La Fille du puisatier

La Fille du puisatier
1940
Marcel Pagnol

Malheureusement brisé dans son élan par le cuisant échec de Marius et Fanny dont la sortie simultanée fut l’une des pires erreurs marketing de la décennie, la valse des réadaptations de Pagnol s’arrêta sec, alors même que la version de 2011 de La Fille du puisatier fut une excellente surprise. Mais était-ce une meilleure adaptation que l’original dont l’auteur s’était lui-même chargé ? Une vérification s’imposait.

Le film est centré – comme le laissait supposer le titre – sur Patricia, fille d’un puisatier (Raimu). Aînée d’une famille de six filles, Patricia s’apprête à fêter ses 18 ans et est comme on dirait « bonne à marier ». Félipe (Fernandel), grand ami du puisatier, est très intéressé par elle et pense qu’il ferait un bon mari. Mais le choix de Patricia se portera sur Jacques, un jeune pilote. Seulement voilà, à peine leur amour consumé, Jacques fut appelé par l’armée dans le cadre de la Première Guerre Mondiale. Là où la situation se complique c’est qu’elle est enceinte et que la famille Mazel, parents de Jacques, refuse l’enfant. Patricia se retrouve alors rejetée par son père de par le statut bâtard de son enfant.

L’histoire est assez simple : un triangle amoureux où l’un des deux prétendants est hors-jeu d’emblée, une grossesse précipitée et une situation ingérable. Bien sûr, aujourd’hui les naissances hors mariage sont monnaie courante et il en faut plus pour choquer ou déstabiliser le spectateur contemporain, mais c’est justement pour ça que le film marche si bien. Même pour l’époque le ton solennel et le phrasé dramaturgique dénotent, décuplant l’effet comique des grands discours volontairement exagératifs. Il y a quelques situations qui ne prêtent pourtant pas à rire et prit au premier degré c’est tout de même « un grand malheur » comme le dit si souvent le père, mais on retombe inéluctablement sur l’esprit Pagnol où les joies priment toujours sur les moments plus sombres et on peut voir de la lumière en chaque instant si on sait où chercher. Malgré une durée très longue les situations ne patinent jamais et on se délecte de chaque réplique qui égayent les doubles sens de jolies métaphores et autres jeux d’esprit. Les acteurs surjouent tout naturellement, insistant bien sur la force de caractère des protagonistes, mais c’est en adéquation avec l’image qu’ils cherchent à renvoyer d’eux. Seule ladite fille du puisatier peine à convaincre, mais heureusement le film s’attarde plus sur son père et son ami et ils sont nettement plus intéressants. Si le remake a fait un travail formidable et restitue brillamment l’ambiance et les talents de l’époque, cette première version n’a rien perdu de sa superbe et mérite tout autant notre attention.

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