Astérix – Le Domaine des Dieux
2014
Louis Clichy, Alexandre Astier
Avec un ratio d’un bon film pour trois bouses, la saga live du petit moustachu gaulois est ce qu’on appelle un ratage quasi total, et ses incursions en animation n’ont pas franchement été des plus enthousiasmantes. Alors pouvait-on espérer quelque chose de cette énième tentative ? Assurément avec Alexandre Astier à la barre, assurant une partie de la réalisation, le scénario, mais aussi les dialogues. Pour tout connaisseur de Kaamelott qui se respecte, sa présence étendue ne pouvait qu’être une excellente nouvelle, mais c’était sans compter la pauvresse du matériau d’origine, l’un des plus mauvais album d’Uderzo et Goscinny si l’on se réfère à la vision de ce long-métrage.
Comme toujours, il sera question de César et de son besoin de raser l’éternel village de Abraracourcix, le dernier village gaulois lui résistant encore et toujours grâce à ces habitants, profitant du savoir de leur druide Panoramix pour leur prodiguer ce qu’ils appellent la « potion magique », concoction leur octroyant une force surhumaine. Pour y parvenir, son plan consiste à donner l’envie de goûter au style de vie romain aux pecnots locaux, construisant sous leur nez le « Domaine des Dieux », cité porte-étendard de leur supériorité.
Voilà voilà… Astérix étant sorti en 1959, la plupart de ceux l’ayant découvert à l’époque sont trop vieux pour vouloir se pencher sur un film d’animation, mais comme les nouvelles générations continuent de s’intéresser aux albums, un certain public subsiste, et trouver l’habile équilibre pour satisfaire ce large pannel est difficile. Le film s’y plante dans les grandes largeurs. D’une bêtise rebutante pour les esprits éveillés, il parlera aussi difficilement aux plus jeunes, multipliant les références faciles telles Charles de Gaule et la politique contemporaine, Sarkozy en tête (ce qui est peu étonnant puisqu’il était encore président au moment de la finalisation du scénario et enregistrement des dialogues). D’ailleurs, le film se veut très politique, parlant d’esclavagisme (avec une maladresse incroyable, prônant presque son retour), du problème de logement, d’immigration et limite d’antisémitisme (deux peuples ne pouvant pas se blairer). Seulement ces thèmes sonnent creux, n’étant qu’effleurés comme pour coller à l’actualité et rendre l’histoire plus « parlante et contemporaine ». On aurait presque tendance à s’ennuyer tant cette histoire est fade et arriviste. On se demande vraiment ce qui a orienté le choix de l’album adapté tant son vide semble abyssal, et mon seul souvenir y étant lié était son atmosphère automnale, très porté sur les teintes rouges et roses, mais artistiquement le film est encore une fois raté et n’en tient pas compte.
En effet, si les français ne font pas de films en 3D – ou évitent tout du moins -, c’est bien évidemment parce que le procédé est coûteux et ne supporte pas la médiocrité. Doté d’un certes beau budget de 30 M€, le film n’a tout de même pas les moyens de son ambition, et la modélisation est pauvre, basique, souvent saccadée même, ne nous flattant pas une seule fois la rétine. Un visuel sans âme qui nous laisse glacé. Le style cartoonesque en devient même grossier, les nez des personnages posant un problème de taille de par le « réalisme » du procédé entrant en conflit artistique. Et s’il n’y avait que la technique qui posait problème… Mais non, de l’architecture aux personnages en passant par les décors et la réalisation, rien ne convainc vraiment. Le casting vocal est lui aussi parfois un peu choquant, car si Roger Carel est toujours excellent en Astérix, le nouvel Obélix est atroce, et si on adore réentendre les voix des peureux chevaliers de Kaamelott, de même que celles de la quantité hallucinante de guest (Lorànt Deutsch, Elie Semoun, Florence Foresti, Alain Chabat, Laurent Lafitte, Lionel Astier, Géraldine Nakache et Artus de Penguern pour la dernière fois), la correspondance entre la voix, le personnage et l’image ne colle pas très souvent.
Mais ce film n’est pas pour autant une purge aussi colossale que les derniers massacres en salle, le salut du film résidant dans ses textes, pas parfaits, mais solides. Pas drôle à se pisser dessus, il n’en reste pas moins efficace de temps à autre, avec quelques dialogues cinglants qui font parfois mouche. L’ambiance est bon enfant, l’idée de montrer la corruption et l’avidité des gaulois marche pas mal, et quelques bonnes idées y sont aussi disséminées. L’accident n’est pas total, mais il faut bien avouer que l’histoire est vraiment vide – et débile qui plus est – et que techniquement le film est rebutant. Ça se regarde d’un œil distrait, mais compte tenu des talents engagés, la déception est monumentale. En revanche, le film marquant le troisième four commercial d’affilé pour le héros blond, il risque de ne pas revenir avant un bon bout de temps, pas une grande perte.