Drunk


Drunk
2020
Thomas Vinterberg

Comptant parmi les films les mieux notés de l’année 2020, le film était même en compétition pour le César du meilleur film étranger, et l’a d’ailleurs remporté, au même titre que le BAFTA du meilleur film en langue étrangère. Etant donné sa tête d’affiche et son réalisateur à qui l’ont doit La Chasse, film terrifiant sur la paranoïa ambiante et la justice populaire bien prompt à émettre un avis, voilà qui avait de quoi intriguer.

Le film part d’un postulat assez simple : et si (peut-être de part l’alcool compris dans les fruits ou le stress ambiant contre-nature) l’humain était censé avoir constamment environ 0.5 gramme d’alcool par litre de sang ? Mal dans leur peau, en difficulté face à des élèves las ou un foyer peu accueillant, quatre amis professeurs (incluant Mads Mikkelsen) vont se lancer le défi de l’expérience. L’alcool, la solution à tous nos problèmes ?

A moins que notre religion nous l’interdise, pratiquement tout le monde a déjà expérimenté l’ébriété, ou à minima un degré d’alcool suffisant pour se rendre compte qu’à défaut de supprimer nos problèmes du quotidien, l’alcool permet parfois de mieux les supporter, voir de les oublier. Et contrairement à ce que certains pourraient craindre, partir d’un seuil de 0.5g est très raisonnable, donc le postulat de base ne fait pas l’apologie d’un alcoolisme décomplexé, mais d’une consommation régulière mais raisonnable. Seulement voilà, ce postulat est à la fois inspirant et faux. Oui, indéniablement ce choix va les aider, mais est-ce vraiment le cas ? Non, tout le début n’est que superstition, placébo. Donnez quelque chose à boire à quelqu’un en lui disant qu’il ira mieux, vous aurez alors de grandes chances d’obtenir gain de cause, et de fait l’alcool n’est pas en jeu. Les principaux problèmes des protagonistes sont risibles : le fatalisme et l’ennui chronique. De base leurs vies sont potentiellement excellentes, mais à force de s’y habituer, les bonnes choses perdent de leur saveur, et on se complet dans un morne quotidien où l’on dévalorise sans cesse les saveurs d’antan. Le choix de boire est alors avant tout le choix de chercher une solution, donc de se bouger. Une leçon de vie sur la motivation personnelle, et de fait l’alcool n’est plus et n’a jamais été le vrai sujet du film. De fait, quand la thèse est bancale, son développement ne peut que l’être, et face à une vraie solution se pose le problème de vouloir au-delà, quand en réalité la seule solution a été de vouloir en chercher une.

Le spectateur est donc face à dilemme : oui, le film est très bien fait, les acteurs sont excellents, et les scènes marquantes ne manquent pas. Outre les prestations lors des cours, je repense inlassablement au fameux cocktail de l’extrême, qui visuellement et de par la recette donne l’impression qu’il s’agit sans l’ombre d’un doute de la meilleure boisson jamais inventée par l’homme. Et le film reste d’une grande intelligence face au thème de l’alcool : il en montre les ravages, mais aussi les bienfaits, tant sur la santé mentale que physique. Comme pour toute chose de la vie, il faut y aller avec modération. Oui mais voilà, le spectateur se sent constamment au dessus de tout ça, car malgré la forme alléchante et le savoir-faire, les leçons sont connues, et la question de savoir pourquoi s’être à ce point laissé allé n’est pas assez au centre du film. Et l’autre problème c’est qu’on se sent – du moins moi – totalement déconnecté par rapport à leurs problèmes : ils n’en ont pour ainsi dire aucun. Les cours sont chiants ? Eh bien il suffit de les travailler. Pas d’enfants ? Eh bien il suffit d’en faire puisqu’apparemment la personne en question n’a aucun problème à trouver régulièrement des compagnes. Le couple vacille ? Eh bien il suffit d’arrêter d’être une vieille loque passive. En gros ils ont tous des vies excellentes sur le papier, mais ils sont trop amorphes ou indécis pour savoir en profiter. Le film m’a donc moins touché que La Chasse, l’impact scénaristique étant moindre et au final l’analyse sur notre société moins pertinente.

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