La Prochaine fois je viserai le cœur
2014
Cédric Anger
Durant l’hiver 78, un tueur en série sévissait dans l’Oise, tuant au hasard des rencontres les jeunes femmes faisant du stop. Un tueur énigmatique, se ratant souvent de par son incapacité à regarder ses victimes au moment de tirer (d’où le titre, citation d’une des lettres laissées par le tueur à l’époque, menaçant de réellement viser la prochaine fois), laissant derrière lui nombre de témoins qui ont immanquablement conduit à son arrestation à la stupéfaction générale (surtout sa compagne, incarnée par l’étoile montante Ana Girardot), s’avérant être un gendarme local : Alain Lamare, rebaptisé ici Franck (Guillaume Canet). Le film, raconté du point de vu du meurtrier, s’intéresse donc à la psychologie du personnage, nous proposant une plongée au cœur de sa folie et de la traque à laquelle il participait lui-même.
Des films policiers sur des tueurs en série, la France en produit plus que de raison, mais celui vaut pour une fois le détour. Qu’il soit vu par les yeux du méchant n’est pas une révolution en soi, et l’histoire n’est au fond pas folichonne (on a déjà vu tueur en série plus intriguant ou terrifiant). Ce qui fait la véritable force du film, c’est Guillaume Canet, totalement à contre-emploi, mais y réalisant une performance troublante. Physiquement semblable à d’habitude, il est pourtant métamorphosé et souvent méconnaissable tant son travail de mimiques et d’expressions faciales est poussé à l’extrême, montrant la noirceur qui l’habite d’un simple regard. On ne sait pas vraiment au fond pourquoi Alain Lamare a fait tout ça, et le film n’apporte aucune réponse, mais on sent rien qu’en voyant son personnage sa haine viscérale qui le pousse à faire tout ça, même si ça le dégoûte et qu’il se dégoûte lui-même de faire des choses aussi horribles. Il se déteste, a le monde en horreur, et ne rêve que de le voir brûler avec lui au milieu du brasier. Pas forcément un dangereux psychopathe, peut-être plus un dépressif poussé jusqu’à ses limites, voulant communiquer sa vision désabusée de la vie. Maîtrisé à la perfection, le film livre ainsi un portrait captivant d’un personnage encore jamais vu, ou du moins pas avec une telle interprétation remarquable, et il est dommage de ne pas voir plus de soutien quand le cinéma arrive à se réinventer.