L’Idéal
2016
Frédéric Beigbeder
Après s’être essayé à la réalisation avec L’Amour dure trois ans, adapté d’un de ses propres livres, Frédéric Beigbeder nous revient encore derrière la caméra sous de multiples facettes, puisqu’en plus de signer son deuxième film en tant que réalisateur, il co-signe le scénario, adaptation de son roman Au secours pardon. Neuf ans après le succès de 99 francs, on retrouve ainsi son personnage d’Octave, certes mort dans le précédent film, mais qui nous revient pour nous parler d’un milieu encore plus horrible que le précédent.
Après avoir torpillé le milieu de la publicité, Octave Parango (Gaspard Proust) s’est reconverti dans celui du mannequinat. Expatrié en Russie, il opère en tant que « model scouting » (dénicheur de modèles) pour le compte d’une agence russe célèbre dans le monde entier, lui garantissant un salaire astronomique, d’agréables compagnies et une profusion de substances illicites. Seulement voilà, éternel blasé, il ne trouve presque jamais de modèle suffisamment bien selon lui, devenant encombrant pour son employeur, qui va alors le refourguer à la plus grosse compagnie de cosmétiques au monde : L’Idéal, justement dans la panade et à la recherche d’une nouvelle égérie depuis le dérapage de l’ancienne. Avec l’aide de la directrice de communication Valentine (Audrey Fleurot), il va devoir trouver le nouvel emblème du leader mondial.
Première scène, premier choc. Un enfant au milieu de femmes nues dans une soirée très libertine, se penchant sur une revue coquine : voilà qui donne le ton d’un film bien plus irrévérencieux et provocateur que n’a pu l’être le précédent. On découvre un Octave plus détaché que jamais, dénué de tout remord et trouvant enfin l’épanouissement dans son nouveau milieu, introduit lors d’une séquence de casting faisant écho au maître s’achetant une esclave. Si son prédécesseur était déjà formidable, Gaspard Proust révolutionne son personnage en remplaçant la folie par de la nonchalance, l’amenant à un degré supérieur dans la mesure où il n’est plus gangrené par son environnement, c’est lui qui entraîne le reste du monde dans sa décadence. La déviance est d’ailleurs beaucoup plus poussée dans ce film entre les femmes, jamais assez jeunes ou nombreuses, la profusion d’alcool et de drogues (bien que moins que dans le précédent pour ce second point) ou encore les fêtes ahurissantes de milliardaires russes excentriques. Le film rit de la pédophilie, de la femme objet, du danger des drogues, de la sexualité sous ses formes les plus tourmentées et le résultat est exceptionnel. On rit de bout en bout jusqu’à la dernière scène juste magnifique, mais le film est loin d’être parfait. Si la jeune Anamaria Vartolomei est très prometteuse, Audrey Fleurot déçoit dans le film de par son cabotinage, Jonathan Lambert nous arrache les yeux avec sa maladie de peau, mais le plus gros problème du film est son dernier virage. Si le suicide de 99 francs laissait perplexe (on aurait tellement préféré que la seconde fin soit plus qu’un rêve), la prise de conscience de ce film se fait de manière trop brutale, manquant aussi beaucoup d’imagination. L’une des meilleures comédies de ses dernières années, nous faisant d’autant plus regretter ses quelques imperfections.
Disponible en version alternative et vidéo :
https://www.youtube.com/watch?v=Rocm1Q6gQpw