Il était temps

Il était temps
2013
Richard Curtis

L’homme est par nature dépressif : il désespère de son échec mais est paniqué à l’idée de réussir quelque chose, car perdre ce qu’on a gagné serait pire que de ne jamais l’avoir eu. Qui n’a jamais rêvé de revivre certaines journées, soit parce qu’elles étaient incroyables, soit parce qu’on est passé à côté de quelque chose d’énorme ? L’envie mène à la frustration, mais réaliser ses fantasmes revient à ne plus pouvoir espérer. La vie est ainsi faite : un cercle vicieux du désespoir. Mais que se passerait-il si on pouvait choisir les maux qui nous accablent ? Une question des plus complexes que va tenter d’élucider ce film.

Une nouvelle année commence, et pour Tim (Domhnall Gleeson) cela se fera avec un grand regret : celui de ne pas avoir embrasser cette fille si désirable qui lui envoyait ce regard langoureux. Mais tout n’est peut-être pas fini : pour son 21° anniversaire, son père (Bill Nighy) lui révéla le secret qui lie tous les hommes de leur famille. En se concentrant dans un espace sombre et clôt sur un lieu et un moment précis, il pourrait revivre n’importe quel moment de sa vie, la chamboulant comme bon lui semble puis la continuer depuis ce passé, ou simplement modifier un élément avant de retourner au présent par la même technique. Tout d’abord septique, il se rendra à l’évidence en constatant cette impensable vérité. Tout est à sa portée : richesse, luxure ou célébrité. Mais si une chose est ressortie de l’expérience de ses ancêtres, c’est que la normalité est la clef du bonheur. Pour lui, ça sera Mary (Rachel McAdams), la femme de ses vies.

Quel pouvoir enivrant ! Se dire que chaque mauvais choix peut être effacé, qu’on pourrait se forger une vie idyllique et la revivre à jamais. En effet, pouvant voyager vers le passé depuis le passé permet donc d’être immunisé contre le temps, de faire fi de la mort, une boucle infinie faisant de nous un dieu qui empêche les autres d’exister, leur réalité étant continuellement écrasée. Un formatage presque monstrueux qui pose la question des mondes parallèles, à moins que le voyageur ne tue chaque personne vivante de par son action, les remplaçant par des copies sans âmes. Vient alors le profond malaise de cette existence : que vaut réellement une vie qui ne peut se construire sur le long terme, prisonnière du passé ? Vous l’aurez compris, le film amène avec intelligence et talent ces questions complètement folles et qui pourtant nous paralysent, des problèmes philosophiques sur lesquels on pourrait débattre pendant des heures. Au delà de ça, le scénario du film est excellent, très bien structuré et traitant avec beaucoup d’émotion ses sujets. Porté par des acteurs formidables entre la révélation de Domhnall Gleeson et la figure du romantisme que représente désormais Rachel McAdams, cette histoire touchante nous transcende, même si on regrette que cette belle romance admirablement portée sur la famille subisse aussi violemment le contrecoup de la morosité de la vie. Une œuvre fascinante et bouleversante, bien que fatalement pessimiste.

Ce contenu a été publié dans Cinéma, Critiques. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *