Black Panther

Black Panther
2018
Ryan Coogler

Présenté il y a deux ans dans Civil War, le personnage de Black Panther arrive avec son film solo, visiblement sacrément attendu. Alors que je le voyais présenter les premiers signes inquiétants de fatigue du MCU sur la base de sa bande-annonce, il a explosé tous les records à sa sortie et continue de les pulvériser. Après avoir signé le quatrième meilleur démarrage des tous les temps aux Etats-Unis en dépassant les 200 M$ en seulement trois jours, son maintient est encore plus remarquable, se hissant à la seconde marche du podium des meilleures secondes semaines. En dix jours la barre des 700 M$ dans le monde était déjà atteinte, et le milliard ne se fera pas prier très longtemps avec probablement entre 1,2 et 1,4 milliards à l’arrivée. Un engouement ahurissant, à tel point qu’à domicile le film est déjà assuré de battre le record du MCU, à savoir les 623 M$ du premier Avengers. Seulement quand je jette un coup d’œil à la filmographie du réalisateur, ses deux premiers films ne sont pas matière à rassurer : Fruitvale Station est l’un des pires films que j’ai jamais vu tandis que Creed m’a largement frustré à me raconter une histoire ennuyeuse portée par un personnage détestable. La communauté noire est-elle si forte que ça ou le film a-t-il étonnement de réelle qualités ?

Suite aux événements de Civil War, T’Challa / Black Panther (Chadwick Boseman) a perdu son père. Se faisant, le pays du Wakanda se retrouvait sans dirigeant et T’Challa a naturellement hérité du pouvoir et du trône de son père, bien que cela nécessite de passer par un rituel au cours duquel les cinq tribus du Wakanda peuvent opposer au successeur légitime un concurrent, suite à quoi le pouvoir du Black Panther est retiré de son propriétaire et rendu au vainqueur. Pour sa première grande mesure en tant que roi, T’Challa va ambitionner de mettre un terme aux agissements de Ulysse Klaue (Andy Serkis), un trafiquant qui a volé du Vibranium au Wakanda il y a des années. Seulement pendant ce temps, son cousin caché Killmonger (Michael B. Jordan) va comploter contre lui pour lui reprendre le pouvoir.

Le peuple noir est-il à ce point égocentrique, arrogant et dédaigneux ? Le personnage de Killmonger, et bien d’autres qui partagent ses positions, représente un mal qui semble aussi profond que la Shoah pour les juifs. Même les moins intégristes appellent l’agent du gouvernement campé par Martin Freeman le « colon », sous-entendu que tous les blancs sont des colonialistes. Le film est donc représentatif de cette haine anti-blanc, ce racisme viscéral qui oppose deux peuples à cause du souvenir de l’esclavagisme que pourtant plus personne n’a connu de nos jours. On pourrait débattre de la place des ethnies au niveau sociétale, au même titre que les femmes qui occupent des postes globalement moins prestigieux, mais quel est l’intérêt ? Est-il encore si primordial de nous rabâcher sans cesse ces fautes du passé ? Oui, la discrimination existe toujours, mais face à une haine si manifeste de l’autre côté on voit mal comment s’en prémunir, et le film est stérile au débat. Il ne fait que cracher sur un état de fait avec ardeur et méprit sans chercher à évoluer soi-même. Donc pour répondre sur l’aspect communautaire du film, oui, il est indéniable et nuis gravement à l’œuvre tant elle la marque et l’abîme. Et malheureusement tout le scénario est soit basé sur ce racisme anti-blanc, soit sur une banale guerre fratricide pour le trône. Certains personnages comme Klaue sont traités avec mépris et n’ont pas le développement qu’ils mériteraient, et la plupart des autres sont des clichés ambulants entre la gazelle aguicheuse (Lupita Nyong’o), la guerrière furieuse (Danai Gurira) à l’esprit très étriqué – c’est mon roi, je le suis, point barre -, le génie précoce qui bricole les nouvelles technologies (Letitia Wright) le traître sur patte (Daniel Kaluuya, dont la blague de sa nomination aux Oscars m’exaspère) qui retourne sa veste dans un manque de respect ahurissant, ou encore Forest Whitaker qui vient cachetonner. Nan franchement je vois pas comment le décrire autrement. Une écriture minimaliste, grotesque et presque nocive pour son aspect communautaire sectaire, et pourtant le film a tout de même bien des qualités.

Déjà pour ce qui est des personnages, le héros confirme son charisme naturel pressenti avec Civil War, sa sœur est une bonne surprise et j’aurais tellement aimé la voir développer une romance surprenante avec Martin Freeman, qui pour sa part est peut-être le meilleur personnage du film. Seul blanc réellement présent, il sera la seule vraie touche d’humour et offrira une connexion amicale avec le reste du monde et c’est de lui que viendra l’ouverture aux autres. Une faible lumière dans un scénario assez mauvais, mais sur le plan artistique le film rassemblera déjà beaucoup plus. Maîtrisant à la fois le dynamisme des scènes d’action en créant de la proximité, de la fluidité et un fort impact, le réalisateur nous offre aussi des panoramas magnifiques avec une profondeur de champ en Imax assez dingue. Si comme d’habitude avec les Marvel le schéma narratif classique impose un déluge d’effets spéciaux pour le combat final (pitié arrêtez avec cette formule, on en a marre !), globalement le film est moins abusif que la plupart des autres films de super-héros et on sent une réelle volonté d’utiliser le moins possible les fonds verts. Esthétiquement, sans être non plus une claque, le film est donc très réussi et sauve les meubles à défaut d’avoir un vrai fond. Ce 18ème Marvel reste divertissant et assure le spectacle autant que les autres, mais difficile de lui pardonner une forme aussi classique, son scénario anecdotique mais surtout ses messages idéologiques visant à diviser notre société.

Ce contenu a été publié dans Cinéma, Critiques. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *