L’Hermine
2015
Christian Vincent
Visiblement il faut partir à l’étranger pour qu’on porte un regard éclairé sur un film. Récompensé à Venise pour son scénario et son acteur principal, le film n’aura pas été nominé pour l’un et non récompensé pour l’autre aux Césars, tentant de sauver l’honneur de la cérémonie avec le prix de la meilleure actrice dans un second rôle pour son autre personnage fort. Pour ainsi dire le seul film des Césars qui a su concilier succès critique, publique et commercial, mais quand on est aveugle…
Bras armé de la justice qui fait respecter les lois et en fait subir les conséquences à ceux qui la transgressent, le tribunal est un lieu hautement symbolique où se déroule des affaires aussi sordides que palpitantes. Président de cours d’assise réputé pour son intransigeance et ses sanctions exemplaires, Michel Racine (Fabrice Luchini) pensait se rendre à un procès somme toute ordinaire ce jour là, mais le hasard des choses va à nouveau déposer sur sa route la si belle et douce bienfaitrice qui avait prit soin de lui pendant une convalescence, la doctoresse Ditte (Sidse Babett Knudsen), tirée au sort pour être juré dans son tribunal.
Si la performance d’acteur ne se juge qu’en fonction de l’aptitude d’une personne à se métamorphoser et changer radicalement de personnalité, alors Fabrice Luchini n’est pas très bon, jouant un peu toujours dans le même registre et le même genre de personnages, mais si on prend en compte uniquement le charisme, alors il est prodigieux. Il nous livre un juge captivant, touchant, à l’histoire personnelle riche, antisocial plus par dépit que par conviction, et alors que la lassitude le gagnait, il va retrouver sa flamme, sa passion. Une histoire qui se développe en coulisse, dans l’intimité, alors q’un ardent procès bat son plein, non sans rappeler une scène de théâtre où tout le monde joue un rôle, tente d’amadouer le public, avec des rebondissements spectaculaires, des déclarations stupéfiantes et de vibrants discours. Un film particulièrement bien écrit, tant dans sa narration que dans ses dialogues, et les personnages sont aussi très bien travaillés. Il est rare de proposer une expérience cinématographique où le spectateur assiste au procès au même titre qu’un juré, ayant accès aux mêmes coulisses, étant soumit aux mêmes doutes et questionnements, et entre l’excellente distribution et l’histoire du président de la cours, le film est une belle réussite.