Divergente
2014
Neil Burger
Malgré le nombre de bides croissant pour le genre, de nouvelles sagas adaptées de romans pour ados continuent d’affluer, cette fois avec une adaptation de la trilogie de Véronica Roth, bien qu’à l’image d’Hunger Games et presque toutes les adaptations à succès, on aura droit à un découpage du dernier tome en deux films (et vu les résultats pour Twilight et Harry Potter, que ce soit financier ou qualitativement, on ne peut qu’approuver). En effet, malgré une interdiction sur le pourtant si lucratif territoire chinois, la machine est désormais en marche grâce aux très bons résultats en salles (275 M$ dans le monde, dont un très beau 1,5 millions d’entrées en France).
Une guerre a visiblement fait rage, et le monde n’est plus qu’un vaste champ de ruines. La civilisation s’est depuis reconstruite sur un nouveau modèle d’auto-gestion très contrôlé et où la population est séparée par affinité. Ces affinités sont représentées par cinq factions ayant chacune un rôle précis : les Audacieux, guerriers aguerris chargés de la sécurité ; les Altruistes, caste humanitaire représentée par Marcus (Ray Stevenson) qui dirige le gouvernement ; les Érudits, intellectuels et scientifiques qui, par le biais de Jeanine Matthews (Kate Winslet), aimeraient renverser le gouvernement Altruiste pour reprendre une place qui leur revient logiquement ; les Sincères, destinés à l’administration et autres procédures juridiques ; et enfin les Fraternels, agriculteurs et éleveurs de bétail. À partir de l’âge de 16 ans, un test est soumit à chacun pour les aider à trouver leur voie, même si dans 95% du temps le choix et le test maintiennent les personnes dans le clan paternel. Mais pour Béatrice (Shailene Woodley), le test ne fut pas concluant : elle appartient à tous les clans, c’est ce qu’on appelle la divergence. Une libre pensée qui menace les fondements mêmes de ce nouvel ordre, et les divergents démasqués sont abattus. Encouragée par la défiance de son frère (Ansel Elgort) parti chez les Érudits, elle va à son tour braver le système et choisir le clan des Audacieux.
Le film commence très mal : l’idée d’un futur où la civilisation serait régie par un principe de clans communautaires est d’apparence plutôt mauvais, et l’héroïne ne rassure pas non plus avec son physique loin des canons de beauté classiques, d’autant que l’actrice est une totale inconnue, choix surprenant pour une production de cette ampleur. Le test d’aptitude laisse lui aussi pensif de par sa confusion, et on ne comprend pas bien le principe de divergence. Puis vient la séquence du choix de la faction, la première claque du film. C’est complètement abasourdi que le spectateur va assister au choix des Audacieux, une folie tant ce clan est sportif et brutal, en totale opposition avec l’univers naïf et chaleureux des Altruistes. Un bras d’honneur au système qui laisse sans voix, surtout avec la suite des événements, une suite de réjouissances, d’idées extraordinaires et de grands moments cinématographiques. C’est un véritable éveil auquel on assiste puisque la chétive et innocente jeune fille se retrouve jetée en pâture à la pire menace possible : les sans-faction. En effet, les Audacieux ont décidé de rejeter une partie des recrues, une sélection naturelle du plus fort dans une espèce de tournoi qui soumet ses candidats à rude épreuve, et ceux qui n’ont pas leur place seront abandonné à leur sort dans la rue, parmi les sans-faction (SDF) où la survie est pour ainsi dire impossible. Une réelle surprise qui vient bousculer les protagonistes, les mettant devant le fait accompli et la dure réalité des choses. Et c’est là que l’héroïne obtient ses galons, s’imposant progressivement comme une valkyrie des temps modernes : rebelle, téméraire et brillante. On aurait même tendance à lui trouver un certain charme, d’autant que l’actrice est une véritable révélation. Son partenaire est lui aussi une belle surprise, Theo James n’étant pas que le beau ténébreux habituel servant de prétexte à lancer une romance superficielle. Il a lui aussi une histoire intéressante, et mêmes des acteurs habituellement mauvais comme Jai Courtney trouve ici un rôle à sa mesure où il excelle, de même que les plus discrets Miles Teller, Zoë Kravitz et Maggie Q.
Pas forcément convaincant à priori donc, le film balaye tous les doutes très rapidement avec son histoire passionnante, nous plongeant dans l’univers captivant des Ambitieux, assurément la faction la plus intéressante, même si les autres ont encore le temps de faire leur preuve dans les trois prochains films. L’ambiance du film est une réussite sans précédents pour le genre, notamment grâce à une image des plus travaillées, reposant à la fois sur une technique propre mélangeant habilement le panoramique et la dynamique, mais aussi sur un design unique très porté sur les oppositions de couleurs. Mêlé avec une ambiance sonore elle aussi proche de la perfection, le film est un réel bonheur d’immersion. La formation égalise voir dépasse celle déjà bluffante de La Stratégie Ender, dernière belle surprise du genre. Mais le film n’est pas non plus le chef d’œuvre qu’il aurait pu être. En effet, sans doute dans le but d’avoir déjà une histoire bien complète au cas où le livre ne marcherait pas aussi bien que prévu, on étouffe un peu face à cette histoire beaucoup trop fournie. On aurait aimé un premier film uniquement centré sur la formation au sein des Audacieux, d’autant que cet arc n’aura pas eu un traitement pleinement complet (même si déjà bien rempli avec des passages grandioses comme la capture de drapeaux et le coup de la tyrolienne). L’histoire finale est très bonne, la question n’est pas là, mais pour une fois on aurait préféré étalé un peu le tout. Mais bon, pas de soucis, l’univers est riche et cette ville a encore beaucoup de potentiel, sans compter le reste du monde, aussi mystérieux que la guerre qui l’a mit en pièce. Ainsi, une idée qui laisse perplexe peu cacher une excellente surprise qui se démarque largement de ses consœurs par une grande maturité, un casting surprenant, une réalisation exceptionnelle, une histoire finalement solide, et surtout une ambiance incroyable.