Godzilla Minus One
2024
Takashi Yamazaki
Alors que le monstre de Godzilla fut inventé en 1954 par le Japon, l’international aura surtout retenu les productions américaines, qui montraient un certain potentiel de divertissement, mais rien d’autre et sans jamais pleinement transformer l’essai. Mais les choses ont nettement changé avec ce nouveau long-métrage, revenant aux origines mêmes de sa création, avec un succès assez colossal tant en dehors des films d’animation, rares sont les films nippons à avoir su s’exporter : plus de 115 M$ dans le monde, dont un gigantesque succès surprise aux Etats-Unis avec 56 M$. Il faut dire que le film met une gigantesque claque à tout ce qui a été vu jusqu’alors, sur absolument tous les points.
Que veut dire « Minus One » ? Eh bien au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, le Japon était économiquement à l’appellation « -1 », c’est-à-dire qu’il ne pouvait pourvoir aux besoins de sa population, ni en eau, ni en électricité, ni en nourriture. Koichi est pour sa part un double rescapé, ayant tout d’abord fui sa mission de Kamikaze pendant la guerre, puis ayant fui face à l’attaque d’un dinosaure géant sur l’île d’Odo. De retour dans son village où tous ses proches sont morts, il va tenter de se reconstruire une vie avec une jeune femme et un bébé qu’elle a sauvé, mais le pays va s’apprêter à devoir faire face à une nouvelle menace : le dinosaure a bien grandi, et Godzilla va les replonger dans l’horreur.
Doté d’un budget de seulement 15 M$, même en prenant en compte que les salaires sont trois fois moindre au Japon qu’aux Etats-Unis, cela ne ferait tout de même que 45 M$ de budget, soit à titre d’exemple 125 M$ de moins que le dernier Godzilla américain. Et le moins que l’on puisse dire, sans même évoquer le scénario, c’est que visuellement il n’y a pas match : le niveau de destruction est bien plus dantesque, et surtout on croit à ce que l’on voit. Les décors sont palpables, réalistes, et même la créature est infiniment mieux modélisée, plus bestiale, avec une texture plus crédible. Il faut dire que la mise en scène aide beaucoup au grandiose, retranscrivant enfin le gigantisme d’un tel monstre. Les sonorités horrifiques peuvent également compter sur quelques compositions assez magistrales comme celle de la bataille finale. Mais parlons surtout de ce qui fait qu’on en a quelque chose à faire, que cette histoire nous touche : l’aspect humain. La détresse, la fierté, la combativité du peuple japonais force le respect, les acteurs sont excellents et on s’attache fort à cette famille recomposée dans la douleur d’un lendemain de guerre. Certains retournements se sentent venir, mais principalement parce qu’ils sont logiques, inévitables pour aboutir au parcours de rédemption du héros. J’ai eu peur plus d’une fois d’un élément potentiellement décevant, mais au final le film a systématique répondu à mes attentes sur le développement des personnages et leurs arcs narratifs. Le traitement des traumatismes de guerre, du syndrome du rescapé, la gestion de la culpabilité, tout est brillant. On a donc une utilisation très pertinente du monstre, comme à la toute base de son histoire, là pour faire écho aux horreurs de la Seconde Guerre Mondiale, avec une mise en scène et des effets spéciaux dantesques, le tout au service d’une histoire émouvante où l’humain est au centre de tout.