Prédictions


Prédictions
2009
Alex Proyas

Jugement divin, catastrophe naturelle, invasion extraterrestre ou simple folie humaine, de tout temps l’homme a fantasmé sa propre mort dans des propensions bibliques, et ce à plus d’un titre puisque la bible elle-même fut mainte fois source d’inspiration. Un sujet qu’on aurait tôt fait de penser poncé jusqu’à la moëlle, mais c’est plus parce qu’en réalité le peu de films traitant du sujet nous ont marqué que de part leur surabondance. Il est vrai que la même année les amateurs de « destruction porn » furent comblés avec le fameux 2012, stupide dans son histoire, mais correct sur ces personnages et dantesque visuellement, et beaucoup ont même oublié le film dont il est question aujourd’hui. Un peu trop vendu comme un thriller d’enquête incroyable, le film fut pour pratiquement tout le monde une amer déception : rien de neuf sous le soleil, prétentieux sur son marketing, car au final en termes d’angoisse psychologique on restera loin d’un Signes ou d’un La Guerre des mondes, et visuellement bien moins ambitieux qu’un 2012. Mais les années sont passées, la déception digérée, et il était temps d’avoir un avis plus objectif.

Le destin du monde est-il écrit ? Que l’on croit ou non au big-bang, à partir de ce point plusieurs théories existent : une perpétuelle expansion, une expansion finie, une expansion suivie d’une possible rétractation, voir possiblement le big-crunch, c’est-à-dire que l’univers est composé de cycles d’expansions puis de rétractations jusqu’à l’instant primordial où tout ne fait à nouveau plus qu’un. Une théorie invérifiable pour le moment, mais qui selon certains estimeraient la fin de l’univers d’ici 15 milliards d’années. Seulement d’ici là, et c’est déjà plus acté, notre galaxie entrera en collision avec une autre d’ici 4 milliards d’années. Mais même avant cela, notre soleil sera devenu trop froid pour permettre la vie sur Terre d’ici 3 milliards d’années, et d’ici deux milliards d’années la vie aura de toute façon disparu puisque le noyau terrestre sera épuisé. Tout n’est que poussière, et tout retournera à la poussière.

Cette fois, la menace est bien plus proche, à échelle humaine. Au cours d’une inhumation d’une capsule temporelle des 50 ans de l’école de son fils, John (Nicolas Cage) va tomber sur une étrange série de chiffres. Par jeu et curiosité, il va s’amuser à chercher un sens aux chiffres, y cherchant des dates. Croyant d’abord à des coïncidences, il va finir par se rendre compte qu’il s’agit d’un calendrier extrêmement précis de lourds incidents mortels.

Le problème quand on analyse une œuvre, c’est que quand son scénario repose sur des bases bancales, il est difficile de faire tenir l’ensemble debout. Entre les accidents de train, d’avion, bateaux qui coulent, explosion industrielle, attentats, en prenant tout en compte et en sachant que la misérable feuille fait mention d’évènements si mineurs qu’ils relatent moins de cent victimes, on se dit qu’une feuille A4 serait remplie en comptabilisant uniquement les accidents d’une seule heure d’une seule journée. S’ils y avait réellement plus de 50 ans de drames retranscrits, on croulerait sous des millions voir des milliards de pages, donc la base n’est pas que fragile, elle est une aberration monumentale. Même si on part d’un point de vue régional, cela ne marche pas non plus, la page couvrant des événements de Boston et New-York, éloignés de quelques 300 kilomètres, donc là aussi la page serait remplie en quelques mois, voir semaines, donc certainement pas 50 ans. On passera aussi sur le faux-suspense des chiffres non attribués ou le 33, la raison se voit venir à des kilomètres. Les mêmes 300 d’ailleurs. Personne ne sera dupe une seule seconde sur la nature des chuchotements, des visiteurs ou du dénouement, c’est une avalanche de poncifs scénaristiques. Le film est-il si mauvais pour autant ?

Classique ne veut pas dire mauvais, et il faut bien avouer que si certains stéréotypes, notamment en SF, sont si éculés, c’est justement parce qu’ils fonctionnent. Expliquer « scientifiquement » des prédictions, des visions, des apparitions ou des voix intérieures, il n’y a pas tant de façons de le faire, et même si le film y va avec des sabots made in USA calibre 12 à bout portant, ça reste assez efficace. N’espérez pas une enquête incroyable, c’est même assez lamentablement géré (sérieusement, c’est une bonne idée d’aller sur place ???) et comme toujours autocentré sur les Etats-Unis, bien qu’on voit sur l’un des plans de fin qu’il n’y aura pas un seul Eden. La métaphore biblique n’est d’ailleurs pas très fine, allant jusqu’à leur donner des ailes. Mais qu’y a t-il donc à sauver ? Si globalement on s’en fout royalement des protagonistes (on croisera d’ailleurs Rose Byrne, Ben Mendelsohn et Liam Hemsworth en figurant), le charisme de Nicolas Cage fait le taf, mais surtout les quelques scènes d’action envoient du très très lourd. Douze ans plus tard, les effets spéciaux sont toujours irréprochables, et c’est assez rare pour être souligné. Mal exploité, le sujet de base avait un fort potentiel et intrigue beaucoup, les ressorts angoissants fonctionnent, certaines scènes sont impressionnantes, très brutes, et dans l’ensemble on sent la maîtrise de son réalisateur. Partir oui, il le faudra bien un jour, mais si le monde pouvait disparaître en même temps, ça permet de s’envoler l’esprit léger car on ne laisse rien derrière soi, et c’est en cela que ce genre de film a une saveur particulière.

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