Le Conte de la princesse Kaguya

Le Conte de la princesse Kaguya
2014
Isao Takahata

Voilà donc ce qui est considéré par les critiques comme le meilleur film de l’année, et par extension meilleur film d’animation bien entendu. Sorti des prestigieux studios Ghibli, le film promettait doublement de par son réalisateur, à qui l’on doit le tragique mais magnifique Tombeau des Lucioles. Dans un genre totalement différent mais non moins dramatique, cette sublime perle poétique n’est pour autant pas dénuée de défauts, rebutants par bien des aspects, mais il serait dommage d’y arrêter son jugement.

Basé sur la plus vieille légende asiatique qui soit, le film raconte l’histoire de Kaguya, sortie un beau jour d’une pousse de bambou. Parti en couper dans les bois près de sa modeste habitation, un homme trouva ce bambou luminescent, abritant en son sein une princesse plus petite qu’une main, qui se transforma en bébé, et qu’il choisit d’élever comme sa fille. Alors qu’elle grandissait à vue d’œil, son père adoptif continuait de trouver moult trésors dans les bois, y voyant là le signe qu’il devait s’en servir pour faire de sa fille une princesse et l’élever au plus au rang de la société. L’étrange petite fille qu’on surnommait « pousse de bambou », qui s’amusait tant à la campagne, allait devenir la princesse Kaguya, objet de tous les désirs, destinée à faire un beau mariage, et rien d’autre.

D’apparence le film n’a vraiment rien pour lui. Déjà graphiquement, on a rarement vu un tel foutage de gueule : des dessins pas finis, des décors souvent vides, un niveau de détail ridicule, sans compter les éléments non colorés et le nombre d’images par seconde insuffisant. On dirait une esquisse au fusain de ce que devrait être le film, mais clairement pas le résultat final. Pour ce qui est de l’histoire aussi il y avait de quoi faire la gueule : du grand classique sur « l’argent ne fait pas le bonheur », « la haute société c’est très surfait », et bien d’autres griefs moralisateurs sur la société et son sexisme de l’époque. Non, une femme n’est pas du bétail qu’on vend au plus offrant. Et non, le titre de noblesse n’est pas gage de bonheur. Le coup des cinq épreuves fait aussi très caricatural, de même que sa fin un peu spéciale. Alors pourquoi un tel engouement ? Kaguya. Finalement, au bout d’un moment, on fini par accepter le choix artistique de l’animation, même si le film aurait largement gagné en qualité avec un soin approprié. On fini par voir la beauté incroyable de la princesse, que ce soit grâce à son design si réussi, au fait qu’elle soit la plus soignée de tous les personnages, grâce à l’ambiance si particulière du film, ou par son histoire si belle et touchante. Elle dégage une telle douceur naturelle et à l’air si fragile qu’on en trésaille d’envie de la serrer dans nos bras. Et mine de rien, l’histoire est assez magnifique, d’une grande profondeur et d’une immense poésie, renforcée par une atmosphère à la fois féerique et inquiétante. On met beaucoup de temps à rentrer dans le film à cause du triste choix d’animation épurée, et la fin est une ode au suicide collectif, mais l’histoire est d’une telle pureté et l’héroïne si attendrissante qu’on ne peux que s’incliner face à tant de beauté. Une œuvre à peine croyable tant elle nous bouleverse subtilement.

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