Twisters
2024
Lee Isaac Chung
Voici l’une des plus grosses anomalies filmiques de l’année : à la fois l’un des plus gros succès en salle, explosant tout aux Etats-Unis avec 270 M$ et des retours dithyrambiques, et l’un des plus gros bides avec tout juste 100 M$ pour le reste du monde en combiné, avec cette fois des critiques plus mitigées. Il faut dire que la chasses aux tornades est profondément ancré dans la culture américaine, et la campagne marketing fut assez désastreuse entre le lien inexistant avec Twister, blockbuster à succès des années 90 mais qui a sombré dans l’oubli, et parler des producteurs de Jurassic World quand le dernier volet fut un tel naufrage artistique, ça n’est pas très vendeur… Pourtant, le film est une bien belle surprise.
Qui a-t-il de plus con qu’un américain ? Le saviez-vous, certains d’entre eux chassent les tornades ? Non pas uniquement par plaisir morbide que de voir cet élément de destruction naturel, mais aussi pour se confronter à la peur, au jeu de qui fuira au dernier moment ou qui jouera avec sa vie pour voir si son équipement saura résister. On suivra ainsi d’un côté un influenceur YouTube / Tiktok (Glen Powell) se targuant de pouvoir « chevaucher » des tornades, et de l’autre Javi (Anthony Ramos), travaillant pour une société capitalisant sur les dégâts provoquées par ces dernières. Au milieu, Kate (Daisy Edgar-Jones) va tenter de surmonter ses traumatismes pour travailler une fois de plus sur une technologie de contrôle météorologique et se prévenir contre ces catastrophes.
Loin d’être un blockbuster décérébré, le film démarre de façon assez crue avec tout simplement l’échec d’une étude scientifique (avec Kiernan Shipka notamment) qui tourne au désastre. La nature n’est pas toujours clémente, et le film montre d’emblée qu’il n’y a pas toujours obligation à inventer des menaces cosmiques ou autre pour impressionner : il y a déjà tout ce qu’il faut dans la réalité. Avec cependant un énorme bémol : à voir le film, on croirait que de milliers de tornades spectaculaires dévastent en permanence toute l’Amérique profonde, ce qui est impossible à croire d’un œil extérieur. Et le pire, c’est que c’est vrai ! Dans ce qui est appelé la « Tornado valley », pendant la saison octobre/novembre, c’est bien des dizaines de tornades qui ravagent la vallée chaque jour ! Mais même avec quelques réticences de suspension d’incrédulité, le film est une réussite sur tout ce qu’il entreprend : il dénonce intelligemment les comportements inconscients, les limitations de la science et met en garde contre la volonté de vouloir tout contrôler, tout en montrant que l’homme peut avoir une influence sur la nature, et le spectacle est à la hauteur. Les effets spéciaux sont incroyables, et avec 155 M$ de budget il fait bien mieux que nombre de productions plus pharaoniques encore, et surtout on ne se contentera pas de deux trois scènes tapageuses. On verra quantité de diverses tornades, avec une grande générosité et diversité de destruction, et ce dès l’introduction. Alors oui, il faut rentrer dans le délire de la chasse aux tornades, ou non d’ailleurs, mais dans tous les cas on ne peut qu’être agréablement surpris par la force de la mise en scène, grandiose, et même l’écriture se montre maligne avec des protagonistes – sauf celui de David Corenswet, au charisme inexistant, ce qui fait très peur pour le prochain Superman – allant au delà des clichés habituels. En vrai on retrouve le plaisir régressif des blockbusters des années 80-90, avec un savoir-faire modernisé et une relecture plus réfléchie, ce qui est déjà beaucoup.