La Grande Muraille
2017
Yimou Zhang
Depuis quelques années le paysage cinématographique mondial subit un changement d’une ampleur colossal : marché de niche il y a de ça dix ans, la Chine est devenu aujourd’hui la première source de revenu au monde pour le cinéma, dépassant les Etats-Unis. Si pour l’instant cet essor bénéficie surtout aux grosses productions hollywoodiennes il y a de plus en plus de films locaux qui arrivent à tirer leur épingle du jeu, au point même que l’an dernier The Mermaid s’était classé 14° plus gros succès mondial de l’année en franchissant la barre des cent millions d’entrées. Si jusqu’à présent ce genre de percée était trop rare pour pouvoir réellement tabler dessus et oser investir massivement sur un unique projet de grande ampleur, cette fois la barrière est tombée et c’est parti pour un show à 150 M$.
Vieille légende chinoise, le film met en scène une histoire sur l’origine de la fameuse Muraille de Chine, cet édifice de plus de 8 850 km de longueur, ce qui en fait la plus grande construction humaine jamais vue. Elle fut en réalité bâtie pour non pas repousser les hordes mongoles mais pour faire face aux assauts de créatures divines venant tous les 60 ans punir la cupidité d’un ancien empereur chinois. Mercenaire d’occident à la recherche d’une arme dévastatrice appelée la Poudre Noire, William Garin (Matt Damon) va se retrouver enrôlé de force dans cette guerre.
Oh mon dieu quel scandale, d’où le rôle principal d’un film chinois est tenu par un blanc américain ? Et pourquoi est-ce qu’il y a aussi le chilien de Narcos et Willem Dafoe ? Alerte au whitewashing (terme utilisé pour désigner la propension qu’à Hollywood d’attribuer des rôles prévus pour des gens issus des minorités à des blancs) ! Voilà le genre de débat stérile et stupide qui avait fleuri à l’annonce du projet. Juste fermez-la et attendez de voir le film pour juger ! C’était des occidentaux à la recherche d’une arme chinoise, d’où leurs présences, fin de la discussion. Et de toute façon osef, on parle d’un film sur des guerriers habillés en Power Ranger qui affrontent une horde de monstres extraterrestres, alors on est pas à ça près. Imaginez juste une seconde le même film sans stars internationales ? Sur les 330 M$ que le film a récolté dans le monde, pratiquement la moitié ne vient pas de la Chine, et il est évident que ce score aurait été largement plus faible sans cela, donc on ne peut que leur donner raison, d’autant que ça ne change rien à la qualité de l’œuvre. Il n’y a qu’à voir la version de 1959 de Ben-Hur pour en être convaincu. Sur quoi peut-on juger le film alors ? La qualité du spectacle. Entre les plans aériens, les reconstitutions en studio grandeur nature et l’utilisation des plus beaux paysages de Chine, sans compter des effets spéciaux pas forcément à la hauteur du budget mais qui ont le mérite de ne pas donner envie de vomir, c’est visuellement très réussi. Plus encore, si le scénario est au mieux débile, l’histoire nous permet de varier les plaisirs entre deux attaques sur la Muraille très différentes, un voyage en ballon et la visite de la cité impériale. Que demande le peuple ? Du pur divertissement décérébré et décomplexé.