Death Note
2017
Adam Wingard
Rien n’est plus chiant qu’un fan. Si vous lui faite une adaptation fidèle, il viendra vous dire que votre œuvre n’a aucun intérêt parce que rien ne peut égaler l’original. Si vous tentez de vous servir du support comme d’une base pour quelque chose de nouveau, ou si vous déviez un tant soit peu du model, vous commettez un parjure colossal qui vous vaudra une vague de haine ahurissante. Après plusieurs films japonais absolument ignobles, Netflix a enfin eu le courage de mettre sur pied la version américaine du manga culte Death Note dont le projet a mit près d’une décennie à aboutir. Et forcément, dès les premières annonces de casting la déferlante de rage s’est fait sentir (mon dieu le héros a une tête de con, Mia n’est pas blonde et L est noir !), condamnant à mort le film ensuite lors de la divulgation de sa bande-annonce. Or comme il m’insupporte de voir des gens juger de quelque chose qu’ils n’ont pas vu, je voulais croire en ce film pour leur montrer qu’ils ont tort, comme en insistant lourdement sur les quelques points pas complètement catastrophiques de Dragonball Evolution, comme par exemple l’idée de la transposition contemporaine et le design des véhicules de Bulma. Bon après il faut aussi avoir des arguments pour défendre un film, et on ne peut pas dire qu’il aide beaucoup à en trouver.
Monde terrifiant qui ne sera même pas évoqué, il existe dans une autre dimension (ou plan astral comme vous voulez) des créatures divines capable de voir et agir sur l’espérance de vie d’une personne : les Shinigamis. L’un d’eux, Ryuk, de passage sur Terre pour briser son ennui éternel, va intentionnellement laisser tomber son Death Note, son cahier magique qui recèle le pouvoir de tuer quiconque y voyant son nom d’écrit dessus. Son destinataire sera un lycéen américain, Light Turner (Nat Wolff), qui va avec l’aide de sa petite amie Mia (Margaret Qualley) décider de se servir de ce pouvoir pour pallier à la justice du monde en condamnant à mort les criminels les plus dangereux ou répréhensibles. Grâce à lui la criminalité va sensiblement diminuer, craignant une justice divine, mais les autorités vont néanmoins essayer de percer le mystère de ces morts et pourquoi pas arrêter la ou les personnes responsables. Dépassées, elles vont faire appel au détective le plus renommé au monde mais que personne n’a jamais vu : le fantomatique L (Lakeith Stanfield).
Grosso modo le film reprend la première moitié de l’arc narratif de la confrontation mythique entre Light (Raito bordel, mes oreilles saignent !) et L. Des changements il y en a un paquet néanmoins : Light n’est plus un génie capable de prévoir des coups monstrueux sur le long terme, c’est presque un gamin stupide qui se fait mener à la braguette par sa copine, et même à l’origine c’est Ryuk qui a poussé cette énorme fiotte à utiliser le cahier. Ah charisme quand tu nous abandonnes ! Bon après le duo amoureux justicier, on en avait rêvé dans le manga, mais le Light (Raito) d’origine était un sacré connard incapable d’éprouver le moindre sentiment, du coup on reste tolérant sur cette liberté là, même si la disparition du second Shinigami créé un manque considérable. De manière globale, avoir fait l’impasse sur la totalité de l’autre monde est largement préjudiciable tant le background s’en retrouve amoindri, d’autant qu’avec une durée largement speedée de 1h30, le film aurait carrément pu prendre le temps de développer l’univers. Côté L, c’est presque une bonne surprise : le brillant mentaliste impressionne toujours autant, ses mimiques ont été respectées et l’acteur a presque autant de classe. En revanche, ses pertes de sang froid sont une gigantesque déception qui brisent son image de programme informatique parfait, censée faire écho au vide intérieur de Light, mais là aussi c’est raté. Reste que le produit est de base est tellement exceptionnel qu’on ne pouvait pas se tromper avec, d’autant que le film apporte tout de même quelques idées sympathiques comme la quête de Watari et la grande roue, et en plus le film jouit d’une grande liberté en terme de censure. C’est bien simple : il n’y en a aucune, la violence étant physiquement très concrète à l’écran. Si on ne connait pas l’anime ou le manga, le film est même assez divertissant et livre un concept fort, mais difficile de rester neutre face d’aussi grosses fautes de goûts qui nuisent clairement à l’ensemble et l’écart qualitatif est gigantesque.