Night Call

Night Call
2014
Dan Gilroy

Faire un film sombre et violent sur un héros pas très respectable, ça peut marcher, alors le producteur du sympathique et atypique Drive a voulu pousser le concept encore plus loin avec un film cynique exploitant la misère humaine, la violence et la mort comme source comique. Bilan : des critiques exceptionnelles, une pluie de nominations, quelques récompenses et un certain succès commercial. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que c’est amplement mérité.

Que peut-il y avoir de pire qu’un journaliste ? Un Nightcrawler (titre VO), cameraman amateur spécialisé dans les incidents nocturnes, souvent violents et sanglant. Ne sachant pas vraiment que faire de sa vie, Lou Bloom (Jake Gyllenhaal) va tomber par hasard sur l’un d’entre eux, et il va être immédiatement fasciné par l’idée de traquer et reporter le crime et les accidents spectaculaires. Un poste retransmettant les ondes radios de la police, prêt à démarrer au quart de tour derrière son volant, Lou va chercher soir après soir le reportage le plus choquant imaginable, n’hésitant pas à transgresser la loi pour filmer au plus près les cadavres encore chauds ou les mourants.

Pas grand monde n’ose l’avouer, et pourtant, c’est une réalité : tout le monde s’en fout de tout. Un accident de voiture, même si une mère et son bébé perdent la vie, c’est bien peu de chose. Un énorme carambolage avec explosion, des flammes de partout et des corps agonisant dans une marre de sang, ça attise à peine notre curiosité. Véritable génie qui a tout compris à la vie, au fonctionnement et aux travers de notre société pourrie jusqu’à la moelle, le personnage principal du film sait exactement ce qu’il faut faire pour obtenir ce qu’il veut, et c’est avec déterminisme et un sang-froid ahurissants qu’il y excelle. Il ne souffre aucun tabou, va droit au but, ose dire tout et assume totalement chacun de ses actes, et son aplomb atteint des sommets divins. Voilà qui résume le film : « ce mec est un génie ». Il sait ce qu’il veut, comment l’avoir, et il ne souffre aucune limite. La surenchère du reportage le plus cru, le plus ignoble semble à son paroxysme d’emblée, et pourtant, il repoussera chaque limite avec un professionnalisme et un calme surnaturels. D’aucun le qualifieraient d’inhumain, de monstre psychopathe, mais son talent est sans commune mesure. En résulte des scènes chocs filmées avec jubilation, donnant lieu à un humour dérangeant mais irrésistible. Un film foncièrement original, superbement interprété et hilarant.

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