Un illustre inconnu

Un illustre inconnu
2014
Matthieu Delaporte

Je pourrai bien sûr dire « la France est un pays de cons », et il est vrai que cette part de la population est assez largement majoritaire, mais moi aussi j’ai fait la moue devant ce film, d’apparence peu reluisant. Et même avec la palme du « Coup de cœur » décernée par Durendal, je restais perplexe et n’attendais pas grand chose du film, d’autant que son bide fut large avec tout juste cent-sept mille entrée. Pourtant, il est une nouvelle preuve que le cinéma français continue de se réinventer.

Quel est le sens de la vie ? C’est triste à dire, mais il n’existe qu’une infime fraction de l’humanité dont la vie a réellement eu du sens, mais ça n’est pas non plus une raison pour se faire chier. Seulement voilà, lui plus que n’importe qui d’autre, Sébastien Nicolas (Mathieu Kassovitz) a ce qu’on appelle une vie de merde. Il a un physique banal, n’a aucune passion, aucun hobby, aucune famille, et mène une vie sordide d’agent immobilier parisien, victime du système engrainé dans le métro-boulot-dodo. Habile en maquillage, il use d’artifices pour usurper l’identité d’inconnus, car n’importe qui est susceptible de vivre quelque chose de plus palpitant que lui. Et un beau jour, il va faire la rencontre d’un ancien violoniste, homme ravagé par les âges au lourd passé, mais cette fois le mimétisme va totalement déraper.

Un parisien à la con, regardant passer les jours avec une lassitude invariable et logique tant sa vie est dénuée d’excitation. Donc oui, forcément, n’importe qui vaut mieux que lui, et vivre la vie de l’autre est une réponse certes étrange et absolument malsaine, mais compréhensible. Le film a l’intelligence de nous laisser découvrir au fur et à mesure le personnage, permettant de nous laisser le temps d’appréhender sa psychologie, et elle est véritablement passionnante. L’histoire est elle aussi d’un grand intérêt, nous piégeant d’emblée avec un artifice surprenant qui prend tout son sens à mesure qu’on avance, et sa structure est excellente, mais pas parfaite pour autant. Le stresse d’un tel stratagème peut bousculer un peu la logique avec l’improvisation, mais tout de même, nombre de passages laissent perplexes. Déjà celui de la poursuite au début, aveu improbable tant l’erreur d’appréciation aurait faciliter les choses. La prise de contact avec l’ex femme (Marie-Josée Croze) et le fils partait étrangement aussi, bien que peu à peu rattrapé, mais certains choix étonnent. De même, l’enquête finale est carrément tarabiscotée, et même si un élément permet de nous convaincre en partie, on reste dubitatif quand au verdict. Un film original, formidablement interprété et à l’ambiance surréaliste et glaciale, mais qui a un peu des airs de brouillons tant son scénario est parsemé d’imperfections, et le transformisme déçoit un peu, la faute aussi à un modèle final qui n’est autre que le dédoublement de l’acteur.

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