Downton Abbey

Downton Abbey
2019
Michael Engler

Dire que j’aime la série Downton Abbey serait un doux euphémisme tant, surtout pour ses premières saisons, elle se hisse pour moi parmi les meilleures de tous les temps, à minima dans le top 5. L’idée d’un film faisant suite à la série était attendu dans la mesure où d’une part, si la série proposait une conclusion satisfaisante à la plupart de ses intrigues, le temps y restait suspendu. C’était d’ailleurs la force de la série : fasciner en montrant le quotidien d’antan, il est vrai riche en rebondissements et événements tragiques. D’autre part, de même que chaque saison se concluaient quelques mois après par un épisode spécial durant les fêtes, la possibilité de se replonger dans cet univers à l’occasion avait été évoqué avant même la fin de la série. La question de savoir si un film allait voir le jour ne se posait alors pas, il s’agissait juste d’attendre. Et nous voilà quatre ans après la fin de cette incroyable série, qui a certes connu quelques difficultés à se renouveler au fil des ans, mais qui a su conserver cette classe incommensurable, cette plume si aiguisée servie par des acteurs pour la plupart mémorables ayant raflé quantité de prix au cours des cérémonies durant les années de diffusion. Alors que beaucoup avaient tourné la page, la voilà qui se rouvre, espérant nous faire vibrer comme d’antan.

Nous revoilà à Downton où rien n’a changé. Robert Crawley (Hugh Bonneville) et sa femme Cora (Elizabeth McGovern) continuent de jouir de leur cadre de vie exceptionnel pendant que leur fille Mary (Michelle Dockery) gère le domaine. Son mari (Matthew Goode) et Tom (Allen Leech) s’occupent toujours du garage en ville, et Edith (Laura Carmichael) découvre les turpitudes de la vie de duchesse, ayant délaissé son journal pour son mari (Harry Hadden-Paton). Du côté des employés, Thomas Barrow (Rob James-Collier) a donc remplacé un Carson (Jim Carter) à la retraite bien méritée. Sa femme Elsie Hughes (Phyllis Logan) continue de gérer l’intendance, Bates (Brendan Coyle), Anna (Joanne Froggatt) et Baxter (Raquel Cassidy) sont toujours valets de chambre, Patmore (Lesley Nicol) et Daisy (Sophie McShera) s’occupent de la cuisine, cette dernière s’étant d’ailleurs fiancée avec le valet de pied Andy (Michael Fox). Le quotidien de Downton se verra ici bouleversé par une arrivée des plus inattendues : le roi et la reine d’Angleterre, en visite dans le Yorkshire. Désormais instituteur, à l’idée de pouvoir servir les plus hauts dignitaires du pays, Molesley (Kevin Doyle) reviendra enfiler son costume de valet de pieds, tandis que Lady Grantham (Maggie Smith), comptant sur le soutien d’Isabelle (Penelope Wilton) – mariée à Lord Merton (Douglas Reith) -, va profiter de la visite de sa nièce Maud (Imelda Staunton) pour lui faire retrouver la raison sur son héritage sans héritier, espérant lui faire coucher sur testament son cousin Robert.

Quand chaque épisode de 50 minutes arrivait à faire exister autant de personnages, on n’avait que peu d’inquiétudes de voir tout le monde revenir et réussir à tirer son épingle du jeu, mais il fait bon de voir rapidement tout le monde revenir plus en forme que jamais. Il y avait pourtant des inquiétudes tant scénaristiques qu’humaines, l’actrice campant la comtesse douairière ayant largement passé la barre des 80 ans, et ayant aussi eu des problèmes de santé, sa présence n’était pas assurée. De même, il semblait que le pauvre et loyal Carson allait tristement finir, rongé par Parkinson, mais il n’en est rien. La première est bien là, et le second reviendra à la charge, comme miraculeusement guéri et plus en forme que jamais, sans pour autant mettre en danger la nouvelle place de Barrow, personnage si fragile à qui la vie n’a fait aucun cadeau, ayant malgré tout réussi à trouver sa place en laissant tomber le masque. Assurément l’un des meilleurs protagonistes de la série, et si on tremble encore pour lui, on ne peut qu’être réconforter de voir le traitement de son personnage. Bien sûr, tout le monde n’aura pas un développement à la hauteur de ce qu’une saison de plusieurs épisodes pouvait permettre, mais à quelques exceptions près, en excluant le fait que la visite royale est assez prétexte et que globalement l’histoire n’est pas à la hauteur des plus grands moments de la série, on ne peut que saluer le travail accompli. On s’étonne de voir une énième nouvelle romance pour Tom, alors que cela semblait bien parti avec la rédactrice du journal lors du final de la série, mais soit. Un seul regret est à déplorer : la non présence de la cousine Rose, cette boule d’énergie si pétillante qui avait su apporter de la fraîcheur quand la série commençait à être en perte de vitesse.

Assurément, le film n’est pas fait pour ceux n’ayant pas suivi la série. La quantité folle de personnages perdrait n’importe qui, et sans l’affecte de base, pas mal d’intrigues ne passionneraient pas. Il s’agit clairement d’un prolongement de la série, plus utile qu’il n’y paraît d’ailleurs, puisqu’achevant de conclure dignement les arcs narratifs de chaque protagonistes, certains ayant été trop laissé en suspend. On pense notamment à Molesley avec Baxter, Andy et Daisy, mais pas de père de William au programme pour madame Patmore. En parlant d’écriture, le film est un régal absolu en terme de dialogues, enchaînant une quantité folle de répliques mémorables, de piques cinglantes et de jeux d’esprit fabuleux. Chaque acteur et actrice est dans une forme prodigieuse, et on ne peut que s’offusquer de ne pas voir l’inénarrable Maggie Smith nominée aux Oscars tant sa répartie est plus jouissive que jamais. Certes, elle a déjà obtenu plusieurs Oscars et a été sacrée à de nombreuses reprises pour ce même rôle, mais on ne dira jamais assez merci et bravo. J’irais même plus en disant que Rob James-Collier aurait aussi dû être à minima cité en tant que meilleur acteur, d’autant que lui n’a jamais eu la reconnaissance qu’il méritait. Le verdict en salle fut sans appel : le film a été de très loin le plus gros succès de tous les temps pour son petit studio, glanant près de 200 M$ dans le monde pour un budget ridicule de 13 M$, ce qui en fait proportionnellement le troisième film le plus rentable de l’année 2019. Acclamé par les fans dont l’amour ne désempli pas, le film ne marquera donc pas le point final de cette aventure, le créateur de la série Julian Fellowes, officiant toujours comme scénariste, y voyant là l’occasion de raconter de nouvelles histoires plus ambitieuses. Cet univers, regorgeant de valeurs positives et d’un bonheur de simplicité si incongru de nos jours, ne peut que charmer dans ce monde en perdissions, et il est si bon de s’y replonger.

Ce contenu a été publié dans Cinéma, Critiques. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *