Monsieur & Madame Adelman


Monsieur & Madame Adelman
2016
Doria Tillier, Nicolas Bedos

Renvoyant l’image d’un fils à papa propulsé dans le milieu alors que dépourvu du moindre talent, avec de surcroît une rare arrogance absolument détestable, Nicolas Bedos m’a depuis par deux fois agréablement surpris. Déjà en tant qu’acteur dans le plutôt bon Amour & Turbulences, où son jeu était vraiment pas mal, puis en tant que réalisateur et scénariste de la petite pépite La Belle époque, où quand des génies s’emparent du concept nostalgique de Westworld pour en faire de pure bienveillance thérapeutique. J’étais donc curieux de découvrir son premier film, réalisé et écrit avec sa compagne de l’époque, qui malgré un accueil chaleureux n’avait pas connu le succès en salle.

De leur rencontre jusqu’à ce que la mort les sépare, le film va retracer plus de cinq décennies dans la vie de Victor de Richemont (Nicolas Bedos) et Sarah Adelman (Doria Tillier), dont l’une est tombée folle amoureuse d’un romancier aspirant un peu perdu, avant de finalement se retrouver et connaître une folle aventure ensemble. Les hauts et les bas d’un couple à travers les âges, de 1970 à 2016.

Le film déborde d’imagination à un point impressionnant, à tel point qu’on dirait un biopic d’un célèbre écrivain ayant vécu les années folles tant on croit fort aux personnages et que ça sent le vécu. Et il est amusant de constater comment cette période précise de l’histoire est un écho parfait à l’évolution d’un couple : les années 70-80, l’insouciante et heureuse jeunesse ; les années 90, passage plus sérieux, planplan ; les années 2000, de désillusions à crises terribles ; puis les années 2010, la résignation, l’amertume. Et les personnages sont tellement bien écrits, que ce soit ce père (Pierre Arditi) indépassable qui a tant réussi matériellement, en s’oubliant émotionnellement, ce grand frère (Julien Boisselier) qui lui a réussi et fait la fierté de ses parents au détriment d’un cadet se rêvant artiste, ou encore le psy (Denis Podalydès) qui ne fait qu’encaisser des jérémiades sans apporter la moindre aide concrète. Mais surtout, on se régale de cette plume acerbe, cet humour noir, cynique et sinistre où le mari va jusqu’à prendre le nom et la religion juive de sa femme par pur arrivisme car le judaïsme faisait vendre. Le film est cinglant, diablement efficace et acerbe. Reste que malheureusement, la vie elle-même peut se montrer décevante par moments, avec une fin pas très réjouissante, et le twist final est raté, enlevant du crédit à certains choix et passages. Un montage coupant avant la rechute, terminant sur une petite note poétique et romantique, voilà qui aurait été parfait. On est pas passé loin d’un très grand film, mais on gardera ces portraits fascinants, cette pertinente analyse de notre société, ces dialogues truculents et cet humour délicieusement piquant.

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