La Vénus à la fourrure
2013
Roman Polanski
Une réputation, ça vous précède. Sorti en pleine relance sur la polémique de la pédophilie avérée de Roman Polanski, le film se heurta à l’indifférence générale malgré des critiques excessivement bonnes. Petite revanche sur son flop en salles, le réalisateur peut néanmoins se targuer d’avoir obtenu le César du meilleur réalisateur, chose pourtant étrange sachant qu’il s’agit d’un huis clos.
Transposition d’une pièce de théâtre adaptée du livre éponyme de Leopold von Sacher-Masoch, précurseur et inventeur du masochisme, le film consiste justement en une pièce autour du livre, ou plus précisément d’une audition qui tourne à la répétition. Terriblement en retard à son audition, Vanda (Emmanuelle Seigner), une niaise vulgaire, va réussir à arracher une audition à son auteur / metteur en scène Thomas (Mathieu Amalric). Ayant accepté par pitié et pour se débarrasser d’elle, il va tomber des nus en constatant le talent d’actrice qui l’anime, sa justesse et son naturel.
Deux grands comédiens qui donnent vie à un texte, on connaît la jouissance que pareille élévation spirituelle peut apporter avec des films comme Alceste à Bicyclette, mais l’effet est ici décuplé. Brillant de bout en bout, le texte de cette pièce offre des dialogues inspirés et percutants, alimentés par les excellents acteurs, portés par une tension sexuelle et une aura quasi mystique. Et c’est là que le film fait très fort : il nous amène de surprise en surprise, laissant découvrir progressivement chacun des personnages tout en ajoutant un peu plus de mystère à chaque pas. On s’étonne, on se ravit, on jubile des messages à double sens, portant peu à peu le film dans le fantastique tant ce qui se joue sur cette scène improvisée est magique. Une exceptionnelle idée de départ formidablement amenée, mais on atteint rapidement le climax et la logique s’installe, rendant la suite plus monotone, prévisible. L’émerveillement se terni pour finir simplement dans la continuité des choses. Assurément un très bon film à l’interprétation implacable, à l’histoire passionnante et dont la construction subjugue, même si on émettra quelques réserves sur la seconde moitié moins percutante.