Searching – Portée disparue

Searching – Portée disparue
2018
Aneesh Chaganty

Voilà la preuve ultime que dans la vie il y a l’art et la manière. Concept qui s’est révélé complètement bancal dans Unfriended, le film reprend ici l’idée d’un film entier montré via l’interface d’un ordinateur. Sauf que là où il n’y avait que Skype d’un seul point de vue avec quelques interactions avec la messagerie ou autre, on nous démontre qu’il y avait tellement plus à faire. Il peut y avoir plusieurs ordinateurs dans une pièce, le téléphone peut aussi faire des appels vidéo, et on peut à peu près afficher ce qu’on veut sur un ordinateur, allant de caméras annexes à des dizaines de programmes et sites, sans compter la possibilité d’y voir la télé, et donc les informations. En exploitant correctement ses outils, on peut ainsi pallier au caractère fermé de la machine et ainsi offrir un vrai travail de réalisation. Véritable succès d’estime sorti du festival de Sundance, le film s’est progressivement imposé grâce au bouche-à-oreille, arrivant à atteindre les 75 M$ dans le monde, un succès immense pour ce genre de production.

Introduction digne de Là-Haut, montrant au passage de façon remarquable l’évolution de la technologie, le film nous présente la famille Kim du point de vue de Margot, leur fille unique qui a grandi dans la douleur d’une mère malade qu’elle n’aura connu que 13 ans (ayant deux de plus au moment des faits). La suite se déroulera du point de vue de David (John Cho), son père. Inquiet de ne pas avoir vu sa fille rentrer et ayant raté trois de ses appels durant la nuit, il va tomber des nues en apprenant qu’elle n’est pas allée au lycée et qu’elle ne va plus à ses cours de piano depuis six mois. Après avoir essayé de contacter ses amis, il va devoir se rendre à l’évidence : sa fille a disparu.

Brillantissime. Non, c’est bien trop faible. Pour comprendre l’ampleur du film il faut bien comprendre une chose : il s’agit d’un des scénarios les plus intelligents jamais écrit, et c’est tout simplement le meilleur thriller de l’histoire. Le concept de l’immersion technologique est ahurissante et son utilisation bluffante, jouant sur le déplacement du curseur ou sur la vitesse de frappe pour témoigner de l’état d’esprit du protagoniste avec une rare subtilité. Bien sûr la plupart du temps une webcam ou autre nous montre David, un de ses proches ou l’enquêtrice, mais même sans personne devant l’écran le film retranscrit admirablement les émotions et le suspense. Les acteurs sont excellents et les reproductions sonores et visuelles de nos outils usuels forcent le respect, mais ce qui vous marquera profondément et irrémédiablement est la complexité, la richesse, la force et pourtant la clarté du scénario. Le père, et par extension le scénariste, redouble en permanence d’ingéniosité en trouvant toujours une nouvelle piste à explorer de par la surexposition de notre vie privée due aux réseaux sociaux. Les retournements de situation sont dantesques entre les surprises, les révélations, les moments de paranoïa et les coups de pressions à couper le souffle. Le film va loin, extrêmement loin, plus loin que n’importe quel film avant lui. Une fois que le dénouement se dessine et que tout se recoupe, on se rend alors compte du degré d’élaboration sans précédent de l’ensemble, où aucune information n’est donnée à la légère. Éreinté par un marathon d’investigation où l’on ne cesse de retenir son souffle, perpétuellement abasourdi par la qualité d’écriture, on en ressort transcendé tant le film s’impose comme l’une des œuvres les plus abouties de tous les temps.

Ce contenu a été publié dans Cinéma, Critiques. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *