais il y a de tels fossés entre certains points que le rendu choque par moments. Bluffant quand il s’agit des environnements verts ou du rendu de l’eau, le film est en revanche plus classique pour les décors urbains et carrément limite quant aux personnages, humains ou animaux. On ne peux peut pas traiter différemment les éléments : le mélange réaliste et manga n’est pas cohérent, du moins pas en l’état. De même, l’animation manque parfois de fluidité et la première scène sous la pluie est très mal gérée. Malgré tout ces défauts nombreux – sans compter sa durée longuette et quelques passages à vide – le film vaut le détour pour sa poésie, le charme de l’histoire, et son surréalisme fini par nous emporter. Une étrangeté qui ne fera pas l’unanimité, mais dont la singularité est attachante.

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