Barbie
2023
Greta Gerwig
Pratiquement sûr de finir plus gros succès au box-office 2023 avec 1,44 milliards dans le monde, le film a été une déferlante partout où il est passé, aussi en parti grâce au buzz improbable du « Barbenheimer » où le monde s’était affolé de voir deux grosses productions (Barbie et Oppenheimer) sortant le même jour, aussi débile soit-il de comparer une comédie populaire et un biopic de trois heures sur un sujet aussi sérieux que l’arme atomique. Près de 2,4 milliards pour les deux films combinés, près de onze millions d’entrées en France : assurément cet surréaliste association marketing fut un carton plein.
On connaît tous cette poupée mythique qu’est la Barbie, jouet pour enfant inventé en 1959, encore aujourd’hui poupée la plus vendue du monde. Eh bien saviez-vous qu’elle existe pour de vrai ? En effet, Barbie (Margot Robbie) vie avec toutes les autres Barbies (Emma Mackey, Kate McKinnon) et les Ken (Ryan Gosling, Simu Liu, Michael Cera, John Cena, Ncuti Gatwa) dans le royaume de Barbieland, un endroit magique où les femmes gèrent tout, occupent tous les postes importants. Un endroit idyllique, jusqu’au jour où le vrai monde va commencer à empiéter sur le leur.
Sans avoir trop d’attentes, j’étais tout de même curieux face à ce phénomène de société. Certes, tout le monde ou presque a grandi avec des Barbies, filles ou garçons, et le casting (comprenant aussi Will Ferrell, Connor Swindells et America Ferrera dans le monde réel) est absolument dingue. L’effet marketing Barbenheimer a été indéniablement un succès tonitruant, laissant sur le carreau la plupart des autres blockbusters estivaux qui ont presque tous sous-performé, le fait que la chanson de Dua Lipa composée pour le film fut matraquée à la radio a aussi aidé, de même que certaines histoires sur une rupture de peinture rose au niveau planétaire tellement le film en aurait abusé. Mais qu’en est-il du film en lui-même ?
Eh bien passé la sympathie de voir le monde de Barbieland en action, c’est non seulement d’un vide impressionnant, mais le scénario est sclérosé à un point dantesque. Dire que l’histoire est toute pétée serait un doux euphémisme : Barbie existe dans un autre monde, mais qui est relié au vrai monde, sorte de Toy Story (alors oui, j’ai vu les quatre, mais je n’ai jamais écrit les critiques) mais où la conscience est dans un autre monde, sauf qu’il est possible de passer d’un monde à l’autre sans problème, et ce dans le but d’aller raisonner celle qui joue avec la elle poupée. Car oui, le monde parfait c’est celui de Barbieland qu’il ne faut surtout pas toucher, car vive le pouvoir aux femmes, et que le monde réel est atroce avec son patriarcat déguisé et ouin ouin ouin. Sauf que non, sauf que si, mais pas tout à fait, mais faut se battre, et juste au secours ! Le film brasse beaucoup beaucoup trop d’air, pour une hypocrisie phénoménale d’une limitation intellectuelle scandaleuse. A la fois pub géante pour les produits Mattel, puis qui dénonce en fait la dictature de la beauté imposée par Barbie, sauf que depuis Barbie n’est ni forcément blanche, ni forcément fine, mais qui dit qu’en fait c’est juste un jouet trop cool et que c’est ce qu’on en fait qui compte, parce que faut pas déconner, les stocks pour Noël sont au taquet. Par contre à côté de ça, la dictature de beauté pour les hommes, eux forcément grands, beaux et virils, à minima sveltes si ce n’est des gros pousseurs de salle bodybuildés, ça c’est complètement normal. Mais allez vous faire foutre ! Entre les impératifs de produits dérivés, la pub géante assumée qui tue dans l’œuf tout discours faussement anticapitaliste, l’hypocrisie ahurissante de chaque instant, le bilan est juste minable, car en plus de ça, en tant que film il ne tient pas la route. Illogique, aux enjeux faibles, débiles voir contradictoires, l’histoire est mal écrite, la fin est poussive, et le film est même long, le dernier tiers étant ennuyeux et laborieux. Barbie en live, ça va bien deux minutes, mais face à un mercantile nocif plombant une narration fébrile, Barbieland se casse bien vite la gueule.