Bird Box
2018
Susanne Bier
Bougre que ce film me faisait peur. Si Netflix a réussi à s’imposer comme l’un des meilleurs créateurs de séries, son bilan cinématographique est déjà bien plus discutable, comptant largement plus de navets que de grands films à son actif. Donc quand l’un de leurs films fait sensation, je reste méfiant, d’autant quand on parle de film post-apo où des créatures se servent d’un sens bien précis pour nous mettre à mort. Dans Sans un bruit, qui ne m’a pas passionné outre mesure, il s’agissait du son, ici place à la vue.
Retraçant en parallèle une expédition à haut risque avec deux enfants et l’arrivée de la tragédie qui a frappé la Terre cinq ans plus tôt, le film nous glisse dans la peau de Malorie (Sandra Bullock), alors enceinte au moment du drame. D’abord simple épidémie énigmatique frappant la Russie, en quelques jours le phénomène va se propager dans ce qui semble être une folie spontanée et violente, donnant à une personne contaminée une irrépressible envie de se suicider. Avant même de réaliser ce qu’il se passait, elle va trouver refuge avec plusieurs autres personnes (dont Trevante Rhodes) chez Douglas (John Malkovich). C’est alors qu’ils vont réaliser que la source de ce carnage n’est pas d’ordre bactériologique mais physiologique : ce sont des créatures aux capacités hypnotiques qui poussent les gens à mettre fin à leurs jours, et ce d’un simple regard.
Avant d’expliquer le comment du pourquoi, puisque apparemment beaucoup de gens n’ont aucune culture et peinent à comprendre des notions aussi basiques, parlons un peu du film en général. Pour l’être humain, la vue est assurément le sens le plus développé et important qui soit, devant l’ouïe et dans une moindre mesure le touché (les deux autres sont plus la pour décorer limite), donc comme pour Sans un bruit c’est une assez bonne idée de baser une menace dessus. Là aussi le film se montre assez ingénieux pour exploiter cette idée, la sortie en voiture opaque utilisant uniquement le GPS et les avertisseurs d’obstacles est une vraie trouvaille. La grande différence c’est que le film ne nous frustre pas en esquivant l’attaque initiale, car si on suit d’un côté une expédition en barque, de l’autre la double narration nous explique comment on en est arrivé là depuis les premiers instants. L’aspect communautaire est bien traité avec des personnages intéressants, et niveau angoisse et suspense le film marche très bien, l’énigme de la menace étant plutôt bonne. La réalisation est excellente, les acteurs très bons et l’histoire solide, donc je vous encourage clairement à voir le film.
/!\ Attention, spoilers en masse pour « décoder » le message du film /!\
Ceux qui ont lu la bible, ou ont un minimum de bases de culture chrétienne, auront bien évidemment compris que le film est une référence à la bible et au jugement divin. En effet, dans l’évangile selon Matthieu, il est dit : « Heureux les pauvres en esprit, car le royaume des cieux est à eux ! ». Les créatures, capables de prendre l’apparence qu’ils souhaitent, mettent les hommes face à leurs péchés, et seuls ceux qui sont dignes du paradis n’auront rien à craindre et auront la vie sauve. C’est donc pourquoi les échappés de l’asile, simples d’esprit, voient la sanction divine comme magnifique et n’y succombent pas, car selon la bible les fous ne sont pas responsables de leurs actes et iront de toutes façons au paradis. De même, il est dit, toujours dans le même évangile : « Heureux ceux qui ont le cœur pur, car ils verront Dieu ! ». De base, on se dirait que tous les enfants ont le cœur pure, et c’est pourquoi Malorie hésite à laisser les enfants voir, car elle a peur que ses propres péchés -comme son interdiction de les aimer de peur de les perdre (d’où l’absence de prénoms) ou le mensonge concernant la fille – ne se reflètent sur eux et que Dieu ne les juge pas dignes. Il n’y a donc pas d’interprétation à faire, juste à comprendre les références.