Ce Qui Nous Lie

Ce Qui Nous Lie
2017
Cédric Klapisch

Le vin, le terroir, c’est toute notre culture française, notre patrimoine. Alors forcément, de temps à autre le cinéma s’empare du sujet, soit pour s’en servir de cadre pour raconter une histoire, soit pour parler de la passion de certaines personnes pour l’art viticole. Enfin bien sûr, on est en France et on ne sait presque rien faire sans y rajouter un drame social ou familial, spécialité du réalisateur Cédric Klapisch qui aime confronter ses personnages à des situations inconnues ou difficiles.

Aîné d’une famille de vignerons, écrasé par la pression et se sentant indésirable, Jean (Pio Marmai) était parti faire le tour du monde et n’était jamais revenu. De passage pour dire au revoir à son père sur son lit de mort, il va retrouver sa sœur (Ana Girardot), gérant tant bien que mal les terres de la famille, ainsi que son frère (François Civil), devenu quant à lui sous-fifre de son beau-père, lui aussi vigneron. Face à des créances de droits de succession intenables et les problèmes de chacun, la terre qui les lie pourrait bien se retrouver menacée.

Avec le recul, le film me fait un peu penser à Interstellar : incapable de se satisfaire de sa vie, un homme part chercher un sens à son existence à l’autre bout du monde, pour au final vivre en étant obnubilé par ses fantômes du passé. La grande différence c’est qu’ici il a réellement trouvé un sens à l’autre bout du monde, tout en ayant l’occasion de renouer avec ce qu’il avait perdu. Ainsi, l’entièreté de sa mission n’est pas veine, constatant au final qu’il avait déjà sauvé l’humanité avant de partir (paradoxe de la boucle), que la colonisation sur la dernière planète n’a aucun sens dans la mesure où le grand amour de Brand – censé s’y trouver – est déjà mort et que l’humanité a eu droit à son plan A, constatant à son retour que sa raison de vivre est agonisante (donc pas de retrouvailles mais des adieux), perdant ainsi la seule chose pour laquelle il s’est battu et pour laquelle on méritait de se battre. Un non sens au même titre que le plan B, puisque non seulement le projet de partir avec une seule mère porteuse est une aberration (si elle meurt en couche le projet tombe à l’eau, et mieux vaut n’engendrer que des filles le premier siècle car il faut rapidement penser aux prochaines gestations), mais en plus à quoi bon sauver l’humanité si c’est pour perdre les raisons pour lesquelles on voulait qu’elle survive ? Oui, effectivement, j’ai revu ce chef d’œuvre de la SF. Mon respect pour le travail accompli est toujours aussi immense, mais je reste en profond désaccord avec nombre de points du scénario, notamment toute la fin, ses paradoxes et ses désillusions.

Tout ça pour dire qu’on en revient toujours à la même conclusion : le seul et unique but ou sens de la vie est d’aimer et d’être aimé. Trouver sa place, ce n’est pas trouver où vivre, mais avec qui vivre. Après c’est sûr, matérialiser les lois de la physique avec brio, inventer un univers post-apo avec un aventure spatiale colossale et une petite fille qui vous fait fondre en larmes, ça a tout de suite plus de gueule que deux frères et une sœur faisant les vendanges. En parlant de frère, on en parle du pauvre frère de Murphy ? Alors que pendant 20 ans il était le seul à envoyer des messages à son père, ce dernier ne pensera jamais à lui et ne demandera même pas de ses nouvelles avant de faire une seconde fois ses adieux à la civilisation. Certes, il est sous-entendu qu’il est mort depuis le temps, mais quelle a été sa vie post évacuation ? Le choix de la version adulte de Murphy est aussi très discutable, jouant la carte de la femme forte, perdant la fragilité et l’émotivité désarmante de sa jeunesse. On dit que les roux n’ont pas d’âme, eh bien pour le coup ça m’a fait l’effet de perdre l’essence de cet amour source de toute chose. Qu’importe le temps qu’il nous est imparti, il vaut toujours mieux un instant de bonheur qu’une éternité de malheurs. Qu’importe que la Terre soit condamnée tant que je meurs dans les bras de l’être aimé. Pardonnez-moi pour cet aparté, car le film n’a pas démérité, mais quand chaque pensée vient vous hanter, vous n’avez de choix que de l’expulser. L’expression est une libération, la critique symptomatique, la rime c’est pour la frime.

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