On ne parlera pas ici des qualités intrinsèques du jeu qui sortira le 10 décembre après douze ans de développement, puisque de toutes façons un jeu sort en version béta de nos jours, et nécessite d’attendre presque un an pour avoir une version stable, exempt de bugs et corrigeant moult soucis techniques voir narratifs.
On se souviendra tous de la fin rushée de Mass Effect 3, des animations à la truelle d’Andromeda (qui pour le coup n’ont pas été corrigées pour cause de flop) et bien sûr des problèmes techniques innombrables sur l’ensemble des jeux Ubisoft. Les jeux coûtent de plus en plus cher, et visiblement il est plus rentable de vendre un jeu en cours de développement, puis voir si les ventes sont suffisantes pour le finir à grand renfort de mises-à-jour ou DLC.
Pour ceux qui vivent dans une grotte ou ne s’intéressent pas aux jeux-vidéos par snobisme et/ou atrophie cérébrale, Cyberpunk 2077 est l’œuvre artistique la plus ambitieuse de l’histoire de l’humanité. Faisant suite à un jeu de rôle papier qui plongeait dans un futur dystopique les plus passionnés et imaginatifs d’entre nous, le jeu nous plonge dans un futur pas si éloigné, presque familier tant d’autres œuvres telles Matrix, Mad Max, Blade Runner, Akira, Alita, Ghost in the Shell, District 9, Elysium, Chappie, FFVII, Mass Effect, L’homme bicentenaire, Intelligence Artificielle, Ex Machina, le cycle Robots d’Isaac Assimov, tous les médias nous plongent régulièrement dans un futur où les barrières tombent entre l’homme et la machine, entre le virtuel et le réel.
Les notions de transhumanisme et de vie par procuration y sont largement dépeint, prolongation logique et presque inévitable d’un monde éternellement insatisfait, dépressif, vivant dans l’instant présent, l’immédiat, la facilité. Le film Surrogate (Clone), ô combien décevant, était sur le principe criant de vérité : si l’on pouvait être éternellement jeune et en pleine santé, pourquoi se fatiguer à traîner sa vieille carcasse si l’on peut avoir un avatar dont les sensations nous sont transmises ? L’étape suivante est bien sûr l’absence d’avatar et d’une humanité pleinement plongée dans la matrice, et le débat semble être de plus en plus résigné à laisser des machines diriger nos vies, qui dans des cuves en stase seraient moins mornes et pas forcément moins réelles.
Le jeu Cyberpunk 2077 étant lui-même une source d’évasion récréative, nous plongeant dans ce futur qui semble inévitable et pas si lointain, sans le principe de risque de la réalité et proposant lui aussi de vivre par procuration façon Inception en superposant des couches de réalité, il en devient ce qu’il dénonce lui-même. La question n’est plus de faire la différence entre virtuel et réel, mais de choisir ce que l’on sait être virtuel car moins décevant que le réel. Qu’il est triste de se résigner à voir la réalité se dégrader.
Nous nous exprimons à travers l’art pour en tirer des leçons, pour en sortir grandi ou ébloui. Il fut un temps où crier au feu sauvait des vies. Aujourd’hui c’est un spectacle dans lequel se jettent les moutons, fascinés par la lumière.
Dans quelques jours sort Cyberpunk 2077. Certains choisiront la pilule bleu et chercheront à sortir de la matrice et empêcher les machines de nous y enfermer, y voyant là un chef d’œuvre d’anticipation sur nos dérives, mais plus le temps passe et plus les gens choisissent la pilule rouge pour ne jamais sortir de la simulation.
Consumérisme, capitalisme, course à la popularité, tout n’est que chiffres, concurrence, élitisme. La question ne sera bientôt plus de savoir si une machine peut avoir une âme, mais si l’humain en possède encore une.