L’Amant de Lady Chatterley


L’Amant de Lady Chatterley
2022
Laure De Clermont-Tonnerre

Malgré le vide créatif assez problématique de 50 Nuances de Grey, le film fut un succès colossal, donnant des idées à beaucoup. Pour Amazon, ce fut la saga After, qui après avoir trop perdu de spectateurs en salles était facile à continuer à produire pour pas cher. Côté Netflix, ils avaient déjà fait carton plein avec l’ode au viol et au kidnapping, de très saines passions, avec l’extraordinaire 365 Dni, chef d’œuvre inoubliable. Il y a visiblement une forte demande pour le genre sulfureux, anciennement qualifié d’obscène.

On remonte cette fois aux origines du genre avec une dixième (oui oui, déjà) adaptation du roman éponyme de D. H. Lawrence, écrivain anglais qui tenta de publier son roman en 1928, mais mourus deux ans plus tard sans savoir qu’il aura fallu attendre 1932 pour une première publication, et que son pays d’origine aura réussi à en bloquer la parution sur son territoire jusqu’en 1960 tant le monde n’était visiblement pas prêt.

On y suit les tourments de Lady Chatterley (Emma Corrin), une aristocrate de bonne famille ayant épousé un très riche noble, mais qui malheureusement rentrera de la Première Guerre Mondiale en fauteuil roulant. Et qui dit paralysie des jambes, dit paralysie des parties génitales. Dans la fleur de l’âge, elle ne souhaitait clairement pas se morfondre dans une vie d’abstinence, et son mari ne le lui souhaitait pas non plus, y voyant là l’occasion de peut-être assurer indirectement sa descendance. En quête d’un bel étalon pour épancher sa libido, elle trouvera en le garde-chasse (Jack O’Connell) le parfait amant, loin de se douter de jusqu’où la fougue la portera.

Voici dont ce récit si transgressif et choquant qu’il a été interdit pendant plus de trois décennies ? Si brillant – et mal adapté par contre pour juger une nouvelle itération pertinente – qu’il fallait impérativement – et éternellement – à nouveau l’adapter ? Fait amusant d’ailleurs, la domestique protectrice et confidente de Lady Chatterley est interprétée par Joely Richardson, qui se trouve avoir campé ce même rôle dans un téléfilm en 1993. L’histoire m’a beaucoup fait penser à la romance entre Edith et le paysan vers la saison 3 ou 4 de Downton Abbey, eh puis il y avait surtout eu la benjamine des Crawley avec le chauffeur, donc le mélange des classes, une aristocrate avec un homme du bas peuple, le livre a peut-être été un précurseur en la matière, mais comme la dernière adaptation en date est de 2022, le thème n’a plus rien de novateur. L’époque est toujours agréable à s’y replonger, et la romance reste mignonne dans l’ensemble, donc on passe un plutôt bon moment, mais rien de mémorable ni spécialement sulfureux : c’est moins démonstratif que n’importe quel épisode de Outlander, et la pauvre Lady n’est pas très appétissante tant sa maigreur est maladive. C’était probablement une œuvre choquante et obscène à son époque, mais l’intérêt de la revisiter encore et encore n’a que peu de sens de nos jours, lui faisant presque frôler la vulgarité tant la nudité n’apporte pas grand chose, si ce n’est souligner l’obsession pour la chair au détriment du cœur, ce qui nuit au message romantique global.

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