Deux jours à tuer
2008
Jean Becker
Présent dans notre paysage cinématographique depuis 1961, Jean Becker est une figure du milieu, car à l’exception de ses deux derniers films, il a toujours fait son million d’entrées, et souvent bien plus. Et c’est d’autant plus admirable quand il s’agit comme ici d’un drame pesant, peu propice au succès populaire, mais qui fut porté par un formidable bouche à oreille, bien que ça n’ait pas débouché sur une quelconque récompense, la presse ayant émit plus de réserves.
Adaptation du roman éponyme de François D’Epenoux, le film raconte comment un beau jour Antoine Méliot (Albert Dupontel) a craqué. Fatigué de ses clients stupides aux produits invendables, il va leur expliquer leurs quatre vérités. Lassé de sa femme, de sa petite vie bourgeoise insipide, il va tout envoyer valser, disant les choses comme il le pense depuis la première fois de sa vie. Famille, amis, connaissances : personne ne sera épargné. Une libération pour lui, un désastre pour les autres.
L’œil ne pétille plus, l’envie a disparu. Il ne semble plus rien n’avoir à perdre, et sa prise de conscience prend une tournure odieuse pour l’assemblée, devant faire face à une aigreur d’un niveau effrayant. Son but semble de salir son image, celle des autres, semer le chaos, mais n’est nullement réjoui par la désolation. Ne reste alors pas trente-six solutions, et la véritable raison de tout ça sautera aux yeux de tous dès la première scène. Et si cela ne suffisait pas, les moins éveillés découvriront forcément l’anguille sous la roche lors des échanges de regards entre le personnage principal et sa femme, Marie-Josée Croze, dévastée plus que n’importe quel autre. La première demie-heure du film est explosive, une petite perle comique qui nous fout une véritable claque tant personne n’avait osé aller aussi loin, et chaque tirade nous fait jubiler. Alors forcément, quand on bascule ensuite dans le drame humain, le souffle retombe, d’autant plus qu’on sait déjà où le film veut en venir. Quelques nouveaux enjeux vont faire leur entrée, de nouvelle perles d’écriture ponctueront aussi le voyage, mais l’intérêt est moindre. Heureusement, le dernier virage est assez bien négocié, donnant plus de crédit à cette seconde moitié, et Albert Dupontel est d’une justesse infinie dans les deux registres. Un principe auquel on ne peut qu’adhérer, malgré quelques irrégularités, qui nous offrira des fulgurances délectables.