Nerve
2016
Ariel Schulman, Henry Joost
Au début il y avait des blogs pour étaler sa vie sur internet, maintenant les gens le font sans s’en rendre compte. Google revend vos informations de mail et recherches aux annonceurs, facebook aussi où l’anonymat est loin d’être respecté, tandis que certains poussent le vice jusqu’à partager leurs états d’âme sur twitter et leurs photos sur instagram et autre snapchat. Jusqu’où pourrait aller ce phénomène ? C’est justement ce que va chercher à montrer ce film d’anticipation pas si futuriste que ça.
Adapté du roman Addict de Jeanne Ryan, le film va nous plonger au cœur d’une nouvelle attraction du web qui fait sensation : Nerve. Site sur lequel on peut s’inscrire comme voyeur ou jouer, il propose aux voyeurs d’observer et de monnayer des gages aux joueurs, qui pourront soit décliner le défi et se voir bannir, soit le relever et ainsi potentiellement gagner beaucoup d’argent si on devient le joueur finaliste victorieux. Pour briser la monotonie de sa vie, Vénus (Emma Roberts) va choisir de se lancer comme joueuse et fera équipe malgré elle avec Ian (Dave Franco), un autre joueur poussé vers elle par les voyeurs.
On y a tous joué quand on était petit, voici la version virale du « cap ou pas cap », seulement le jeu naïf et désintéressé devient ici du live cam où les sommes en jeu n’ont rien d’un business mineur. Mettre l’audace de quelqu’un au défi est en soi très intéressant, mais très vite les questions de morale laissent place à des problèmes de législation et de mise en danger de la vie d’autrui. Après tout, être observé par des milliers de gens, beaucoup le font gratuitement ou pour presque rien, c’est amusant et tant que tout le monde s’y retrouve tout va bien, mais le film avait plus d’ambition qu’un simple divertissement et se lance donc dans une mise en abîme de la surreprésentation médiatique de la sphère privée dans notre société actuelle, prolongeant la courbe pour voir les possibles dérives de demain. Le film va par moment trop loin et perd de temps à autre un peu de crédibilité, notamment en ce qui concerne le principe de « tout pour le vainqueur » où les sommes versées à chaque joueur peuvent à tout moment être reprises. Les versements électroniques ne se font pas aussi facilement et la protection bancaire n’est – on l’espère – pas aussi permissive, de même que la représentation du dark web semble fantasmagorique. C’est efficace, le duo est charismatique et le film va au bout de son idée mais on reste perplexe sur l’écriture entre l’immobilité générale et la concentration new-yorkaise de l’action, bien pratique pour le déroulé de l’histoire, à l’image de la censure des dérives pornographiques qui surviendraient logiquement dans ce genre de situations. Un bon divertissement dans l’air du temps mais faussement profond.